Étiquette : jean louis barrault

LA RONDE – Max Ophüls (1950)

L’interminable travelling qui ouvre le film permet au narrateur de traverser une scène de théâtre, un studio de cinéma, de s’habiller en costume 1900, de faire s’animer un manège sur lequel apparaît la fille des rues. Celle-ci rencontre un soldat, qui courtise une femme de chambre, et la ronde va tourner ainsi jusqu’à ce qu’un comte très snob retrouve la fille des rues… Les mouvements de caméra étincelants, l’ironie et le brio de la mise en scène dissimulent mal la gravité de la pièce de Schnitzler. Tous les héros semblent, dans leur course frénétique vers le plaisir, lutter contre le temps. Jean-Louis Barrault surjoue, et on eût préféré Marlene Dietrich, initialement prévue, à Isa Miranda. Mais tout le reste est sublime. Notamment le moment où Daniel Gélin et Danielle Darrieux discutent de l’impuissance masculine à propos de De l’amour, de Stendhal… [Pierre Murat – Télérama]

LES ENFANTS DU PARADIS – Marcel Carné (1945)

Il y a quelque dix ans, Robert Chazal, dans un ouvrage de la collection « Cinéma d’aujourd’hui », chez Seghers, portait ce jugement définitif sur un film maintenant vieux d’une trentaine d’années : « Les Enfants du Paradis, c’est en définitive un film de première grandeur, aux richesses inépuisables, et qui n’a pas fini d’être en avance sur son temps ». Eh bien oui. A l’heure où le modernisme du style cinématographique rend caduques bien des œuvres qui paraissaient marquées du sceau du chef-d’œuvre impérissable, le film de Carné-Prévert a gardé toute sa force et sa beauté. Certes les habitudes de perception des spectateurs ont changé. De même que les approches critiques. Or ce film a merveilleusement résisté à toutes ces mutations, il comble encore les partisans d’une lecture moderne de l’image, comme il comblait les cinéphiles de l’époque. [Raymond Lefèvre – Cinéma 74 (n°184) février 1974]

JENNY – Marcel Carné (1936)

En 1936, Jacques Feyder part pour Londres afin de réaliser Knight without armour à la demande d’Alexander Korda. Du même coup, une première chance sérieuse s’offre à Marcel Carné, son assistant. Feyder devait en effet tourner à Paris un film dont son épouse Françoise Rosay avait été choisie comme principale vedette féminine, pour le compte de la société Réalisations artistiques cinématographiques (aujourd’hui défunte). L’un et l’autre, Jacques Feyder et Françoise Rosay, insistèrent pour que la réalisation fût confiée à Carné. Ils eurent gain de cause. C’était, le pied à l’étrier : ce n’était certes pas la chance d’un chef-d’œuvre. Adapté d’un roman de Pierre Rocher, le scénario de Jacques Prévert et de Jacques Constant introduisait des personnages assez superficiellement cocasses au service d’un mélodrame farci de clichés. Le film fut intitulé Jenny, du nom du personnage interprété par Françoise Rosay : une patronne de boîte de nuit où tout un gang a ses habitudes. Lucien, l’amant de Jenny, se trouve mêlé malgré lui aux activités de ce gang, Un type du nom de Benoît a résolu de séparer Jenny et Lucien, en quoi il s’est assuré l’aide d’un bossu surnommé Dromadaire. Parallèlement, se développe une intrigue sentimentale entre Danielle, la fille de Jenny, et un bon jeune homme. Celui-ci est horrifié dans ses sentiments bourgeois d’apprendre le triste métier qu’exerce la mère de sa fiancée : en fait, il l’abandonne. Danielle se confie à Lucien. Elle s’éprend même de ce dernier qui lui retourne son amour. Ils décident de fuir, ensemble, Lucien annonce à Jenny qu’il va rompre avec elle. Mais Benoît, poursuivant son but provoque Lucien : les deux hommes se battent, et le dernier nommé, blessé, est conduit à l’hôpital. Jenny lui rend visite là. Lucien, continuant l’explication commencée, déclare à celle qui fut sa maîtresse son amour pour une jeune fille. Jenny devine qu’il s’agit de sa fille.

DRÔLE DE DRAME – Marcel Carné (1937)

Drôle de Drame sort le 20 octobre 1937, au cinéma Le Colisée aux Champs-Élysées, le même jour que Regain de Marcel Pagnol. À l’affiche également quelques mètres plus loin Carnet de de Bal de Julien Duvivier et Gueule d’amour de Jean Grémillon. Avec le recul, l’année 1937 se révèle l’une des plus riches de notre histoire cinématographique. Marquée également par les sorties de Faisons un Rêve de Sacha Guitry, de La Grande Illusion de Jean Renoir et de Pépé le Moko de Julien Duvivier. Drôle de Drame réunit l’une des plus belles distributions du moment, Françoise Rosay, Michel Simon, Louis Jouvet, Jean-Louis Barrault, Jean-Pierre Aumont, sous l’autorité d’un des plus fameux tandems du cinéma français, on le sait, Jacques Prévert écrit, Marcel Carné réalise.

MARCEL CARNÉ 

Marcel Carné illustre parfaitement cette école – ou cette tendance – dite du « réalisme poétique », qui marqua si profondément le cinéma français de la fin des années 30. Une tendance dont on retrouve l’influence dans les domaines les plus divers de la vie artistique, et qui donnera aux œuvres de cette période troublée de l’avant-guerre une atmosphère tout à fait caractéristique. Pour sa part cependant, Carné préférait parler de « fantastique social », reprenant ainsi une expression de Pierre Mac Orlan.