Les Actrices et Acteurs

AUTOUR DU « GRISBI » : Jeanne Moreau, l’anti femme fatale

Héroïne inoubliable de Jules et Jim, Jeanne Moreau occupe une place à part dans le cinéma français. Indépendante et spirituelle, l’actrice a su faire preuve d’une exigence peu commune, ouvrant ainsi la voie à toute une nouvelle génération de comédiennes.

jules_et_jim_01
JULES ET JIM de François Truffaut (1962)avec Jeanne Moreau, Oskar Werner et Henri Serre

Outre la rencontre de deux monstres sacrés, Jean Gabin et Jacques BeckerTouchez pas au grisbi marque également pour les cinéphiles le premier rôle d’envergure de Jeanne Moreau. À l’époque, la jeune actrice n’est apparue que dans sept films de moindre importance. Elle est en revanche très connue au théâtre: elle est entrée à l’âge de vingt ans à la Comédie-Française, devenant ainsi la plus jeune sociétaire de l’illustre maison. Mais au bout de quatre ans, elle décide de rejoindre la troupe du célèbre TNP (Théâtre National Populaire), alors dominée par la figure de Gérard Philippe. Entre-temps, la jeune actrice a goûté également au cinéma, en tenant notamment l’un des rôles principaux du film Il est minuit, docteur Schweitzer. Mais c’est véritablement Touchez pas au grisbi qui, en associant son nom à celui de Gabin, fait soudain de Jeanne Moreau une « actrice qui compte »… 

ascenseur_pour_echafaud_07
ASCENSEUR POUR L’ÉCHAFAUD – Louis Malle (1958) avec Jeanne Moreau, Maurice Ronet, Lino Ventura, Georges Poujouly, Yori Bertin
Consécration

Il lui faudra attendre encore quatre ans avant de tenir le rôle qui va définitivement changer la donne. En incarnant en 1958 la belle meurtrière d’Ascenseur pour l’échafaud, Jeanne Moreau livre devant la caméra de Louis Malle une prestation unanimement reconnue. La même année, le réalisateur, dont elle est devenue la compagne, la dirige à nouveau dans Les Amants, qui déclenche les foudres de la censure pour son « amoralité » : le scandale achève de faire de Jeanne Moreau l’une des actrices françaises les plus en vue. Et en 1960, le Prix d’interprétation décroché à Cannes pour Moderato Cantabile lui vaut une reconnaissance internationale. Dès lors, Jeanne Moreau va tourner avec les plus grands, en France comme à l’étranger : au cours des années 1960, elle collabore avec Antonioni (La Notte), Truffaut (Jules et Jim, La Mariée était en noir), Bunuel (Le Journal d’une femme de chambre), Orson Welles (Le Procès), John Frankenheimer (Le Train)… Devenue une véritable star, l’actrice se permet toutes les audaces : Jacques Demy la transforme ainsi en vamp hollywoodienne dans La Baie des anges, et Louis Malle lui offre de tenir la dragée haute au mythe Bardot dans Viva Maria.  

Title: AMANTS, LES ¥ Pers: MOREAU, JEANNE ¥ Year: 1958 ¥ Dir:
LES AMANTS – Louis Malle (1958) avec Jeanne Moreau et Jean-Marc Bory
Femme-orchestre

Portée par cette liberté créatrice, Jeanne Moreau va s’illustrer aussi dans la chanson, où sa voix si particulière fait merveille (outre le célébrissime « Tourbillon de la vie » du film JuIes et Jim, elle immortalisera J’ai la mémoire qui flanche). L’actrice passe également derrière la caméra pour réaliser deux longs métrages, Lumière et L’adolescente. Sans pour autant quitter l’écran, où elle apparaît à partir des années 1970 dans des films aussi différents que Les Valseuses de Bertrand Blier, Le Miraculé de Jean-Pierre Mocky ou Nikita de Luc Besson. En revanche, elle ne tournera pas avec William Priedkin, le réalisateur de L’Exorciste, qu’elle épouse en 1976 et quitte l’année suivante… Comédienne infatigable, elle alterna les téléfilms « de prestige » (Les Parents terribles, Les Rois maudits de Josée Dayan) et les œuvres de la nouvelle génération de cinéastes (Le Temps qui reste, de François Ozon). Elle apparut pour la dernière fois à l’écran dans le film d’Alex Lutz : Le Talent de mes amis, elle décéda en juillet 2017. Outre un gigantesque appétit de vivre et une passion effrénée pour le cinéma, les raisons de cette formidable longévité résident probablement dans le fait que Jeanne Moreau n’a jamais cherché à jouer les déesses de l’écran. Cette attitude peu commune dans l’univers du cinéma a fait d’elle, l’une des dernières grandes stars françaises.  [Eric Quéméré – Collection Gabin (2005)]

journal_femme_chambre_01
LE JOURNAL D’UNE FEMME DE CHAMBRE de Luis Buñuel (1962) avec Jeanne Moreau, Georges Géret et Michel Piccoli

TOUCHEZ PAS AU GRISBI – Jacques Becker (1954)
Classique par son sujet, le film tire son originalité et son phénoménal succès du regard qu’il porte sur ces truands sur le retour. Nulle glorification de la pègre ne vient occulter la brutalité d’hommes prêts à tout pour quelques kilos d’or. Délaissant l’action au profit de l’étude de caractère, Jacques Becker s’attarde sur leurs rapports conflictuels, sur l’amitié indéfectible entre Max et Riton. Et puis il y a la performance magistrale de Jean Gabin. Il faut le voir, la cinquantaine séduisante et désabusée, prisonnier d’un gigantesque marché de dupes, regarder brûler la voiture qui contient les lingots et quelques minutes plus tard apprendre, au restaurant, la mort de son ami.



Catégories :Les Actrices et Acteurs

Tagué:

2 réponses »

  1. Jeanne Moreau est une actrice que j’admire. J’admets qu’elle était faite pour le cinéma et elle a collaboré avec les plus grands. En tout cas, vous avez partagé de belles photos d’elle et un beau rappel de sa filmographie.

    J’aime

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.