TILL THE CLOUDS ROLL BY (La Pluie qui chante) – Richard Whorf (1946)

Le 27 décembre 1927, Jerome Kern assiste à la première de son spectacle Show Boat. À la fin de la représentation, qui s’avère un triomphe, le compositeur se fait conduire à une réception donnée en son honneur. Mais sur le chemin, il demande à son chauffeur de faire un détour pour revoir le quartier où, jeune homme, il est venu un jour frapper à une porte, le cœur battant… Véritable vitrine du savoir-faire de la MGM en matière de comédie musicale, ce film retrace de manière très libre la carrière de Jerome Kern. Retour sur l’un des grands succès de 1946.

THE LODGER (Les Cheveux d’or) – Alfred Hitchcock (1927)

Une femme blonde est découverte morte dans une rue de Londres : le Vengeur a encore frappé. Peu après, un jeune homme prend une chambre dans une pension proche du quartier où ont eu lieu les crimes… Le jeune Hitchcock avait déjà réalisé deux films lorsque le producteur Michael Balcon lui proposa d’adapter une pièce de Marie Belloc-Lowndes inspirée du cas de Jack l’Éventreur. Cette histoire sombre lui donna l’occasion de forger ses premières armes en matière de suspense et d’angoisse. Tout Hitchcock est déjà là, chaque plan de ce chef-d’œuvre du muet témoignant de la précision et du sens du récit du maître anglais. Lorsqu’ils découvrirent le film, le public et la presse unanimes reconnurent la naissance d’un génie.

ALFRED HITCHCOCK : Un anglais bien tranquille (période 1899-1929)

Alfred Hitchcock est né en Angleterre, le 13 août 1899, au sein d’une famille de catholiques. Son père était un riche marchand de volailles. Il aimait le théâtre, mais se voulait rigoureux en matière de discipline et de religion. L’enfance heureuse d’Alfred fut marquée par un incident qu’il n’oubliera jamais. A six ans, il commit une bêtise qui fâcha fort ses parents. Ils l’envoyèrent porter une lettre au commissariat. Après avoir lu la missive, le planton enferma l’enfant dans une cellule. L’incarcération dura cinq minutes, mais Alfred Hitchcock s’en souviendra toute son existence. Il expliquera que c’était à l’origine de sa peur des policiers.

L’HOMME DU JOUR – Julien Duvivier (1937)

C’est juste après La Belle équipe, que Duvivier tourne L’Homme du jour, film mineur dans la filmographie du réalisateur mais qui mérite d’être découvert. Cette grosse production met en vedette Maurice Chevalier tout auréolé de ses succès américains (notamment avec Lubitsch). L’Homme du jour bénéficie à nouveau de la collaboration de Charles Vildrac et de Spaak, mais on a souvent l’impression que l’acidité et l’ironie premières du propos sont combattues par les nécessités commerciales qui entourent la présence de Chevalier, sans que, pour autant, le film soit un succès public.
Pourtant cette histoire d’un brave électricien qui, à la faveur d’un don de sang fait à une tragédienne connue (Elvire Popesco), devient d’un jour à l’autre célèbre, et le lendemain oublié, n’est pas sans saveur. Le film commence comme un bon Capra, où Chevalier serait tout à la fois James Stewart et Gary Cooper. Mais Duvivier n’est ni Capra ni La Cava, et il n’épargne même pas son protagoniste (on ne le lui pardonnera pas), rapidement veule, mesquin, intéressé, fanfaron et parfois ivrogne. Autour de lui s’agite le monde futile et vulgaire de la fausse noblesse, de la presse, de la publicité, et L’Homme du jour offre d’étonnantes et sagaces perspectives sur une « société du spectacle » qui est encore bien incapable de se célébrer comme telle. On cherche en vain un apport positif, le seul personnage féminin vaguement valorisé étant délibérément sacrifié par l’intrigue, au profit d’un final qui hésite entre le moral méprisant et l’amoral vengeur : remplacé dans le cœur des voyageurs du métro par un phénomène qui arrive de Lisbonne en marchant sur les mains, Chevalier/Boulard retrouve sa fiancée, qui n’a pas hésité à le tromper avec un mécène potentiel : ces deux-là n’en ont sans doute pas fini de connaître une existence éminemment duvivéenne… [Julien Duvivier – Yves Desrichard – Bibliothèque du film – Durante – Collection Ciné-Regards (2001)]

