Les Actrices et Acteurs

IDA LUPINO

Découverte par Allan Dwan, Ida Lupino n’a pas seulement été l’interprète ardente et farouche de grands films policiers signés Raoul Walsh ou Fritz Lang. Elle s’est également révélée comme l’un des metteurs en scène les plus originaux de l’après-guerre.

IDA LUPINO

Celle qui, trop modestement, s’était un jour elle-même surnommée « la Bette Davis du pauvre » fut non seulement, en réalité, l’une des grandes dames du thriller des années 1940 et 1950, mais encore un metteur en scène dont les films, trop peu connus, témoignent d’une sensibilité extrêmement originale et d’une maîtrise capable de rivaliser avec celle des meilleurs cinéastes de l’après-guerre. La carrière d’Ida Lupino est assurément, à cet égard, l’une des plus passionnantes qui puisse être contées.

Née en 1916, en Angleterre, Ida Lupino va être introduite très jeune dans le monde du spectacle : ses parents, Stanley Lupino et Connie Emerald, sont en effet des comédiens réputés, ce qui lui vaut le privilège de tenir, dès son adolescence, des petits rôles dans des productions britanniques aujourd’hui bien oubliées. C’est toutefois un cinéaste américain, et non des moindres, qui aura le mérite de la découvrir. En 1932, Allan Dwan préparait à Londres le tournage de Her First Affaire et recherchait une comédienne pour interpréter un personnage d’ingénue. La tradition britannique voulant que les rôles de jeunes filles soient tenus par des actrices au talent confirmé, Connie Emerald vint passer une audition, accompagnée de sa fille : c’est cette dernière qui fut aussitôt engagée !

Soudainement promue au rang de vedette en herbe, Ida Lupino s’installe à Hollywood en 1934, où elle joue dans des films de qualité tels que le fameux Peter Ibbetson (1935) de Henry Hathaway ou The Gay Desperado (Le Joyeux Bandit, 1936) de Rouben Mamoulian, avant de trouver son premier grand rôle avec The Light That Failed (La lumière qui s’éteint, 1939) de William Wellman.

IDA LUPINO
Une grâce ardente

Après cette remarquable adaptation du beau roman de Rudyard Kipling, Ida Lupino va imposer à l’écran un jeu tout en densité et en sobriété, capable de donner une réalité saisissante à des héroïnes, indépendantes et volontaires, confrontées aux cruautés du destin. Elle est bouleversante dans les rôles très difficiles que lui confie Raoul Walsh dans They Drive by Night (Une femme dangereuse, 1940) et surtout High Sierra (La Grande Évasion, 1941), où elle épouse la destinée pathétique de Humphrey Bogart. Engagée sous contrat par la Warner, Ida Lupino confirme son talent avec The Sea Wolf (Le Vaisseau fantôme, 1941) de Michael Curtiz, The Hard Way (1942), film de Vincent Sherman qui lui vaut d’être désignée par la critique new-yorkaise comme la meilleure actrice de l’année, puis Devotion (La Vie passionnée des sœurs Brontë, 1943), curieux film de Curtis Bernhardt où elle incarne avec une sorte de grâce ardente l’auteur des « Hauts de Hurlevent », et enfin The Man l Love (1946), déchirant mélodrame de Raoul Walsh où elle fait sans doute la plus belle création de sa carrière de comédienne.

Aux côtés de Richard Widmark et de Cornel Wilde, elle sera encore l’héroïne de Road House (La Femme aux cigarettes, 1948), un thriller de Jean Negulesco réputé pour son extrême violence. Mais, peu après, Ida Lupino rompt avec la Warner et crée en association avec son mari, Collier Young, sa propre société de production, la Filmakers.

IDA LUPINO
Derrière la caméra

Son début sera un coup de maître. En 1949, elle co-réalise avec Elmer Clifton Not Wanted (Avant de t’aimer), un film dont elle a écrit le scénario et qui traite avec beaucoup de sincérité et de délicatesse des souffrances d’une fille mère. Ce premier essai est d’autant plus remarquable qu’Ida Lupino en a personnellement assuré la réalisation. le metteur en scène engagé à cet effet, Elmer Clifton, ayant dû abandonner le tournage pour des raisons de santé. Le succès du film permit à son auteur de réaliser coup sur coup trois films empreints de tolérance et de lucidité à l’égard d’héroïnes dont l’intégrité et la dignité sont menacées par les injustices du sort : une jeune danseuse atteinte par la poliomyélite dans Never Fear (Faire face, 1950), une adolescente violée dans Outrage (1950), une championne de tennis prise aux pièges du système économique et exploitée par une mère abusive dans Hard, Fast and Beautiful (1951).

Indéniablement, Ida Lupino apportait quelque chose de neuf dans le cinéma américain. A l’originalité, voire à l’audace de ses sujets, s’ajoutait en effet un style d’une rare acuité. Précise et limpide, la mise en scène d’Ida Lupino scrute les attitudes les plus secrètes de ses personnages et les exprime sans détour. Ce sont ces qualités que l’on retrouve ensuite dans The Bigamist (1953) et dans The Hitch Hiker (Le Voyage de la peur, 1953), très étrange thriller dans lequel un gangster terrorise deux automobilistes.

Malheureusement, l’échec commercial de ces derniers films allait contraindre Ida Lupino à mettre un terme aux activités de la Filmakers et à entreprendre une nouvelle carrière à la télévision. Elle participera à la réalisation de nombreuses séries et signera, notamment, l’un des meilleurs épisodes des « Incorruptibles ».

Ida Lupino sur le tournage de The Trouble with Angels (1966)

Par ailleurs, Ida Lupino n’avait jamais tout à fait cessé de jouer dans les films des autres : elle était remarquable dans On Dangerous Ground (La Maison dans l’ombre, 1951) de Nicholas Ray, où elle tenait le rôle d’une aveugle qui rendait un peu d’humanité à un policier cynique et brutal (Robert Ryan). Mais c’est en 1955 et en 1956 qu’elle retrouve l’occasion de prouver qu’elle est restée l’une des plus grandes actrices de sa génération : d’abord avec The Big Knife (Le Grand Couteau) de Robert Aldrich, puis avec While the City Sleeps (La Cinquième Victime), terrifiant film noir de Fritz Lang où elle provoque Dana Andrews dans une scène d’une singulière audace. Comédienne ou metteur en scène, Ida Lupino était décidément une femme peu ordinaire !

Elle en donnera encore la preuve lors de son retour à la réalisation cinématographique, avec The Trouble With Angels (1966). Cette surprenante comédie ecclésiastique au sujet quelque peu suranné n’empêchera pas Ida Lupino de renouer avec la franchise de style qui avait fait le prix de ses premiers films : certaines séquences sont à l’évidence d’un cinéaste hors du commun.

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HIGH SIERRA (La Grande évasion) – Raoul Walsh (1941)
La renommée de Raoul Walsh est essentiellement basée sur ses films d’action et d’aventure. Mais They died with their boots On (La Charge fantastique), White heat (L’Enfer est à lui), The Roaring twenties, They Drive By Night (Une Femme dangereuse) et High sierra, présentent aussi des études intéressantes de personnages bien construits qui se battent soit à l’intérieur, soit à l’extérieur du système. Les protagonistes de Walsh sont des lutteurs, prêts à foncer pour vivre une vie libre dont ils maîtriseraient les règles.


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