Étiquette : preston sturges

LES ANNÉES 1940 OU L’ÂGE D’OR DE LA COMÉDIE AMÉRICAINE

Sophistiquée ou burlesque, pétillante ou loufoque, la comédie hollywoodienne brille de tous ses feux durant les années de guerre. Avec quelques-unes des œuvres les plus désopilantes du cinéma américain. Préfigurant cette apogée de la comédie américaine, les années 1930 s’étaient achevées sur une expérience passablement insolite, mais qui avait eu l’heur de plaire au public. « La Garbo rit enfin ! », tel était le principal argument publicitaire de Ninotchka (1939). Sous la direction du génial Ernst Lubitsch, la grande star perdait son auréole de mystère et de drame en succombant aux charmes conjugués du champagne, de Melvyn Douglas et de Paris… Un mythe était mort. Après quoi, plus rien n’était sacré.

THE LADY EVE (Un Cœur pris au piège) – Preston Sturges (1941)

Avec The Lady Eve (Un cœur pris au piège, 1941), le cinéaste a l’occasion de diriger les stars Barbara Stanwyck et Henry Fonda dans une des plus brillantes comédies américaines qui fait se marier deux tonalités auparavant opposées par le genre : la sophistication et le burlesque. Sturges trouve son style, celui de la madcap comedy, c’est-à-dire la comédie échevelée dont la structure et la tenue empêchent de verser dans le décousu. A travers une invraisemblable histoire de doubles aux évidentes connotations bibliques (H. Fonda est un herpétologue, Barbara Stanwyck s’invente une jumelle qui s’appelle Eve, elle lui jette une pomme à la tête à leur première rencontre… ), Sturges renouvelle profondément le topos du milliardaire amoureux de l’aventurière. Il traduit la déchéance du héros qui vit par deux fois la même aventure avec la même femme sans s’en apercevoir – exploit important – par une série de chutes qui, si elle rappelle celle du premier homme, évoque surtout le premier genre comique du septième art.

PRESTON STURGES : LE RIRE ET LA DÉRISION

De qui parle-t-on ? D’un Américain, d’un flambeur, d’un désinvolte. Du Mark Twain du septième art. Du traducteur de Marcel Pagnol. De l’inventeur de l’avion à décollage vertical. Du troisième salarié le mieux payé des Etats-Unis. D’un pochetron connu comme le loup blanc dans les bars du quartier des Champs-Elysées. Du propriétaire d’un restaurant sur Sunset Boulevard. De l’enfant de Mary qui donna l’écharpe fatale à Isadora Duncan. D’un célèbre inconnu. D’un dilettante de génie, digne de Stendhal et de Savinio. D’un fervent du mariage – à la façon d’un Sacha Guitry (qu’il admirait). Du scénariste le plus cultivé d’Hollywood qui affectait de mépriser le « culturel », D’un orgueilleux. Du premier véritable auteur d’un cinéma parlant américain. Oyez, oyez, bonnes gens, l’étrange et terrible histoire d’un homme qui voulut un jour laver un éléphant. [Preston Sturges ou le génie de l’Amérique – Marc Cerisuelo – PUF (10/2002]