L’histoire : Tandis qu’un homme est assassiné dans un tunnel, l’inspecteur Carrel (Louis Jouvet) enquête sur le meurtre d’un ancien avocat. Le cadavre du tunnel est le sosie de Carrel, qui décide de prendre sa place pour trouver le coupable. Le mort s’appelle Vidauban. Dans l’appartement de Vidauban, Carrel surprend un de ses complices, qui lui apprend qu’une dénommée Florence (Gisèle Casadesus) devait partir avec Vidauban à l’étranger. Vidauban est l’ami de Lucienne (Madeleine Robinson ), qui tient une maison de haute couture. Carrel essaie à la fois de séduire Lucienne et de la faire parler. Elle le démasque. Carrel lui apprend que Vidauban avait organisé le cambriolage de sa maison de couture, puis retrouve Florence. Il comprend que c’est Vidauban qui a tué l’ancien avocat, avant d’être tué par Lucienne. Carrel fait comprendre à Lucienne qu’il sait qu’elle a tué Vidauban, mais qu’il fera tout pour obtenir son acquittement.

ENTRE ONZE HEURES ET MINUIT – Henri Decoin (1949) avec Louis Jouvet, Madeleine Robinson, Robert Arnoux, Léo Lapara et Gisèle Casadesus
A la fin des années 1940, Louis Jouvet accepta de tourner dans de nombreux films pourvu que le dialogue fut d’Henri Jeanson. Les « mots », les sarcasmes les aphrorismes de Jeanson, dits avec l’accent de Jouvet, prenaient une certaine saveur que l’on disait alors incomparable – mais qui s’est éventée assez vite d’autant que cette forme d’esprit mécanique et à répétitions, répartie également chez tous les personnages, devient rapidement fatigante parce qu’envahissante – et finit par exaspérer plus que séduire. Jean Dréville dans Copie Conforme avait offert aux spectateurs du samedi soir un Jouvet en plusieurs exemplaires, tous reconnaissables aux tics de l’interprète, et aux acrobaties dialoguées de Jeanson. Entre onze heures et minuit use aussi d’un subterfuge. Jouvet, inspecteur de police, enquête sur l’assassinat d’un trafiquant. Or, la victime lui ressemble comme un sosie. A partir de ce point de départ, Decoin a réalisé un film des plus bavards, dont la ligne est simple – l’inspecteur se faisant passer pour le mort – et le dénouement improbable – l’enquête amène à soupçonner, puis à confondre une élégante directrice de maison de couture, qui s’était éprise du truand. Sans grand intérêt, comme sans invention, mise à part l’introduction avec l’évocation humoristique des sosies, alourdi de personnages secondaires mal définis et d’une verve un peu laborieuse, Entre onze heures et minuit n’occupe qu’une place infime dans les filmographies respectives de Jouvet et de Decoin. [Anthologie du cinéma – Decoin par Raymond Chirat (Avant-Scène du cinéma, 1973)]

ENTRE ONZE HEURES ET MINUIT – Henri Decoin (1949) avec Louis Jouvet, Madeleine Robinson, Robert Arnoux, Léo Lapara et Gisèle Casadesus
Si l’ouverture des Amoureux sont seuls au monde (1947) était un exercice de style, celle d’Entre onze heures et minuit frise le délire : des spectateurs tous sosies, sortent de la projection de films qui racontent des histoires de sosies, dont Le Dictateur de Charles Chaplin (1940) : « Moi, ces histoires de sosies ne m’amusent pas. Moi non plus, on prend vraiment les gens pour des imbéciles » [extrait n°1]. Le ton est donné, et le reste sera à l’avenant, entre rêve noir et hallucination collective. Avec un soupçon de comédie à l’anglaise qui a charge de préserver le spectateur dans une sorte de trouble divagatoire, le scénario (cosigné par Decoin) ne se donne même pas la peine de prendre acte de la substitution de personne, et file à toute allure dans la reconstitution de l’immédiat passé de la victime, jusqu’à la résolution des crimes. [Henri Decoin – Bibliothèque du film – Durante – Collection Ciné-Regards (2003)]

ENTRE ONZE HEURES ET MINUIT – Henri Decoin (1949) avec Louis Jouvet, Madeleine Robinson, Robert Arnoux, Léo Lapara et Gisèle Casadesus
Le film ne joue que sur cette méprise, et sur le charme des comparses. Gisèle Casadesus, amante volcanique, Madeleine Robinson, dame de cœur, auxquelles on préférera la rare Monique Mélinand, à laquelle le satin va comme un gant. Decoin les filme avec tendresse et de bonnes manières. Elles font le sel d’un récit qui en manque singulièrement, et ne craint pas d’en rajouter dans l’esbroufe, de « jouer la montre » pour se convaincre de son propre brio. [Henri Decoin – Bibliothèque du film – Durante – Collection Ciné-Regards (2003)]

ENTRE ONZE HEURES ET MINUIT – Henri Decoin (1949) avec Louis Jouvet, Madeleine Robinson, Robert Arnoux, Léo Lapara et Gisèle Casadesus
A cet égard, le clou du spectacle est indubitablement le défilé de mode préparé par Madeleine Robinson, ou les robes portent des noms de romans policiers : J’irai cracher sur vos tombes, J’ai mordu l’archevêque, Agitez le cadavre, et bien sûr Il faut tuer tous les affreux. Pourtant Vian est bien loin, invoqué sans doute comme repoussoir par Jeanson (auquel on se permettra d’attribuer cette folle idée), bouffée d’« ancien » non dépourvue d’aigreur et de petitesse – mais Jeanson, dans ses mauvaises œuvres, n’en était pas dépourvu. [Henri Decoin – Bibliothèque du film – Durante – Collection Ciné-Regards (2003)]
Catégories :Le Film français
A reblogué ceci sur Louis Jouvetet a ajouté:
Un article très complet à propos de ce film d’Henri Decoin avec Louis Jouvet. Très bon blog autour du cinéma
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