Commençons par les femmes. Ni pin-up ni vamps chez Grémillon, mais des personnes à part entière, décidées, tourmentées. C’est vrai de Cri-Cri, ancienne danseuse devenue tenancière d’hôtel, ou de Michèle, jeune femme romantique venue là pour retrouver son amant. Ce marivaudage en altitude (les Alpes-de-Haute-Provence), hanté par le souvenir d’un crime, réunit des personnages à la dérive qui tentent de s’aimer. Les dialogues de Prévert, un peu trop écrits, trop baroques, nuisent un peu au tempérament plus discret de Grémillon. Le film raconte de fait cette lutte contre les mots, de l’intérieur, en traçant de magnifiques correspondances entre le paysage accidenté et les états d’âme des personnages. Ennui mortifère, sursaut de vie, vie au quotidien : le rythme diffère, ralentit sur une contemplation ou s’emballe, selon les situations de ce chassé-croisé sentimental. La montagne rocailleuse, la construction du barrage non loin, les explosions à la dynamite, le travail des ouvriers, tout cela concourt au lyrisme sourd du film, à sa mélancolie diffuse. [Jacques Morice – Télérama.fr]