À la fin des années 1930, Julien Duvivier est devenu l’un des cinéastes français les plus réputés. Notamment grâce à ses deux films avec Jean Gabin (Pépé le moko et La Belle équipe) et, Un carnet de bal, un de ses plus grands succès commerciaux. A l’aube de la Seconde Guerre mondiale, le cinéaste part aux Etats-Unis y continuer sa carrière en toute quiétude. Après y avoir réalisé un film The Great Waltz (Toute la ville danse) dont l’expérience le laisse un peu amer – l’industrie Hollywoodienne ne laissant pas toute leur liberté aux cinéastes – il revient en France le temps de deux grands films (La Fin du jour et La Charrette fantôme). Puis, il repart en Amérique accompagné d’autres grands cinéastes français fuyant la guerre, comme Jean Renoir et René Clair.

Après avoir tourné quatre autres films à Hollywood, Duvivier revient au pays à la Libération, où il lui sera reproché (tout comme Renoir et Clair) de s’être exilé pour échapper au conflit. Des attaques à son égard que l’on retrouvera en sourdine dans l’ambiance délétère de Panique, son premier film français d’après-guerre. Se sentant haï par les siens, Duvivier décide alors de s’accorder un palier professionnel. Décidé à ne pas revenir tout de suite dans une France qui ne veut plus de lui, il passe par Londres pour y tourner une adaptation d’Anna Karénine avec Vivien Leigh, la mythique Scarlett O’Hara de Gone with the Wind (Autant en emporte le vent). Mais le tournage, retardé suite à des problèmes de santé de l’actrice, oblige Duvivier à commencer à travailler d’Angleterre sur un autre projet. Ce sera Panique, une adaptation du roman de Georges Simenon, Les fiançailles de monsieur Hire, publié en 1933.

Un script que Duvivier a beaucoup retravaillé avec son scénariste Charles Spaak, quitte à s’écarter du livre de Simenon (à la différence de la version réalisée en 1989 par Patrice Leconte, un peu plus fidèle au roman). Le cinéaste précisait ses intentions dans un avant-propos : « Panique, n’est pas, au sens usuel du mot, l’adaptation du roman. En choisissant cette œuvre, nous y avons vu la possibilité – absente du livre – d’élargir convenablement dans ses conséquences, le plus banal des faits divers. En le faisant, Charles Spaak et moi, n’avons pas voulu ajouter un titre nouveau à la liste des films policiers. Si toute l’action tourne autour d’un crime, l’intérêt du sujet ne réside pas dans la découverte de l’assassin, ni même dans les péripéties de l’enquête. Nous avons voulu faire de Panique un film d’atmosphère sociale. » [Panique – Coffret « Héritage » – dossier sous la direction de Christophe Lemaire – TF1 Vidéo (2015)]

Panique (1946), se tourne dans un climat de grandes tensions, y compris personnelles pour Duvivier. Car la France de la Libération est rien moins qu’amicale pour ceux qui reviennent. En janvier 1945, Henri Diamant-Berger, dans Paris-Cinéma, a fustigé ceux qui ont, pour lui, renié la France – Duvivier, Renoir, Clair. S’ensuit une polémique qui ne contribue guère à apaiser le climat, et, dans Opéra, dès son retour en France, Duvivier renchérit. « Il paraît que Clair, Renoir et moi, nous avions. renié notre pays ! Un rien. » Et de dénoncer à mots couverts Diamant-Berger et quelques autres, comme l’acteur Pierre Blanchar, président du Comité de libération du cinéma français. Panique va porter la marque de ces douloureuses querelles.

Retrouvant comme un clin d’œil les studios de la Victorine à Nice, Duvivier y installe la banlieue de Villejuif pour sa deuxième (et ultime) adaptation d’un roman de Simenon. Au sortir de la guerre et de la collaboration, l’atmosphère politique et morale de la France libérée est des plus nauséeuses. Ceux qui ont collaboré de façon plus ou moins voyante sont condamnés, parfois par leurs pairs, dont la réputation n’est pas forcément meilleure. Pour Duvivier, l’atmosphère est d’autant plus lourde que Panique est un film cher dans un contexte de restrictions, et qu’il multiplie les déclarations bougonnes sur l’état de la France de la Libération, soit par inconscience, soit par cynisme. Mais on ne saurait lui en vouloir : sans le savoir, il est déjà au sommet de son œuvre d’après-guerre.

