Catégorie : Le Film étranger

PANE, AMORE E FANTASIA (Pain, Amour et Fantaisie) – Luigi Comencini (1953)

Lorenzo Codelli, publié dans la revue Positif en février 1974, il a déclaré : « Je voulais une comédie villageoise qui soit parfaite comme du Beaumarchais, une comédie « de caractères » assez élégante, et sans vulgarité, avec un fond social assez précis. Le maréchal des logis, qui est le personnage central, s’occupe de tout sauf des problèmes réels du village, il ne pense qu’à manger et à se trouver une femme. C’était à demi-sérieux, avec beaucoup de pointes comiques, mais avec un fond assez amer. »

ROPE (La Corde) – Alfred Hitchcock (1948)

Un soir d’été, dans leur appartement new-yorkais, deux riches étudiants étranglent un de leurs amis pour se donner des sensations et pour mettre en pratique la philosophie de leur ancien professeur. Rope (La Corde) représente une étape importante dans la carrière d’Alfred Hitchcock : c’est son premier film en couleur, le premier aussi qu’il maîtrise totalement, puisqu’il en est le producteur exécutif. Amateur de défis, il choisit de s’imposer des contraintes de réalisation qui l’obligèrent à des prouesses.

LUST FOR LIFE (La Vie passionnée de Vincent Van Gogh) – Vincente Minnelli (1956)

Le sujet est ambitieux mais la passion de Minnelli pour les peintres de l’époque de Van Gogh, son travail sur la couleur dans ses films précédents et son propre passé de peintre vont trouver ici leur point d’orgue. Il y avait longtemps que Minnelli désirait tourner une vie de Van Gogh, et il ne put mener son projet à bien qu’en un temps record, la Metro-Goldwyn-Mayer étant sur le point de perdre l’option qu’elle avait sur la biographie du peintre par Irving Stone. On voit l’ambition, mais aussi le côté périlleux, du propos : saisir le moment de la création. Van Gogh n’a peint que les sept dernières années de sa vie, mais il a produit pendant ce laps de temps plus de huit cents toiles.

HEAVEN CAN WAIT (Le Ciel peut attendre) – Ernst Lubitsch (1943)

Henry Van Cleve vient de mourir, une infirmière au visage d’ange à son chevet. Son existence fut dévolue au plaisir : il se présente donc spontanément devant le diable. Mais on n’obtient pas sa place en enfer aussi facilement. Pour que Lucifer puisse juger, Henry lui raconte sa vie, dont la plus grande qualité fut, sans conteste, sa merveilleuse épouse, Martha. A travers ce portrait d’un Casanova infantile et attachant, Lubitsch brode une apologie de la félicité conjugale. Il traite de l’amour, du deuil, de la trahison, du plaisir et de la mort avec la pudeur de ceux qui connaissent la fragilité du bonheur. Cette comédie où le cynisme côtoie la pureté et où la mélancolie flirte avec la légèreté gamine est riche en enseignements lubitschiens : il faut beaucoup de scarabées pour séduire les filles, ne jamais laisser passer une femme qui éternue, toujours avoir un grand-père indigne chez soi, et, surtout, faire confiance à l’amour et à la beauté en Technicolor de Gene Tierney. Le ciel peut attendre n’est pas du champagne : c’est un alcool doux et profond. Avec ce film testament, Lubitsch gagna à coup sûr son billet pour le paradis. [Guillemette Odicino – Télérama]

THE BEST YEARS OF OUR LIVES (Les Plus belles années de notre vie) – William Wyler (1946)

En 1945, les producteurs hollywoodiens sont plongés dans une cruelle incertitude : de toute évidence, la fin du conflit mondial est proche, mais elle peut encore se faire attendre des semaines, voire des mois. Tout sujet anticipant sur la période de l’après-guerre risque donc de voir sa sortie retardée jusqu’au jour de la victoire. C’est alors qu’un article paru dans Time retient l’attention de Samuel Goldwyn : il y est question des problèmes de la démobilisation et des difficultés auxquelles se heurteront les combattants issus de toutes les classes sociales pour se réadapter à la vie civile. Le producteur pressent qu’il tient là un excellent sujet de film, d’autant qu’un tel thème restera d’actualité quel que soit le cours des événements militaires. Il commande a l’écrivain MacKinlay Kantor un récit d’une cinquantaine de pages qui servira de point de départ au futur scénario.

