Michel Simon naît à Genève, en Suisse, le 9 avril 1895 et décède le 30 mai 1975 à Bry-sur-Marne. Il est considéré comme l’un des plus prestigieux comédiens du XXe siècle. La personnalité de Michel Simon se dessine dès l’enfance : un esprit d’une vivacité peu commune, épris de liberté individuelle, un amour éperdu de toute forme de vie et un sens de l’observation extrêmement aigu. A l’épreuve de la vie en société, tout cela composera un humaniste misanthrope dans la grande tradition, d’une sensibilité inquiète et d’une tendresse ombrageuse, mais aussi d’une timidité qui le condamnera à une certaine solitude : c’est essentiellement par son métier de comédien qu’il participera à la vie en communauté et ce métier s’en trouvera enrichi d’autant.

En 1911, à l’âge de 16 ans, après des études dont la fantaisie répondait à la logique de son tempérament, Michel Simon quitte Genève pour Paris. Il y vit en plein cœur populaire, exerçant divers petits métiers pour subsister (donnant des leçons de boxe ou vendant des briquets de contrebande à la sauvette), dévorant tous les livres qui lui tombent sous la main (avec une prédilection pour les écrits de Courteline), et « approfondissant par l’expérience sa connaissance du genre humain », comme dit son excellent biographe Freddy Buache. Il gîte à l’hôtel Renaissance, rue Saint-Martin, puis à Montmartre, et débute modestement dans le monde du spectacle en faisant le clown et l’acrobate pour « faire-valoir » un numéro de danseurs (les «Ribert’s and Simon’s»), puis un prestidigitateur. Rappelé en Suisse au moment de la guerre de 1914, il est le plus indiscipliné des soldats et passe le plus clair de son temps aux arrêts ou à l’ombre des cachots, si bien que sa santé s’en ressent, et il doit être hospitalisé.






C’est en 1915, au cours d’une permission, que sa vocation se déclare : il voit Georges Pitoëff faire ses débuts d’acteur en langue française, dans l’Hedda GabIer, d’Ibsen, au théâtre de la Comédie de Genève. Ce n’est que cinq ans plus tard, pourtant, en octobre 1920, qu’il fera son apparition dans la troupe des Pitoëff en disant trois répliques de Mesure pour mesure, de Shakespeare (le rôle d’un greffier). Entre-temps, il s’est voué au métier de photographe, d’ailleurs avec talent… et il a tiré le portrait de la plupart des membres de la troupe, cette troupe dont Michel Simon suit le destin lorsqu’elle vient s’établir à Paris, à la Comédie des Champs-Élysées, au début de 1922. Il la quitte pourtant l’année suivante, devient un acteur du Boulevard pendant quelque temps, jouant des vaudevilles de Tristan Bernard, d’Yves Mirande et de Marcel Achard. Ce dernier le présente à Dullin, dans la compagnie duquel Simon joue une pièce d’Achard (Je ne vous aime pas, avec Valentine Tessier). Puis il est engagé par Louis Jouvet qui a remplacé Pitoëff à la Comédie des Champs-Elysées. C’est avec Jouvet, dans une pièce d’Achard, Jean de la lune, que Michel Simon s’impose d’une façon éclatante, le 18 avril 1929. Son talent inimitable fait du rôle – au départ secondaire – de CIo-CIo, la principale attraction de la pièce : « Simon pétarada comme jamais, faisant de Cloclo un type inoubliable comme Arlequin, Sganarelle ou Pantalon, dont le ton chantant (en fausset) des innombrables répliques demeurées fameuses ne peut être dissocié des répliques elles-mêmes » (Buache).

La carrière théâtrale de Michel Simon va se poursuivre, de succès en succès (il joue Shakespeare et Bernard Shaw, Pirandello et Oscar Wilde, Gorki, Bourdet et Bernstein), mais c’est le cinéma qui va lui apporter une immense popularité. Il a débuté à l’écran en 1925, d’abord en jouant au côté de Ivan Mosjoukine dans Feu Mathias Pascal, de Marcel L’Herbier, d’après Pirandello, et presque en même temps en participant à un film réalisé en équipe, en Suisse, avec Jean Choux : La Vocation d’André Carel (selon des méthodes de productions artisanales tout à fait identiques à celles dont la « Nouvelle Vague » française de 1958 revendiquera l’originalité…).






Au cinéma muet, il apporte surtout un étonnant physique et un visage peu banal, d’une exceptionnelle mobilité (une mobilité qu’il prend grand soin de ne pas transformer en tics comme il arrive trop souvent par facilité, à ce genre d’acteurs : voir par exemple combien rapidement, à la même époque, le jeu de Fernandel va se scléroser !). Michel Simon joue de ses données naturelles avec une virtuosité infinie : de la laideur intelligente ou sympathique, de la bonté ou de la naïveté, à la laideur grotesque ou inquiétante, cocasse ou stupide, malicieuse ou cruelle. Il tourne : L’Inconnue des six jours, de René Sti et Jean Painlevé (avec J. Painlevé et Tania Fédor), en 1926 ; Casanova, d’A. Wolkoff, avec Ivan Mosjoukine, en 1927 ; le rôle d’un juge dans La Passion de Jeanne d’Arc, de Theodor Dreyer, en 1927-1928 ; Tire-au-flanc, de Jean Renoir, en 1928.