On ne saurait mieux dire. Panique, qui met en vedette Michel Simon, signe le magistral retour en terre française de l’auteur de La Belle Équipe. Il retrouve ses thèmes favoris, dans une atmosphère lourde et sordide, et avec une mise en scène parfaitement maîtrisée, inspirée. Transformant une nouvelle fois profondément la trame du roman de Simenon, Duvivier en fait une méditation allégorique et désespérée sur l’impossible dignité de l’homme intègre mais « auquel le don de plaire a toujours manqué ». Contrairement à l’apaisement dramatique qui avait présidé au détournement de La Tête d’un homme, Panique contracte le récit simenonien dans l’urgence de quelques mauvaises journées, et dans un lieu presque unique qui permet un ramassement des personnages, et un « typage » des plus assassins. M. Hire est outrageusement valorisé, et son combat du Juste contre l’abjection a tout à voir avec les règlements de comptes que Duvivier affronte à son retour des États-Unis.

Les tentations autobiographiques affleurent comme jamais, tout comme une haine avivée sans doute par le contexte revanchard de la France de l’Epuration. Michel Simon, à mille lieues de ses cabotinages de La Fin du jour, est tout bonnement exceptionnel et, si le film est fort mal accueilli par la critique, il reste rune des œuvres les plus sincères de Duvivier, qui ne sacrifie jamais la crédibilité de sa mise en scène et la violence de son scénario à son souci pourtant largement hargneux. Au vu du décor, on pourrait sans équivoque songer à celui du Jour se lève (1939), auquel Panique emprunte les mêmes immeubles comme symbole de l’isolement d’une âme humaine. Mais cette ressemblance n’est qu’un leurre, qui permet de mesurer l’écart entre le cinéma de Duvivier et celui du réalisme poétique, auquel il emprunte un tic mais non une fin. Duvivier exècre le romantisme facile, auquel il préfère une alacrité vive, précise, destructrice. [Julien Duvivier – Yves Desrichard – Bibliothèque du film – Durante – Collection Ciné-Regards (2001)]

Le tournage de Panique commence le 3 janvier 1946 aux Studios de la Victorine, à Nice, où a été reconstitué un vaste décor extérieur avec immeubles, boutiques, rues et fête foraine reproduisant tout un quartier de Villejuif. Un décor imposant qui fit monter la production du film à huit millions de francs, somme colossale pour l’époque. Pour le rôle d’Alice, la garce qui trahit les sentiments de Monsieur Hire, Duvivier cherchait une actrice pleine d’animalité sensuelle. Plusieurs stars de l’époque (Edwige Feuillère, Simone Simon, Madeleine Robinson) sont envisagées avant que Duvivier ne fasse appel à Viviane Romance, grande vamp du cinéma d’avant guerre avec laquelle il avait déjà tourné La Belle équipe et La Bandera aux côtés de Jean Gabin. Mais en 1946, la comédienne vit une période de doutes : bien qu’elle ait refusé de tourner pour la Continental- Films (société de production française financée par les capitaux allemands durant l’occupation), Viviane Romance est obligée par l’occupant de se joindre à d’autres acteurs populaires (comme Suzy Delair, Danielle Darrieux et Albert Préjean) pour visiter les studios de Berlin afin de servir la propagande de l’envahisseur. Ce qui lui valut – à l’instar de Sacha Guitry entre autres – d’être incarcérée quelques jours en prison à la Libération.