JUDY GARLAND

Judy Garland à l’instar d’un James Dean ou d’une Marilyn Monroe, est entrée trop tôt dans la légende du cinéma. Personnalité fragile et dépressive, elle n a pas pu surmonter les profondes crises qui entraînèrent sa fin prématurée. Par sa carrière exceptionnelle commencée dès sa plus tendre enfance aussi bien que par sa mort précoce, à quarante-sept ans à peine, Judy Garland est devenue un mythe du monde du spectacle. Perfectionniste et tourmentée, elle fut la victime de son propre succès, payant de sa santé et, pour finir, de sa vie l’adulation qu’elle suscita. Sans la moindre pitié. elle fut, toute sa vie durant, jetée en pâture au public avide de tout savoir sur elle.

A LETTER TO THREE WIVES (Chaînes conjugales) – Joseph L. Mankiewicz (1949)

Un samedi de mai, Deborah, Lora Mae et Rita délaissent leurs maris pour organiser un pique-nique sur les bords de la rivière avec un groupe d’enfants orphelins. Juste avant d’embarquer sur le bateau, elles reçoivent une lettre : Addie Ross leur apprend qu’elle a quitté la ville avec le mari de l’une d’entre elles. Pendant la promenade, chacune s’interroge pour savoir s’il s’agit du sien…

HIGH SIERRA (La Grande évasion) – Raoul Walsh (1941)

La renommée de Raoul Walsh est essentiellement basée sur ses films d’action et d’aventure. Mais They died with their boots On (La Charge fantastique), White heat (L’Enfer est à lui), The Roaring twenties, They Drive By Night (Une Femme dangereuse) et High sierra, présentent aussi des études intéressantes de personnages bien construits qui se battent soit à l’intérieur, soit à l’extérieur du système. Les protagonistes de Walsh sont des lutteurs, prêts à foncer pour vivre une vie libre dont ils maîtriseraient les règles.

RENÉ CLAIR : le poète de Paris

René Clair a donné au cinéma quelques chefs-d’œuvre inoubliables, réussissant ainsi à décrire, à travers ses narrations visuelles, l’esprit de toute une époque. Quand René Clair réalisa en 1930 Sous les toits de Paris, son premier film parlant, il jouissait déjà d’une notoriété internationale grâce à ses films muets Entr’acte (1924) et Un Chapeau de paille d’Italie (1927). Celui qu’on avait appelé « le plus français des metteurs en scène » s’engagea dans l’aventure du parlant sans beaucoup d’enthousiasme, voire avec une certaine réticence. Il se demandait à cette époque « si la voix n’enlevait pas à l’image plus d’expression qu’elle n’en pouvait ajouter ». Tout en comprenant qu’il ne pouvait plus ignorer l’inéluctable triomphe du parlant, il resta cependant toujours convaincu que « le cinéma muet avait encore beaucoup à dire »…

LE MILLION – René Clair (1931)

Généralement considéré comme le chef-d’ œuvre de René Clair, Le Million est le résultat d’une fusion particulièrement heureuse entre la tradition du vaudeville et les expériences d’avant-garde. Dans la structure circulaire de la course poursuite, classique chez René Clair, le texte sert de support aux gags, aux digressions, au dénouement d’actions indépendantes ; ainsi, par de nombreux aspects, ce film se rattache à Un chapeau de paille d’Italie (1927).

THREE STRANGERS – Jean Negulesco (1946)

A Londres en 1938, une femme attire deux hommes inconnus chez elle le soir du nouvel an chinois car elle croit à une légende : elle possède une statuette en bronze de la déesse chinoise Kwan Yin qui est censée ouvrir les yeux ce soir-là et exaucer le voeu commun de trois étrangers. Ils achètent ensemble un billet de sweetstakes (loterie liée à des courses de chevaux)… La base du scénario de Three strangers a été écrite par le jeune John Huston qui s’est inspiré d’un épisode qui lui est réellement arrivé à Londres. Il aurait même projeté de le tourner lui-même après The Maltese Falcon (Le Faucon Maltais) mais la guerre a interrompu le projet.  Il le reprend quelques années plus tard avec Howard Koch pour le compte de Jean Negulesco. C’est le troisième film du réalisateur roumain avec le tandem Lorre/ Greenstreet, tourné avec un budget réduit. Le scénario est riche en histoires parallèles et en rebondissements ; le film offre ainsi un beau mélange d’intrigue policière et de mystère. C’est une belle fable sur la cupidité et la jalousie. Three Strangers n’est jamais sorti en France. [L’Oeil sur l’écran – https://films.oeil-ecran.com%5D