THE TROUBLE WITH HARRY (Mais qui a tué Harry ?) – Alfred Hitchcock (1955)

La découverte d’un cadavre près d’un village du Vermont ne trouble pas outre mesure ses habitants, qui continuent à déguster des cakes et à boire de la citronnade… La vie suit son cours, comme le cycle des saisons. Parenthèse dans la carrière d’Alfred Hitchcock, The Trouble with Harry (Mais qui a tué Harry ?) est un plaisir que le réalisateur s’accorde entre deux grands classiques, To Catch a Thief (La Main au collet) et The Man Who Knew Too Much (L’Homme qui en savait trop). Il est résolu à explorer plus profondément un thème qui lui est cher : l’humour décalé. Le rire de l’absurde trouve ici son expression parfaite et jette, a posteriori, une lumière nouvelle sur la filmographie d’Hitchcock.

THE BAREFOOT CONTESSA (La Comtesse aux pieds nus) – Joseph L. Mankiewicz (1954)

The Barefoot Contessa (La Comtesse aux pieds nus) est le film pivot de la carrière de Mankiewicz ; avant, c’est l’assimilation de tout un style de tournage hollywoodien poussé à sa perfection : All about Eve (Ève) , A Letter to three wives (Chaînes conjugales), The Ghost and Mrs. Muir (L’Aventure de Mme Muir) ; après, la porte ouverte à toutes les aventures, des productions de la Figaro Inc. à l’odyssée de Cléopâtre. La thématique de Mankiewicz se trouve donc à la fois à un terme et à un point de départ. Pour cette raison, si La Comtesse n’est peut-être pas le plus beau film de Mankiewicz, c’est en tout cas son film le plus évident. [Patrick Brion – L’Avant-Scène (n°68, mars 1967)]

CAT PEOPLE (La Féline) – Jacques Tourneur (1942)

Irena, une jeune dessinatrice, fait la connaissance d’Oliver au zoo de Central Park. Ils se marient, mais une malédiction la terrorise : sur le coup du désir ou de l’émotion, les femmes de sa lignée se transformeraient en panthère… En 1942, Val Lewton, producteur de films fantastiques chez RKO, confie à Jacques Tourneur une étrange histoire de désir et d’horreur. Cat People (La Féline) se tourne en vingt et un jours, et Simone ­Simon, la petite Française, lui prête son minois énigmatique. A cause d’un manque de moyens, mais surtout d’une volonté ­délibérée, le réalisateur innove. Jamais la chair n’apparaît, ni ­dénudée ni torturée. Tout est suggéré. Le film peaufine une subtile métaphore de la sexualité, vécue comme un dangereux mystère, mélange de fascination et de culpabilité. Reflet aussi, d’une société de sa patte griffue, Cat people égratigne une Amérique qui venait d’entrer en guerre après des années d’isolationnisme, ­effrayée et enivrée par sa puissance et son inexorable évolution. Discours insolite sur les méandres de l’inconscient, l’oeuvre connut un succès considérable, et suscita en 1982 un remake racoleur avec Nastassja Kinski. [Cécile Mury – Télérama]

TWO WEEKS IN ANOTHER TOWN (Quinze jours ailleurs) – Vincente Minnelli (1962)

Dès ses premiers plans, Two weeks in another town se place dans un registre tragique et Kirk Douglas n’y est plus un « tycoon » prestigieux mais un acteur déchu qui hante les jardins d’une maison de repos. Soudain rappelé dans le monde du cinéma, parmi les vivants, il se retrouve à Rome, confronté à un tournage pitoyable. Le jeune premier est un être faible et timoré, la star, une exubérante italienne, abuse de ses liens avec le producteur, et son vieil ami Maurice Kruger, autrefois renommé pour la qualité de ses mises en scène, réalise le film sans la moindre conviction, ne faisant confiance ni à ses acteurs, ni à ses techniciens. Two weeks in another town est à ce titre un document passionnant. Hanté par son passé – cette Carlotta qui l’obsède et que tous lui rappellent – Jack Andrus va vivre ce tournage comme un véritable cauchemar. Comme dans Madame Bovary, Minnelli utilise avec génie les miroirs et la manière dont les personnages y apparaissent ou en sortent, créant une nouvelle dimension dans cet univers fondé sur les apparences. En dépit d’une liaison, presque platonique, Andrus se sent de plus en plus isolé au milieu de ces philistins et ce n’est qu’après avoir exorcisé son démon d’autrefois (Cyd Charisse) qu’il va renaître à la vie.