Sitôt libérée, l’actrice est prête à interpréter le rôle d’Alice. Folles coïncidences, l’actrice jouera dans le film le rôle d’une femme qui sort tout juste de prison, tandis que Michel Simon n’a, lui, à l’époque, pas tourné depuis trois ans, et vit comme un ermite, tout comme le personnage de Panique. Viviane Romance, se souvenant que Simon l’avait imposée dans Naples au baiser de feu en 1937 aux cotés de Tino Rossi et de Mireille Balin, est heureuse de le voir revenir au premier plan dans un film. Ce qu’il accepte, mais en précisant par contrat qu’elle doit apparaître avant lui au générique. Souci : Michel Simon est dans un état relativement paranoïaque à l’époque. Contrairement à Viviane Romance, il a, lui, tourné pour la ContinentaI Films (Au Bonheur des dames d’André Cayatte). Accusé d’avoir collaboré avec l’ennemi et même, d’avoir eu quelques propos anti-français pendant l’occupation, l’acteur se sent perpétuellement épié par des ennemis invisibles : ce qui fait l’objet d’un incident sur le plateau. Alors qu’un spot tombe du plafond en manquant de lui fracasser la tête, Michel Simon hurle le mot « rat » avant de s’enfermer dans sa loge, refusant de revenir sur le plateau de tournage pendant plusieurs heures. Encore un siamoisage évident avec son rôle de Monsieur Hire, qui est, lui, réellement persécuté par son entourage. Comme si la vie fictive de son personnage se mêlait à sa propre réalité.

La production du film est ainsi émaillée de diverses difficultés et autres incidents : alors qu’il devait commencer en octobre 1945, le tournage est retardé de trois mois suite à un incendie dans les Studios de la Victorine ; Michel Simon, lui, est arrêté pendant quinze jours suite à une sévère entorse, tandis que de nombreuses prises de vue sont refaites en raison de la mauvaise qualité de la pellicule. Sans compter sur une météo épouvantable qui sévit durant cet hiver 1946. Ce qui fera dire à un Duvivier amer, à une journaliste de Cinémonde : « Faut être un saint pour faire du cinéma. Ce métier-là vous ronge les nerfs, les tripes, le foie et les boyaux.» La production du film s’achève tant bien que mal au mois d’avril.

Panique raconte le quotidien d’un homme solitaire et asocial qui, regardé de travers par les habitants de l’agglomération parisienne où il réside, se retrouve accusé d’un crime qu’il n’a pas commis. jusqu’à se faire traquer par la population dans un final des plus glaçants. Une vraie parabole sur les comportements les plus sombres de l’être humain, synthétisée ainsi par le journaliste jean-François Rauger : « Comment la communauté humaine peut fabriquer un bouc émissaire et le charger de tous les péchés du monde ». Panique est une vision à la fois métaphysique de la fatalité, ainsi qu’une chronique noire et pessimiste de l’humanité. Comme, dix ans auparavant, le montrait Fritz Lang dans Furie, lorsque Spencer Tracy était poursuivi par une foule déchainée, Duvivier scrute les travers douteux et les caractères ambigus des habitants d’un quartier d’une petite ville de banlieue, en détaillant toute leur veulerie et leur lâcheté ignominieuse. Une vision assez désespérée de la « masse » qui renvoie à un autre de ses films, Golgotha (1935), lorsque la foule hystérique se met à vouloir lyncher Jésus. [Panique – Coffret « Héritage » – dossier sous la direction de Christophe Lemaire – TF1 Vidéo (2015)]

Panique s’inscrit dans un courant noir par lequel certains films français de l’immédiat après-guerre renouent avec le désenchantement de la fin des années 1930, auquel ils ajoutent une nouvelle dose de désespoir et d’atrocité. Ce sont par exemple Les Portes de la nuit (1946), L’homme au chapeau rond (1946), Quai des orfèvres (1947), Manèges (1948) ou, plus proches du « réalisme poétique », Macadam (1946), Dédée d’Anvers (1947), Impasse des Deux Anges (1948). L’ensemble livre un tableau fort sombre d’une société vue sous ses angles les plus sordides, mais Panique établit, dans le genre, une sorte de record, avec son microcosme plus symbolique que réaliste, permettant à Duvivier de décliner sans aucune retenue les pires sentiments que lui inspirent ses semblables. Les mensonges, les lâchetés, la bêtise, la vulgarité des individus puis la force aveugle et inquiétante de la foule donnent la vision d’un monde où l’amour, la réflexion, toute élévation de pensée sont bannis, écrasés par une forme de sauvagerie.

