Étiquette : réalisme poetique

JACQUES PRÉVERT ET LE CINÉMA

Si Jacques Prévert demeure aujourd’hui l’un des poètes les plus populaires du XXᵉ siècle, il ne faut pas oublier que sa renommée s’est d’abord construite grâce au cinéma. En effet, bien avant que ses recueils ne deviennent des classiques, Prévert s’est imposé comme l’un des scénaristes et dialoguistes majeurs du cinéma français. Ainsi, comprendre sa relation avec le septième art permet non seulement d’éclairer son œuvre, mais aussi de saisir l’évolution du cinéma français des années 1930 à 1950.

Autour du Jour se lève : UN DES JALONS MAJEURS DE L’HISTOIRE DU CINÉMA par Jacques B. Brunius

Carné suivait simplement la leçon de Méliès, de Clair et bien d’autres lorsque pour Le Jour se lève, au lieu de choisir un immeuble existant dans Boulogne-Billancourt, il tournait dans un décor. Il suffit de jeter un coup d’œil sur la maquette, ou sur une photo de l’admirable décor de Trauner, pour constater que Carné avait raison : aucun immeuble réel n’aurait pu être aussi expressif ni aussi vrai que cette quintessence de banlieue industrielle.

LE JOUR SE LÈVE – Marcel Carné (1939)

Le Jour se lève raconte la destruction d’un homme, d’un homme simple pris au piège, humilié, condamné à mort par un salaud. Il fallait cette architecture rigoureuse, du coup de feu initial du meurtre au coup de feu final du suicide, pour que se mettent en place les mâchoires du piège qui broie François. On ne lui laisse pas une chance. Le combat est inégal, il n’y a pas de justice. Un pouvoir aveugle et brutal vient parachever ce que le cynisme de Valentin avait commencé : le peloton anonyme des gardes mobiles repousse les ouvriers solidaires et piétine la fragile Françoise. L’ignominie triomphe sur toute la ligne, le mal métaphysique (Valentin) est relayé par le mal historique (les gendarmes casqués). La désespérance de Prévert est aussi une désespérance politique.