Des retrouvailles entre Marcel Carné et Jean Gabin naît un film qui impose l’acteur dans un nouvel emploi et marque sa renaissance au cinéma français. L’association avec Prévert est terminée – même si le poète, sans être crédité au générique, signe encore quelques dialogues de haute volée. Carné adapte un beau « roman dur » de Simenon, tourné in situ, entre Port-en-Bessin et Cherbourg. A l’époque, plusieurs critiques, dont Claude L. Garson de L’Aurore, reprochent au cinéaste d’avoir voulu faire un remake déguisé de Quai des brumes à travers « ce film un peu démodé qui ressemble trop au cinéma de 1939 et pas assez à celui de 1950 ». Un remake amer, alors, tant les personnages, prisonniers des conventions sociales, sont ici condamnés, malgré leurs aspirations à des vies étriquées. Le duo formé par Gabin, vieilli prématurément, et la toute jeune Nicole Courcel fonctionne à merveille. Et la mise en scène, plus sobre que dans Quai des brumes, est toujours juste. Quitte à citer la presse de l’époque, on préfère cette jolie formule de Jacqueline Michel, du Parisien alors « libéré » : « La Marie du port n’est sans doute pas, dans l’œuvre de Carné, une cathédrale, mais c’est une belle église romane, sobre et pure, sans rugosité et avant Viollet-le-Duc. » [Samuel Douhaire – Télérama]