Jamais encore, sauf peut-être dans David Golder, Duvivier n’avait à ce point étendu un regard pessimiste à l’ensemble de ses personnages, jusqu’au plus petit. C’est d’abord Alfred (Paul Bernard), mauvais garçon sans panache, Pépé le Moko de pacotille, dont il ne lui reste que la chemise noire, totalement dépourvu de scrupules, ni envers Mlle Noblet qu’il a apparemment séduite avant de la tuer, ni envers Hire à qui il fait porter la culpabilité, ni même envers Alice, qu’il a laissée faire de la prison à sa place. Celle-ci (Viviane Romance) est à peu près la Gina de La Belle équipe ayant vieilli de dix ans, toujours prête à user de ses charmes – et à jouer la comédie – pour arriver à ses fins. Prenant une part active dans la construction du piège se refermant sur Hire, elle est touchée, parfois, par quelques éclairs d’humanité : elle hésite un instant à attirer Hire sur la place où l’attend la foule ; elle est la seule à ne pas se repaître du spectacle du malheureux accroché au toit. Elle dissipe cependant très vite ces nuages de mauvaise conscience.

Autre figure importante de cette galerie de monstres, le boucher Capoulade (Max Dalban) , esprit étroit que tout écart d’une certaine nonne insupporte : la retenue et la solitude de Hire s’opposant à ses propres discours tonitruants et à sa marmaille ; la faiblesse anémique de sa femme, insulte à sa propre santé corpulente ; la fête foraine amenant de l’agitation et lui enlevant des clients (« on va plus pouvoir dormir et les clients vont se bourrer de sucreries »). L’abjection mise dans le personnage va jusqu’à lui faire offrir une escalope à une fillette pour lui faire raconter que Hire l’aurait attirée chez lui. Il y a encore Marcelle (Lita Recio), prostituée d’une effroyable vulgarité, incitant à une « justice » expéditive les hommes du quartier (qu’elle semble avoir à peu près tous comme clients), antithèse des filles de joie au grand cœur qui abondaient dans le cinéma d’avant-guerre, à commencer par Arletty dans Hôtel du Nord, dont elle cherche à reproduire la gouaille ; M. Sauvage (Guy Favières) , prêt à suivre la meute mais incapable de parler à Hire ; Cermanutti (Marcel Pérès), le forain qui ne trouve à redire au lynchage que parce que « un spectacle gratuit, c’est de la concurrence déloyale » ; Breteuil (Emile Drain), patron de l’hôtel, seul à respecter Hire mais pour l’unique raison que celui-ci paie régulièrement son loyer, et que l’on sent prêt à lancer d’autres rumeurs (« avec tous ces forains… D’abord, d’où ça vient, ces gens-là ? ») ; la crémière et autres commères du quartier, émoustillées par la découverte du cadavre et en quête des meilleures places pour assister au massacre final ; même les policiers (dont Charles Dorat) ne s’empressent guère pour sauver Hire…

La place de Villejuif autour de laquelle se déroule la majeure partie du film est une scène où se tient un spectacle continu, s’achevant dans la violence. Chacun joue un rôle : Alice et Alfred veulent dissimuler leurs relations passées et font semblant de faire connaissance ; Alice joue constamment une comédie avec Hire (le spectateur lui-même peut, un instant, être dupe lorsqu’elle prétend détester Alfred) ; Hire a une double vie et exerce son activité de voyant sous le nom du Docteur Varga ; Alfred est un des plus empressés pour que « Justice » soit faite, afin de mieux dissimuler sa culpabilité. Duvivier peut ainsi amplement jouer avec les apparences et en use même pour mieux étayer sa démonstration : en effet, il laisse planer des doutes sur Hire pour mieux montrer que les astuces cinématographiques (silhouette noire, musique étrange et climat inquiétant lors de la visite dans l’île, etc.) peuvent être trompeuses et que le spectateur qui s’y laisse prendre est moins éloigné qu’il le croit de la meute effrayante. Il serait exagéré de dire que l’on veut donner mauvaise conscience au spectateur, mais celui-ci est, au moins, amené à s’interroger…

