Sortie aux États-Unis en août 1950, Summer Stock, la romance bucolique de Charles Walters a connu une genèse des plus tourmentées, due aux nombreux problèmes de son héroïne, Judy Garland.



Dernière comédie musicale de Judy Garland à la MGM, Summer stock (La Jolie fermière) séduit aujourd’hui encore par sa fraîcheur. Certes, le film souffre un peu d’un scénario relativement prévisible, et de seconds rôles aussi envahissants que décalés par rapport à ses deux grandes stars. Mais il y a, justement, ces deux grandes stars, réunies à l’écran pour la troisième et dernière fois… Summer stock leur offre certains des meilleurs numéros de leur carrière, comme la joute chorégraphique de Portland Fancy (où l’on ne sait s’il faut regarder Judy Garland ou Gene Kelly tant ils sont tous deux impressionnants), la « danse au journal » de Kelly (moment de pure poésie), et, bien sûr, le légendaire Get Happy de Garland. Sans oublier un numéro moins spectaculaire que ces morceaux de bravoure, mais tout aussi admirable : la chanson Friendly Star, qui permet à Charles Walters de montrer qu’il excelle aussi dans les moments intimistes. Dans cette séquence, comme dans tout le film, le cinéaste révèle d’ailleurs une facette inattendue de Gene Kelly, l’acteur apparaissant plus sobre et plus sensible que dans ses emplois habituels. Le duo qu’il forme avec Judy n’en est que plus émouvant…



Basé sur une idée du scénariste Sy Gomberg, Summer stock transpose dans un cadre champêtre le principe du « backstage musical » (comédie musicale de coulisse), qui raconte la préparation d’un spectacle. L’idée de jucher une Judy Garland en salopette sur un tracteur paraît excellente au producteur Joe Pasternak, le rival d’Arthur Freed au sein de la MGM pour ce qui est des comédies musicales. Pasternak est connu pour ses films « bon enfant », et Summer stock n’échappera pas à la règle (son titre anglais est toutefois moins mièvre que sa traduction française (La Jolie fermière) : l’expression désigne en fait une pièce de théâtre jouée lors de la saison estivale par une troupe composée d’amateurs ou de vedettes, une vieille tradition américaine… ). Le premier acteur pressenti pour chanter face à Judy Garland est Mickey Rooney, avec qui elle a déjà tourné de nombreux films. Mais celui-ci n’est plus très à la mode en cet automne 1949, aussi le rôle est-il confié à Gene Kelly, qui sort de deux grands succès, The Three Musketeers (Les Trois mousquetaires) et On the Town (Un Jour à New York).



La MGM sait que l’alchimie entre les deux stars va opérer, car elles ont déjà partagé l’affiche de For Me and My Gal (Pour moi et ma mie,1942) et du Pirate (1948). Et c’est d’ailleurs par gratitude pour celle qui l’a aidé à ses débuts que Kelly accepte ce projet qui ne l’enchante guère : il sait en effet que le film a été lancé pour permettre le retour à l’écran de Judy après une période difficile. L’actrice souffre à la fois d’épuisement et de dépendance aux médicaments, les médecins du studio lui en ayant prescrit dès l’adolescence pour lui permettre d’enchaîner les films… Ses absences sur le plateau d’Annie Get Your Gun lui ont valu d’être remplacée par Betty Hutton au mois de mai 1949. Mais Judy a ensuite été hospitalisée, et tout le monde espère que Summer stock va la remettre en selle. Hélas, le cinéaste Charles Walters qualifiera plus tard le tournage de « véritable cauchemar ».



Complexée par des kilos superflus dus aux médicaments, Judy Garland se sent incapable de jouer, et ce, malgré le soutien du réalisateur, de Gene Kelly, et du costumier Walter Plunkett, qui fait son possible pour la faire paraître plus mince. Bien que le planning soit adapté pour qu’elle ne tourne que l’après-midi, Judy arrive en retard, ou pas du tout, ce qui finit par coûter des milliers de dollars au studio. Pourtant, quand Pasternak, désespéré, propose au grand patron Louis B. Mayer d’abandonner le projet, celui-ci répond : « Judy a rapporté une fortune au studio à une certaine époque, le moins que l’on puisse faire est de lui donner encore une chance. Si on arrête la production maintenant, ça va l’achever… ». L’équipe se montre donc patiente, et le tournage sera enfin bouclé au bout de six mois. Summer stock sort alors avec succès, mais le film sera le dernier tourné par Judy à la MGM : le studio, lassé de ses retards sur le plateau de Royal wedding (Mariage royal), met définitivement fin à son contrat en juin 1950.





