Le Film français

ENTRE ONZE HEURES ET MINUIT – Henri Decoin (1949)

PUBLICATION EN COURS DE MODIFICATIONS
PUBLICATION EN COURS DE MODIFICATIONS

A la fin des années 1940, Louis Jouvet  accepta de tourner dans de nombreux films pourvu que le dialogue fut d’Henri Jeanson. Les « mots », les sarcasmes les aphorismes de Jeanson, dits avec l’accent de Jouvet, prenaient une certaine saveur que l’on disait alors incomparable – mais qui s’est éventée assez vite d’autant que cette forme d’esprit mécanique et à répétitions, répartie également chez tous les personnages, devient rapidement fatigante parce qu’envahissante – et finit par exaspérer plus que séduire. Jean Dréville dans Copie Conforme avait offert aux spectateurs du samedi soir un Jouvet en plusieurs exemplaires, tous reconnaissables aux tics de l’interprète, et aux acrobaties dialoguées de Jeanson. Entre onze heures et minuit use aussi d’un subterfuge. Jouvet, inspecteur de police, enquête sur l’assassinat d’un trafiquant. Or, la victime lui ressemble comme un sosie. A partir de ce point de départ, Decoin a réalisé un film des plus bavards, dont la ligne est simple – l’inspecteur se faisant passer pour le mort – et le dénouement improbable – l’enquête amène à soupçonner, puis à confondre une élégante directrice de maison de couture, qui s’était éprise du truand. Sans grand intérêt, comme sans invention, mise à part l’introduction avec l’évocation humoristique des sosies, alourdi de personnages secondaires mal définis et d’une verve un peu laborieuse,  Entre onze heures et minuit n’occupe qu’une place infime dans les filmographies respectives de Jouvet et de Decoin. [Anthologie du cinéma – Decoin par Raymond Chirat (Avant-Scène du cinéma, 1973)]

Si l’ouverture des Amoureux sont seuls au monde (1947) était un exercice de style, celle d’Entre onze heures et minuit frise le délire : des spectateurs tous sosies, sortent de la projection de films qui racontent des histoires de sosies, dont Le Dictateur de Charles Chaplin (1940) : « Moi, ces histoires de sosies ne m’amusent pas. Moi non plus, on prend vraiment les gens pour des imbéciles ». Le ton est donné, et le reste sera à l’avenant, entre rêve noir et hallucination collective. Avec un soupçon de comédie à l’anglaise qui a charge de préserver le spectateur dans une sorte de trouble divagatoire, le scénario (cosigné par Decoin) ne se donne même pas la peine de prendre acte de la substitution de personne, et file à toute allure dans la reconstitution de l’immédiat passé de la victime, jusqu’à la résolution des crimes. [Henri Decoin – Bibliothèque du film – Durante – Collection Ciné-Regards (2003)]

Le film ne joue que sur cette méprise, et sur le charme des comparses. Gisèle Casadesus, amante volcanique, Madeleine Robinson, dame de cœur, auxquelles on préférera la rare Monique Mélinand, à laquelle le satin va comme un gant. Decoin les filme avec tendresse et de bonnes manières. Elles font le sel d’un récit qui en manque singulièrement, et ne craint pas d’en rajouter dans l’esbroufe, de « jouer la montre » pour se convaincre de son propre brio.  [Henri Decoin – Bibliothèque du film – Durante – Collection Ciné-Regards (2003)]

A cet égard, le clou du spectacle est indubitablement le défilé de mode préparé par Madeleine Robinson, ou les robes portent des noms de romans policiers : J’irai cracher sur vos tombes, J’ai mordu l’archevêque, Agitez le cadavre, et bien sûr Il faut tuer tous les affreux. Pourtant Vian est bien loin, invoqué sans doute comme repoussoir par Jeanson (auquel on se permettra d’attribuer cette folle idée), bouffée d' »ancien » non dépourvue d’aigreur et de petitesse – mais Jeanson, dans ses mauvaises œuvres, n’en était pas dépourvu.  [Henri Decoin – Bibliothèque du film – Durante – Collection Ciné-Regards (2003)]

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ENTRE ONZE HEURES ET MINUIT – Henri Decoin (1949) avec Louis Jouvet, Madeleine Robinson, Robert Arnoux, Léo Lapara et Gisèle Casadesus
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ENTRE ONZE HEURES ET MINUIT – Henri Decoin (1949) avec Louis Jouvet, Madeleine Robinson, Robert Arnoux, Léo Lapara et Gisèle Casadesus
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ENTRE ONZE HEURES ET MINUIT – Henri Decoin (1949) avec Louis Jouvet, Madeleine Robinson, Robert Arnoux, Léo Lapara et Gisèle Casadesus
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ENTRE ONZE HEURES ET MINUIT – Henri Decoin (1949) avec Louis Jouvet, Madeleine Robinson, Robert Arnoux, Léo Lapara et Gisèle Casadesus

L’histoire

A Paris, le commissaire Carrel est appelé dans la même journée sur deux affaires de meurtre : un avocat radié du barreau a été assassiné chez lui et un trafiquant habitué des non-lieux, a été tué de trois balles dans le tunnel de la porte des Ternes. Le premier meurtre a été commis en fin d’après-midi et le second entre onze heures et minuit. Cette dernière victime, un nommé Vidauban ressemble tellement au policier, que ce dernier décide de mener l’enquête en prenant tout simplement sa place. À la fois circonspect et habile pour donner le change, il rencontre successivement les truands, les collaborateurs, les employés et les maîtresses de la victime. Une seule de ces personnes devine la substitution. L’enquête se complique quand les témoignages sur le second assassinat divergent. Le policier comprend plus tard que les deux meurtres sont liés. C’est que plusieurs bandes de malfrats, concurrentes, sont à la recherche de la même valise de Vidauban contenant 20 millions en dollars.

 


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