Les Actrices et Acteurs

ARLETTY : LE CHARME ET LA GOUAILLE

Archétype de la Parisienne des faubourgs et égérie de Marcel Carné, qui lui a offert ses plus grands rôles, l’héroïne du Jour se lève a occupé une place inédite dans le cinéma français, alliant à une indéniable beauté un tempérament en acier trempé. 

Léonie Bathia voit le jour le 15 mai 1898 à Courbevoie, banlieue ouvrière de Paris. Son père travaille pour la compagnie de tramways locale, sa mère est blanchisseuse. Pour éviter le travail en usine, la jeune fille suit des études secondaires, et entre dans une école de secrétariat. Mais les lumières de la capitale l’attirent davantage, et elle entame bientôt une carrière de modèle et de figurante de music-hall. Grâce au marchand d’art Paul Guillaume, connu pour avoir lancé Picasso, la jeune femme se voit engagée au Théâtre des Capucines. C’est à cette époque qu’elle adopte, en hommage à une héroïne de Maupassant, le pseudonyme d’Arlette, qu’elle transformera ensuite en Arletty, le « y » anglais sonnant plus chic … Elle tourne en 1930 son premier film, La Douceur d’aimer, dans lequel elle ne se trouve guère convaincante. Mais, persévérante, elle va apparaître ensuite dans un ou deux films par an, souvent adaptés des pièces de boulevard qu’elle joue au théâtre.  

Pygmalion

En 1935, le rôle de Parasol dans Pension Mimosas, de Jacques Feyder, permet à Arletty de prouver ses talents comiques aux côtés de Françoise Rosay. Mais il lui faudra se contenter encore un temps de seconds rôles, car ce n’est que trois ans plus tard que la prostituée d’Hôtel du Nord fait d’elle une vraie vedette. Le personnage de Raymonde n’est pourtant pas le plus important de l’intrigue, mais le brio avec lequel l’interprète Arletty – ainsi que sa légendaire réplique : « Atmosphère, atmosphère, est-ce que j’ai une gueule d’atmosphère ! » – en font la révélation du film, éclipsant le couple de jeunes premiers. Dès l’année suivante, Marcel Carné lui offre un autre rôle à sa mesure dans Le Jour se lève, tandis que la comédienne explore aussi sa veine comique face à Michel Simon et Fernandel dans Fric-Frac. Après quelques films moins réussis, Arletty retrouve Carné pour un troisième chef-d’œuvre : elle est l’ange Dominique des Visiteurs du soir, un rôle qui aurait pu constituer le sommet de sa carrière si le même cinéaste n’avait ensuite fait d’elle l’héroïne des Enfants du paradis… 

Purgatoire

Dans le rôle de Garance, Arletty livre en effet une prestation éblouissante qui contribue, avec la mise en scène de Carné, le scénario de Prévert et l’interprétation de ses partenaires Jean-Louis Barrault et Pierre Brasseur, à faire des Enfants du paradis le film le plus mythique du cinéma français. Tourné durant l’Occupation avec une équipe composée en partie de résistants, le film connaît à sa sortie un véritable triomphe, restant pendant plus d’un an à l’affiche des cinémas parisiens. Mais celle qui lance à l’écran le fameux « Paris est tout petit pour ceux qui s’aiment comme nous d’un si grand amour » ne prend pas sa part des réjouissances : condamnée par un tribunal d’épuration pour avoir eu une liaison avec un officier allemand, Arletty est envoyée en prison, puis assignée à résidence. Ce n’est qu’en 1947 qu’elle pourra reprendre son travail, grâce au fidèle Carné; mais La Fleur de l’âge ne sera pas achevé, faute d’argent. Tous deux se retrouveront en 1954 pour L’Air de Paris, l’un des seuls films qui, avec Huis clos et Le Jour le plus long, dominent la seconde carrière d’Arletty. Après un accident qui la rend quasiment aveugle, la comédienne doit s’éloigner des plateaux au début des années 1960. Elle s’éteindra à Paris en 1992.  [Collection Gabin –  Eric Quéméré (2005)]


LE JOUR SE LÈVE – Marcel Carné (1939)
Le Jour se lève raconte la destruction d’un homme, d’un homme simple pris au piège, humilié, condamné à mort par un salaud. Il fallait cette architecture rigoureuse, du coup de feu initial du meurtre au coup de feu final du suicide, pour que se mettent en place les mâchoires du piège qui broie François (Jean Gabin). On ne lui laisse pas une chance. Le combat est inégal, il n’y a pas de justice. Un pouvoir aveugle et brutal vient parachever ce que le cynisme de Valentin (Jules Berry) avait commencé : le peloton anonyme des gardes mobiles repousse les ouvriers solidaires et piétine la fragile Françoise (Jacqueline Laurent).

HÔTEL DU NORD – Marcel Carné (1938)
Hôtel du Nord est d’abord un film de producteur, celui de Un hôtel modeste au bord du canal Saint-Martin… Inutile de raconter l’histoire, ce qui compte, évidemment, c’est… l’atmosphère de ce quatrième film de Marcel Carné. Au départ, il est embauché par la société de production Sedi pour tourner un film avec la star du studio, la jeune et douce Annabella. On ne lui donne qu’une directive : faire un Quai des brumes, mais un Quai des brumes moral…

LES ENFANTS DU PARADIS – Marcel Carné (1945)
Il y a quelque dix ans, Robert Chazal, dans un ouvrage de la collection « Cinéma d’aujourd’hui », chez Seghers, portait ce jugement définitif sur un film maintenant vieux d’une trentaine d’années : « Les Enfants du Paradis, c’est en définitive un film de première grandeur, aux richesses inépuisables, et qui n’a pas fini d’être en avance sur son temps ». Eh bien oui. A l’heure où le modernisme du style cinématographique rend caduques bien des œuvres qui paraissaient marquées du sceau du chef-d’œuvre impérissable, le film de Carné-Prévert a gardé toute sa force et sa beauté.

L’AIR DE PARIS – Marcel Carné (1954)
A l’automne 1953, le nouveau film de Marcel CarnéThérèse Raquin, reçoit un excellent accueil. C’est donc avec confiance que le réalisateur se lance avec le scénariste Jacques Viot dans un nouveau projet : l’histoire d’un entraîneur de boxe qui jette son dévolu sur un jeune ouvrier pour en faire son poulain. Carné est à l’époque un passionné de boxe.



Michel Simon et Arletty dans FRIC-FRAC – Maurice Lehmann, Claude Autant-Lara (1939)

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