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LES HÉROS DU FILM NOIR

Surgissant de l’ombre épaisse du film noir, toute une génération d’acteurs américains allait s’affirmer, à partir des années 1940, grâce à la vogue du genre. Le héros du film noir se trouve toujours où il sait qu’il ne devrait pas être. Qu’attend-il dans l’ombre des rues, sur les trottoirs luisant de pluie ? Sa prochaine victime ? A-t-il fixé rendez-vous avec sa propre mort ? S’il n’est pas le jouet de quelque femme fatale ou d’un passé qui l’obsède alors peut-être est-il le tueur qui donnera sans sourciller.

THE BEST YEARS OF OUR LIVES (Les Plus belles années de notre vie) – William Wyler (1946)

En 1945, les producteurs hollywoodiens sont plongés dans une cruelle incertitude : de toute évidence, la fin du conflit mondial est proche, mais elle peut encore se faire attendre des semaines, voire des mois. Tout sujet anticipant sur la période de l’après-guerre risque donc de voir sa sortie retardée jusqu’au jour de la victoire. C’est alors qu’un article paru dans Time retient l’attention de Samuel Goldwyn : il y est question des problèmes de la démobilisation et des difficultés auxquelles se heurteront les combattants issus de toutes les classes sociales pour se réadapter à la vie civile. Le producteur pressent qu’il tient là un excellent sujet de film, d’autant qu’un tel thème restera d’actualité quel que soit le cours des événements militaires. Il commande a l’écrivain MacKinlay Kantor un récit d’une cinquantaine de pages qui servira de point de départ au futur scénario.

WHERE THE SIDEWALK ENDS (Mark Dixon, détective) – Otto Preminger (1950)

Dans Where the sidewalk ends, le flic Dana Andrews bat un suspect à mort, puis essaye de coller le meurtre sur le dos d’un gangster qu’il méprise. Au début des années 1950, des douzaines de films noirs dressèrent le portrait d’une police non seulement épuisée et faillible, mais composée de sociopathes en fin de course. En 1955, la bataille entre flics et malfrats était devenue si féroce sur les écrans que le sénateur Estes Kefauver déclencha l’une de ses tapageuses « enquêtes » du Congrès, déclarant que de tels films transformaient les enfants en délinquants violents.
A cette époque, la criminalité avait explosé et le grand public, excédé et impuissant, l’adora. Là où les films noirs typiques abordaient la psychopathologie comme élément d’une triste condition humaine, le personnage de Clint Eastwood des années 1980 valait des millions: la haine devint une franchise héroïque.

FALLEN ANGEL (Crime passionnel) – Otto Preminger (1945)

On ne change pas une équipe qui gagne : après le mythique Laura, Preminger retrouvait Dana Andrews pour cet autre polar. Au passage, un peu de mystère s’est envolé, mais Fallen Angel (Crime passionnel) garde cependant l’atout du classicisme parfait : c’est une véritable encyclopédie du film noir. Eric Stanton, le très typique mauvais garçon, est un escroc à la petite semaine qui débarque dans une ville tranquille, et même mortellement ennuyeuse pour la brune incendiaire condamnée à tenir le bar du coin. Quand Stanton lui parle de l’emmener ailleurs, elle voit tous ses rêves prêts à devenir réalité, mais elle attend des preuves. Pour trouver les moyens de conquérir la brune, il faut séduire la blonde, une femme plus sage qui a touché un bel héritage.Trouble, mensonge et dollars, tout, dans ce scénario, semble écrit en lettres capitales. Mais les personnages ne restent pas des clichés, et le titre original du film, Fallen Angel, annonce d’ailleurs que ce polar sera aussi une sorte de parabole biblique. Tout en racontant les petits trafics et les escroqueries minables, Preminger s’intéresse à l’innocence qui persiste en chaque ange déchu. Et d’une blonde naïve, il fait une figure de la bonté. Avec lui, un petit film noir a vite de grands pouvoirs. [Frédéric Strauss – Télérama.fr]

LES FEMMES DANS LE FILM NOIR

S’il y a beaucoup de femmes dans le film noir, la plupart n’existent qu’en tandem avec un partenaire masculin. De Double Indemnity (Assurance sur la mort) à Gun Crazy (Le Démon des armes), aussi dominatrice l’héroïne soit-elle, sans un homme d’une stature équivalente l’histoire ne tient pas. Pour qu’il y ait une femme fatale il faut un homme à détruire. Gilda (1946) et Nora dans Nora Prentiss (L’Amant sans visage, 1947) sont les personnages principaux. Dans la construction patriarcale du film noir, on pourrait assumer en simplifiant exagérément que leur talent peut charmer un homme au point d’induire en lui un comportement autodestructeur. Mais comme le démontrent ces deux films, Gilda et Nora sont, elles aussi, victimes d’une société qui met les femmes à la sensualité puissante sur un piédestal tout en les emprisonnant. [Film Noir – Alain Silver & James Ursini, Paul Duncan (Ed.) – Ed. Taschen (2012)]

LAURA – Otto Preminger (1944)

On ne peut pas citer Laura sans rendre hommage à Gene Tierney, l’une des comédiennes les plus belles et les plus sensibles de l’histoire du cinéma. Il faut aussi souligner le talent de Preminger, qui a traité cette histoire d’amour « noire » d’une façon totalement originale. La première scène d’amour n’est-elle pas celle de l’interrogatoire de Laura ? Plus le passé de Laura se dévoile, plus les questions de l’inspecteur, dont on devine la jalousie, deviennent violentes et cruelles. Le visage de Laura reste émouvant sous la lumière du projecteur. L’inspecteur finit par détourner cette lumière violente de son visage. Premier geste d’amour…