Get Happy
On doit à Saul Chaplin trois des chansons de Summer stock : All for You, Heavenly Music (qui donne lieu à un étonnant numéro canin, auquel Judy Garland devait prendre part, mais qui sera tourné sans elle du fait d’une nouvelle absence), et You, Wonderful You, qui accompagne dans sa version instrumentale la « danse au journal » de Gene Kelly. Mais c’est sur une chanson écrite en 1930 par Harold Harlen et Ted Koehler que repose en fait le numéro le plus fameux du film. Get Happy ne devait pas figurer initialement dans Summer stock, mais lors du montage, on se rend compte que son final manque de « peps », Joe Pasternak décide alors de faire revenir Judy Garland, trois mois après la fin des prises de vues, pour interpréter la célèbre chanson. L’actrice, qui a perdu du poids entre-temps, revêt pour l’occasion une étonnante tenue de vamp, déjà portée deux ans plus tôt dans un numéro coupé de Easter Parade (Parade de printemps). Chorégraphié par Charles Walters, le sexy Get Happy dénote franchement avec les autres chansons, mais peu importe : Judy y apparaît si rayonnante en veste noire et chapeau mou que cette séquence, devenue mythique, contribuera pour beaucoup au succès du film à sa sortie.




L’histoire
Jane Falbury (Judy Garland) est une propriétaire fermière dont la sœur actrice, Abigail (Gloria DeHaven), arrive à la ferme familiale avec sa troupe de théâtre. Ils ont besoin d’un endroit pour répéter, Jane et sa gouvernante, Esme (Marjorie Main), acceptent à contrecœur de les laisser utiliser leur grange. Les acteurs et actrices, dont le réalisateur, Joe Ross (Gene Kelly), lui rendent son hospitalité en faisant des corvées autour de la ferme. Bien que Joe soit fiancé à Abigail, il commence à tomber amoureux de Jane après qu’Abigail le laisse dans une crise de colère. De même, bien que Jane soit fiancée à Orville (Eddie Bracken), elle tombe amoureuse de Joe.

Programme musical :
Music by Harry Warren
Lyrics by Mack Gordon
Performed by Judy Garland
Music by Harry Warren
Lyrics by Mack Gordon
Performed by Gene Kelly
Traditional New England contra dance tune
Played and danced to by the townspeople at the social
Swing version danced to by the stock company members, then by Gene Kelly and Judy Garland
Performed by Gene Kelly
Music by Harold Arlen
Lyrics by Ted Koehler
Performed by Judy Garland and chorus

JUDY GARLAND
Judy Garland à l’instar d’un James Dean ou d’une Marilyn Monroe, est entrée trop tôt dans la légende du cinéma. Personnalité fragile et dépressive, elle n a pas pu surmonter les profondes crises qui entraînèrent sa fin prématurée. Par sa carrière exceptionnelle commencée dès sa plus tendre enfance aussi bien que par sa mort précoce, à quarante-sept ans à peine, Judy Garland est devenue un mythe du monde du spectacle.



LES MUSICALS DE LA MGM
L’âge d’or de la comédie musicale hollywoodienne, celle qui réussit l’accord parfait entre action, musique et danse, est à jamais lié à un sigle : MGM et à un nom : Arthur Freed, le grand promoteur du genre.
- LE DOULOS – Jean-Pierre Melville (1962)
- LE FILM NOIR FRANÇAIS
- MADAME BOVARY – Vincente Minnelli (1949)
- LA VIOLENCE MASCULINE DANS LE FILM NOIR
- WEST SIDE STORY – Robert Wise, Jerome Robbins (1961)
Catégories :La Comédie musicale