Étiquette : jean gabin

LA POLITIQUE DU CINÉMA FRANÇAIS

A la fin de la guerre, le cinéma français fut profondément réorganisé. Les institutions vichyssoises, dont la principale était, dans ce domaine, le C.O.I.C., étaient condamnées à disparaître. La nécessité d’une réorganisation du cinéma ne fut en elle-même jamais remise en cause, et il ne s’agissait que de procéder à un changement des structures. Encore ce changement ne fut-il pas immédiat et s’opéra-t-il en plusieurs temps.

CLAUDE AUTANT-LARA : LE BOURGEOIS ANARCHISTE

Claude Autant-Lara a été un des grands cinéastes français de la période 1940-1960. Il en a donné maintes fois la preuve, c’est un artiste et il sait ensuite injecter une méchanceté toute personnelle à ce qu’il veut dénoncer et user du vitriol. Son œuvre est inégale et comporte une inévitable part de films sans intérêt. Mais on lui doit quelques chefs-d’œuvre et une bonne dizaine d’œuvres importantes qui suffisent à faire de lui le pair d’un Clouzot, d’un Becker ou d’un Grémillon.

A PROPOS DE NICE – SOUS LES TOITS DE PARIS – ALLÔ BERLIN, ICI PARIS – PARIS-BÉGUIN

Parce que la mémoire collective est vite saturée, elle ne peut retenir, d’une époque ou d’un style, que cinq ou six noms. C’est un phénomène profondément injuste, puisqu’il privilégie les signatures que le souvenir a retenu dans sa passoire, mais il répond à un penchant naturel de l’esprit. Le but de cette série de publications sur les films français des années 1930 est justement de faire échec à cette mécanique qui tend à privilégier, au delà de toute mesure, des films excellents, mais qui rejette au fond de la nuit des dizaines d’autres films dont rien ne prouve qu’ils ne soient pas d’une émotion, d’une poésie ou d’une surprise comparables.

TROIS HOMMES DU MILIEU (par Philippe Carcassonne)

Dans les années 1950, le film noir français découvre l’envers d’une morale. Si l’on entend par « cinéma noir » non plus la marque d’un genre, mais l’esprit même de la noirceur, ce goût très français – jusqu’à la complaisance – de l’ignominie morale, sociale ou psychologique, c’est presque toute la production d’avant la Nouvelle Vague qu’il conviendrait de dénommer ainsi.

CHIENS PERDUS SANS COLLIER – Jean Delannoy (1955)

Chiens perdus sans collier fait partie d’une catégorie un peu à part dans la filmographie de Gabin, mais néanmoins importante : celle puisant dans un certain réalisme social. L’expression est à prendre au sens large, Gabin n’ayant pas réellement participé à des films « militants ». Même La Belle équipe, souvent considéré comme un manifeste des idéaux du Front populaire, n’a jamais été considéré comme tel par l’acteur, ni par le cinéaste Julien Duvivier. Ce qui n’empêche pas le célèbre film de 1936 de constituer, comme Chiens perdus sans collier, une véritable radiographie de l’époque. Gabin tournera en fait un certain nombre de films dans lesquels sera mis en avant cet intérêt pour le quotidien de gens simples, dont la vie est dépeinte avec justesse. Le Jour se lève, de Carné, appartient à ce genre, de même que, bien des années plus tard, Le Cas du Docteur Laurent ou L’Air de Paris.

SIMENON AU CINÉMA (période : 1932-1980)

Plus encore que Balzac, Dumas, Zola ou Maupassant, c’est Georges Simenon qui est l’écrivain le plus adapté par le cinéma français. Il est un peu pour les metteurs en scène l’équivalent de ce que le roman noir de Chandler ou d’Hammett fut pour ceux de l’Amérique : l’occasion d’un coup de projecteur sur telle ou telle couche de la société, par le biais de l’enquête policière, voire du simple fait divers. Au total, c’est plus d’une quarantaine de films français qui ont trouvé leur point de départ dans l’œuvre du créateur du fameux commissaire Maigret. Les « Maigret », une quinzaine, sont d’ailleurs beaucoup moins nombreux que les autres romans de Simenon à avoir subi l’adaptation cinématographique. Mais c’est par eux que tout a commencé, avec dix ans d’avance.

LA MARIE DU PORT – Marcel Carné (1950)

Des retrouvailles entre Marcel Carné et Jean Gabin naît un film qui impose l’acteur dans un nouvel emploi et marque sa renaissance au cinéma français. L’association avec Prévert est terminée – même si le poète, sans être crédité au générique, signe encore quelques dialogues de haute volée. Carné adapte un beau « roman dur » de Simenon, tourné in situ, entre Port-en-Bessin et Cherbourg. A l’époque, plusieurs critiques, dont Claude L. Garson de L’Aurore, reprochent au cinéaste d’avoir voulu faire un remake déguisé de Quai des brumes à travers « ce film un peu démodé qui ressemble trop au cinéma de 1939 et pas assez à celui de 1950 ». Un remake amer, alors, tant les personnages, prisonniers des conventions sociales, sont ici condamnés, malgré leurs aspirations à des vies étriquées. Le duo formé par Gabin, vieilli prématurément, et la toute jeune Nicole Courcel fonctionne à merveille. Et la mise en scène, plus sobre que dans Quai des brumes, est toujours juste. Quitte à citer la presse de l’époque, on préfère cette jolie formule de Jacqueline Michel, du Parisien alors « libéré » : « La Marie du port n’est sans doute pas, dans l’œuvre de Carné, une cathédrale, mais c’est une belle église romane, sobre et pure, sans rugosité et avant Viollet-le-Duc. » [Samuel Douhaire – Télérama]

LA VERITÉ SUR BÉBÉ DONGE – Henri Decoin (1952)

Si le public de 1952 boude la sortie de La Vérité sur Bébé Donge, le film ne sombre pas pour autant dans l’oubli, et les générations suivantes répareront cette injustice en le considérant comme l’un des titres les plus marquants de la période. Même les pourfendeurs de la fameuse « qualité française », tant décriée par François Truffaut et ses amis des Cahiers du cinéma, se sentiront tenus de faire une exception dans la filmographie d’Henri Decoin pour La Vérité sur Bébé Donge. Et, plus récemment, le scénariste Jacques Fieschi, collaborateur des derniers films de Claude Sautet, verra même dans La Vérité sur Bébé Donge « l’un des plus troublants huis clos conjugaux du cinéma… » De fait, tout concourt ici à créer une œuvre saisissante. Construite en flash-backs, l’intrigue du film permet de retracer l’histoire du couple Donge sur une longue période, tout en offrant à Danielle Darrieux de livrer une prestation remarquable en incarnant le même personnage à différentes époques, de la jeune fille pleine d’espoir à la femme murée dans son silence. Mais, pour être moins « spectaculaire », la performance de Gabin dans le film n’en est pas moins réussie : en bourreau devenu victime à son tour, l’acteur parvient à exprimer avec sobriété le désarroi d’un homme comprenant ses erreurs. Que le public n’ait pas reconnu dans un tel rôle « son » Gabin n’enlève rien à l’indiscutable talent dont fait preuve l’acteur dans la peau de François Donge… [Collection Gabin –  Eric Quéméré – 2005]