Sa vraie carrière cinématographique ne commence qu’avec le « parlant » : on s’aperçoit que l’élocution et même le timbre de voix de l’acteur sont aussi originaux que son physique et son jeu. Et le comédien est inclassables : comique, dramatique, tragique, vaudeville, il peut tout jouer avec un égal talent, avec une intelligence des rôles à peu près unique, dans autant de diversité. De plus, l’aventure cinématographique de Jean de la Lune (1930) révèle un auteur. Mais La Chienne, de Jean Renoir (1931), et Boudu sauvé des eaux, du même (1932), sont inconcevables sans Michel Simon. L’acteur y montre du génie, un génie que l’on retrouvera chaque fois que l’œuvre en vaudra la peine, à commencer par L’Atalante, de Jean Vigo (1934).






Ouvert aux beautés de la nature, à l’innocence des bêtes, aux cris du désespoir et de l’injustice, il ne regardait pas sans étonnement ni dégoût les petitesses insultantes ou les vanités sanglantes des mœurs contemporaines. D’où ses attitudes boudeuses, ses éclats de colère ou son comportement de misanthrope. Mais, en même temps, il avait un formidable sens de l’humour et une conscience claire de la relativité des codes moraux. Par conséquent, il ne pouvait professer qu’un anarchisme souriant lié directement à un sentiment grave du bonheur fraternel. Dès la salle de classe du collège Calvin à Genève, il manifesta des signes de liberté qui le rendirent toujours proche des marginaux, des défavorisés qui luttent avec leurs propres moyens pour opposer aux ordres de la société l’inaliénable autonomie du rêve et du merveilleux. C’est pour cette raison que ses personnages les plus touchants s’inscrivent dans la lignée du père Jules de L’Atalante ou de Boudu sauvé des eaux.

Son génie, il en témoignait chaque instant dans l’existence quotidienne et, par grâce naturelle, cette présence aux choses et aux êtres devenait plus rayonnante encore sous le feu des projecteurs : jouer, pour lui, ne relevait donc pas d’une technique apprise mais d’une manière de joindre, en I’assumant, l’intelligence du cœur à la mobilité d’esprit. Sa culture narguait malicieusement les valeurs académiques ; il préférait le discours d’un clochard à celui des littérateurs distingués, mais il possédait un incroyable don pour détecter le livre, le tableau, le disque parfaitement adaptés à ses aspirations passagères, ou, au contraire, à d’intérieures exigences. Les classiques, avec lui, redevenaient ainsi gentiment familiers : Tchekhov donnait alors la main à Colette ou Courteline et les nus de Clovis Trouille répondaient, sur un autre ton, à ceux de Renoir : il ne voyait aucune limite aux registres de la sensualité. D’où l’énergie rayonnante de sa personne, et son unité confondante.






Citons seulement, sur la centaine de films de sa carrière, ceux qui ont fait la gloire de Michel Simon. Lac aux dames (M. Allégret, 1934) ; Adémaï au Moyen Âge (Jean de Marguenat, 1935) ; Le Mort en fuite (A. Berthomieu, 1936, avec Jules Berry) ; Drôle de drame (Marcel Carné, 1937) ; Les disparus de Saint-Agil (Christian-Jaque, 1938) ; Quai des brumes (M. Carné, 1938) ; La Fin du jour (J. Duvivier, 1939) ; Le Dernier tournant (P. Chenal, 1939) ; Circonstances atténuantes (J. Boyer, 1939) ; Fric-Frac (M. Lehmann et Claude Autant-Lara, 1939) ; La Comédie du bonheur (M. L’Herbier, 1940) ; La Tosca (commencé par J. Renoir. terminé par Carl Koch, en Italie) ; Vautrin (Pierre Billon, 1944) ; Boule de suif (Christian-Jaque, 1945) ; Un Ami viendra ce soir (R. Bernard, 1946) ; Panique (J. Duvivier, 1946) ; Fabiola (A. Blasetti, 1948) ; La Beauté du diable (R. Clair, 1950) ; La Poison (S. Guitry, 1951) ; le commentaire d’Hôtel des Invalides, le court-métrage de G. Franju (1951) ; Monsieur Taxi (A. Hunebelle, 1952) ; Le Rideau rouge (A. Barsacq, 1952); Candide (N. Carbonnaux, 1959) ; Le Vieil homme et l’enfant (C. Berri, 1966) ; Blanche (W. Borowczyk, 1970).