BATHING BEAUTY (Le Bal des sirènes) – George Sidney (1944)

Esther Williams n’a encore joué que deux petits rôles quand la MGM lui donne la vedette de cette comédie musicale aquatique. Il faut dire que la jeune fille est jolie, bonne comédienne, mais surtout championne de natation. Elle campe donc une nageuse qui enseigne dans un collège. Un musicien est amoureux d’elle. Malgré son imprésario, qui n’accepte pas leur liaison, il se fera engager dans l’école pour être près d’elle. L’intrigue, squelettique, n’offre aucun intérêt. Qu’importe ! Ce Bathing beauty est un grand succès. La grâce de Williams, son sourire éclatant malgré les efforts, la beauté des figures exécutées par plusieurs dizaines de nageuses au rythme d’une mélodie entraînante, dans des décors oniriques et colorés, les pitreries sympathiques de Red Skelton enchantent le public. L’avenir de la belle naïade est tout tracé. Pendant une dizaine d’années, elle enchaîne plongeon sur plongeon dans des comédies dont l’histoire prétexte ne sert qu’à introduire des ballets spectaculaires minutieusement réglés. Avec sa mise en scène kitsch et son atmosphère gentiment surannée, Bathing beauty reste un plaisir des yeux. [Gérard Camy – Télérama.fr]

LUMIÈRE D’ÉTÉ – Jean Grémillon (1943)

Ni pin-up ni vamps chez Grémillon, mais des personnes à part entière, décidées, tourmentées. C’est vrai de Cri-Cri, ancienne danseuse devenue tenancière d’hôtel, ou de Michèle, jeune femme romantique venue là pour retrouver son amant. Ce marivaudage en altitude (les Alpes-de-Haute-Provence), hanté par le souvenir d’un crime, réunit des personnages à la dérive qui tentent de s’aimer. Les dialogues de Prévert, un peu trop écrits, trop baroques, nuisent un peu au tempérament plus discret de Grémillon. Le film raconte de fait cette lutte contre les mots, de l’intérieur, en traçant de magnifiques correspondances entre le paysage accidenté et les états d’âme des personnages. Ennui mortifère, sursaut de vie, vie au quotidien : le rythme diffère, ralentit sur une contemplation ou s’emballe, selon les situations de ce chassé-croisé sentimental. La montagne rocailleuse, la construction du barrage non loin, les explosions à la dynamite, le travail des ouvriers, tout cela concourt au lyrisme sourd du film, à sa mélancolie diffuse. [Jacques Morice – Télérama.fr]

SUNSET BOULEVARD (Boulevard du crépuscule) – Billy Wilder (1950)

Un homme flotte sur le ventre dans une piscine ; les policiers tentent maladroitement de repêcher le cadavre. Le début de Sunset Boulevard est l’un des plus déstabilisants et en même temps des plus brillants de l’histoire du cinéma. Joe Gillis (William Holden), un petit scénariste sans succès, y raconte comment sa rencontre avec l’ancienne star du muet Norma Desmond (Gloria Swanson) l’a conduit à sa perte.

THE GLASS KEY (La Clé de verre) – Stuart Heisler (1942)

En 1942, la Paramount confie à Stuart Heisler une nouvelle version de The Glass Key (La Clé de verre), moins fidèle à la lettre que The Maltese falcon (Le Faucon maltais), mais reproduisant mieux l’univers de Hammet en insistant sur l’amoralité de la plupart des protagonistes et leurs comportements névrotiques. Tout y est violence et la mise en scène désigne les réalités masochistes, homosexuelles ou sadiques de certains personnages. Même si le happy end gâche l’ensemble, c’est la meilleure adaptation d’un roman hard-boiled. Beaumont, que George Raft avait remarquablement bien incarné en 1935 dans la version de Frank Tuttle, est interprété ici par Alan Ladd qui lui donne sa force en jouant d’un sourire d’ange au moment de déclarations terrifiantes, révélant ainsi sa cruauté et son goût pour le meurtre. Veronica Lake est sa partenaire – leur tandem est mythique depuis This Gun for Hire (Tueur à gages, 1942) de Frank Tuttle, transposition du roman de Graham Greene écrite par Albert Matz et William R. Burnett, où Ladd tient un rôle de prédateur froid et solitaire. [Le film Noir (Vrais et faux cauchemars) – Noël Simsolo – Cahiers du Cinéma Essais – (2005)]