ANGEL (Ange) – Ernst Lubitsch (1937)

A voir le film, on le comprend aisément. Et l’on comprend d’autant moins, en revanche) qu’il ait été fort mal accueilli à sa sortie, et qu’il soit longtemps resté méconnu. « Passons sur Angel », dit négligemment Weinberg, comme s’il s’agissait d’un accident de parcours. On reprocha au film son intrigue banale, sa courtoisie excessive et glacée. Sans doute ne pardonnait-on pas à Lubitsch de vouloir traiter sur un ton grave le thème vaudevillesque du triangle qui lui avait inspiré tant de comédies conjugales joliment amorales. De quel droit, tout à coup. une aventure à peine ébauchée devient-elle une affaire d’État, lourde de sentiments aussi encombrants que la méfiance, le remords, la jalousie ? S’il n’y avait pas eu Desire auparavant, Angel serait celui par qui la morale arrive…

THE LADY EVE (Un Cœur pris au piège) – Preston Sturges (1941)

Avec The Lady Eve (Un cœur pris au piège, 1941), le cinéaste a l’occasion de diriger les stars Barbara Stanwyck et Henry Fonda dans une des plus brillantes comédies américaines qui fait se marier deux tonalités auparavant opposées par le genre : la sophistication et le burlesque. Sturges trouve son style, celui de la madcap comedy, c’est-à-dire la comédie échevelée dont la structure et la tenue empêchent de verser dans le décousu. A travers une invraisemblable histoire de doubles aux évidentes connotations bibliques (H. Fonda est un herpétologue, Barbara Stanwyck s’invente une jumelle qui s’appelle Eve, elle lui jette une pomme à la tête à leur première rencontre… ), Sturges renouvelle profondément le topos du milliardaire amoureux de l’aventurière. Il traduit la déchéance du héros qui vit par deux fois la même aventure avec la même femme sans s’en apercevoir – exploit important – par une série de chutes qui, si elle rappelle celle du premier homme, évoque surtout le premier genre comique du septième art.

FATHER’S LITTLE DIVIDEND (Allons donc papa)- Vincente Minnelli (1951)

Après le succès de Father of The Bride (Le Père de la mariée), la plupart des comédiens étant sous contrat, donc disponibles, le studio insiste auprès de Minnelli pour qu’il continue sur sa lancée. Ni lui ni Spencer Tracy ne sont enthousiastes. Pourtant, grâce à ce dernier, quelques scènes assez drôles sauvent Father’s Little Dividend (Allons donc papa) : la course en voiture pour aller à l’hôpital alors que le bébé n’est pas né ; la scène où les parents de Kay se rendent chez le docteur au sujet de l’éducation de leur petit-fils (les mimiques de Spencer Tracy) ou encore celle où le grand-père oublie le bébé dans le jardin public pendant qu’il joue au football avec des gosses.

FATHER OF THE BRIDE (Le Père de la mariée) – Vincente Minnelli (1950)

Un film en forme de pièce montée, avec une rangée de choux par génération… et nous, aujourd’hui, par effet de miroir : en apparence, le gâteau de Minnelli est conventionnel et sucré. Mais le ­cinéaste a vite fait de lancer des boulettes de pâte feuilletée au nez des conformistes. Certes, la satire de l’époque a ses limites : sage wasp en manteau de laine, le promis est maritalement correct. Sauf pour son ­futur beau-père (Spencer Tracy, délicieusement éthylo-bougon), le personnage central de cette comédie grinçante. Pas vraiment intéressé par les tourtereaux, Minnelli s’est surtout amusé à croquer le pitoyable couple parental qui leur sert de modèle. Joli spectacle que cette maman soumise qui accueille tous les soirs son mari en accourant sur la pointe de ses petites pattes de velours, le museau tendu vers son maître… Exquises scènes de lit où madame est incapable de suivre une discussion avec monsieur, obnubilée par son rôle de fée ménagère. Mais, pour la connaître vraiment, suivez le regard qu’elle jette à son mari lorsqu’il rentre le ventre pour essayer son costume. Furtif, inavoué, violent. Plein de désamour… [Télérama – Marine Landrot]

REBECCA – Alfred Hitchcock (1940)

Une jeune femme sans fortune rencontre un riche aristocrate anglais, qui l’épouse. L’histoire tiendrait du conte de fées, si le souvenir de Rebecca, morte noyée dans des circonstances mystérieuses, ne planait… En 1939, sous la houlette du producteur David O. Selznick, Hitchcock débarqua aux États-Unis. Retrouvant l’atmosphère de la romancière Daphné Du Maurier, dont il venait d’adapter Jamaica Inn (L’Auberge de la Jamaïque), le réalisateur montra que les fantastiques moyens dont disposait Hollywood ne lui faisaient pas peur. II signa un nouveau chef-d’œuvre, inaugurant avec brio la grande série des thrillers psychologiques dont il est devenu le maître.