PANIQUE – Julien Duvivier (1946)
Panique raconte le quotidien d’un homme solitaire et asocial qui, regardé de travers par les habitants de l’agglomération parisienne où il réside, se retrouve accusé d’un crime qu’il n’a pas commis. jusqu’à se faire traquer par la population dans un final des plus glaçants. Une vraie parabole sur les comportements les plus sombres de l’être humain, synthétisée ainsi par le journaliste jean-François Rauger : « Comment la communauté humaine peut fabriquer un bouc émissaire et le charger de tous les péchés du monde ».

LE DERNIER TOURNANT – Pierre Chenal (1939)
On croit souvent que le roman noir américain est une découverte de l’après-guerre, et qu’il a fait son apparition en France à partir de 1945. Il n’en est rien. Un classique du genre, comme Le Facteur sonne toujours deux fois de James Cain était publié chez Gallimard, dans une traduction de Sabine Berritz, dès 1936 ; il est très significatif que ce roman célèbre qui fut porté à l’écran quatre fois, ait connu sa première adaptation cinématographique en France, et cela dès 1939. Elle précédait celles de Visconti (1942), de Tay Garnett (1946) et enfin celle de Bob Rafelson (1981). Il s’agit du Dernier tournant de Pierre Chenal.

DRÔLE DE DRAME – Marcel Carné (1937)
Drôle de Drame sort le 20 octobre 1937, au cinéma Le Colisée aux Champs-Élysées. Avec le recul, l’année 1937 se révèle l’une des plus riches de notre histoire cinématographique. Marquée également par les sorties de Faisons un Rêve de Sacha Guitry, de La Grande Illusion de Jean Renoir et de Pépé le Moko de Julien Duvivier. Drôle de Drame réunit l’une des plus belles distributions du moment, Françoise Rosay, Michel Simon, Louis Jouvet, Jean-Louis Barrault, Jean-Pierre Aumont, sous l’autorité d’un des plus fameux tandems du cinéma français, on le sait, Jacques Prévert écrit, Marcel Carné réalise.

LA FIN DU JOUR – Julien Duvivier (1939)
Le générique, déjà, serre le coeur : des vieillards assis dans un grand couloir, comme dans l’antichambre de la mort. Des vieux pas comme les autres : des comédiens nécessiteux et oubliés. Avec Poil de Carotte, c’est sans doute le film le plus personnel de Julien Duvivier : dans sa jeunesse, il avait débuté sur les planches et éprouvé la déconvenue — un humiliant trou de mémoire en scène, entre autres. Cabrissade, le cabot, la doublure qui n’est jamais entrée dans la lumière, ce représentant des « petits, des sans-grades », c’est un peu lui. Dans le rôle, Michel Simon est absolument bouleversant.

NON COUPABLE – Henri Decoin (1947)
Le docteur Ancelin, ivrogne invétéré, tue accidentellement un motard. Réussissant à camoufler le crime en accident, il décide cette fois de commettre un vrai crime en tuant l’amant de sa femme. Resté non découvert, il persiste dans la voie meurtrière en tuant sa femme. Il finit, par orgueil, par s’accuser des crimes, mais la police l’éconduit. Il se suicide, sans que son « génie » criminel soit reconnu. À l’énoncé, on pouvait effectivement craindre le pire…

DERRIÈRE LA FAÇADE – Georges Lacombe, Yves Mirande (1939)
Un crime a été commis dans un très respectable immeuble parisien… Lequel, parmi les locataires est le meurtrier ? Une enquête choc pour une suite de sketches. C’est aussi l’occasion de voir rassemblée une fabuleuse brochette de stars des années 30/40 : Jules Berry, Michel Simon, Erich Von Stroheim, Elvire Popesco, Carette, Gaby Morlay,

LE QUAI DES BRUMES – Marcel Carné (1938)
« T’as de beaux yeux, tu sais ! ». D’une simplicité presque banale, ces quelques mots suffisent pourtant à faire ressurgir tout un pan du cinéma français, et avec lui les figures qui l’ont bâti. À commencer par Jean Gabin, dont la célèbre phrase est devenue l’un des signes distinctifs. Les imitateurs du comédien l’ont d’ailleurs tellement galvaudée qu’en revoyant le film, on est presque surpris d’entendre Gabin la murmurer d’un ton si juste. Mais la réplique évoque évidemment aussi celle à qui s’adresse ce compliment, et dont le regard, dans la lumière irréelle du chef-opérateur Eugen Schufftan, brille de manière admirable.
- LIFEBOAT – Alfred Hitchcock (1944)
- I DIED A THOUSAND TIMES (La Peur au ventre) – Stuart Heisler (1955)
- BARBARA STANWYCK
- ALL ABOUT EVE (Ève) – Joseph L. Mankiewicz (1950)
- [AUTOUR DE « L’IMPOSTEUR »] HOLLYWOOD S’EN VA-T-EN GUERRE
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