La charge du passé et du destin, écrasant tant de personnages de Duvivier avant-guerre, se fait encore sentir ici. On croit suffisamment à la vie « écrite à l’avance » pour aller consulter une cartomancienne, et Hire lui-même, en Dr Varga, gagne sa vie en établissant des horoscopes. Chacun est poursuivi par un passé lourd à porter : Alice sort de prison, ce qu’elle dissimule mais peut difficilement oublier car elle a eu une remise de peine et se sait surveillée ; Alfred croit pouvoir enfouir son crime, mais une photo compromettante le perdra ; Hire traîne des souvenirs qui lui ont gâché la vie : sa mère lui a toujours préféré son frère (comme Poil de Carotte… ) puis, croyant trouver le bonheur dans le mariage, il a vu son seul ami partir avec son épouse. Les ruines de ce passé consistent en quelques photos et une maison fantôme annonçant celle de Marianne de ma jeunesse. [Julien Duvivier « Le mal aimant du cinéma français » Vol 2 : 1940 – 1967 – Eric Bonnefille – Edition L’Harmattan – 2002]

A la sortie de Panique le 15 janvier 1947, les critiques sont en général assez acerbes. Comme celle de Jean Vidal, parue dans L’Ecran français et qui, comme beaucoup de ses confrères ainsi qu’une partie du public, ne supporte pas le nihilisme du film. Il écrit : « J’ignore si la vision du monde de Julien Duvivier est le fruit d’ une méditation prolongée ou la conséquence d’un tempérament malheureux. Mais je sais que, bien souvent, j’éprouve devant ses films une espèce de malaise où le dégout se mêle à l’humiliation. C’est ce qu’on retrouve, à travers l’œuvre de ce réalisateur. Non seulement la même conception amère et sans espoir de la destinée, mais ce qui est plus grave, un mépris de l’homme qui blesse et qui révolte .» Quelques autres, par contre, le défendent. Comme Pierre Velghe dans le quotidien France libre qui synthétise assez justement le film : « Duvivier nous tient en haleine sous une espèce de charme dangereux dont il est difficile de se débarrasser et qui encombre nos nuits de visions de cauchemars. »

Si Panique engrange des scores honorables dans les salles françaises avec 2 495 625 entrées, il est loin d’obtenir les chiffres d’autres succès de 1947 comme Le Silence est d’or de René Clair (4 179 396 entrées), Le Diable au corps de Claude Autant Lara (4763 241 entrées), Quai des orfèvres de Henri-Georges Clouzot (5 544 721 entrées), et, premier de l’année, Le Bataillon du ciel d’Alexandre Esway (8 649 691 entrées), aujourd’hui bien oublié. Des années plus tard, Duvivier se confiera à une journaliste de Cinémonde : « Panique est le film le plus significatif de ma carrière, car il veut dire quelque chose.» Une affirmation à l’égard de nombreux de ses détracteurs qui n’ont toujours vu en lui – pour le mieux – qu’un habile technicien. Alors qu’une copie a été envoyée pour une éventuelle programmation au festival de Cannes de 1946, les sélectionneurs lui préfèrent même La Symphonie pastorale de Jean Delannoy, que Duvivier devait d’ailleurs réaliser, et qui remporte au passage la Palme d’Or.

Panique est devenu avec le temps un des grands films oubliés et mésestimés de Julien Duvivier pendant plus d’une trentaine d’années. Jusqu’à ce qu’il sorte de sa léthargie au début des années 1980, grâce à de multiples diffusions dans des cycles consacrés au réalisateur, notamment dans le cadre du Cinéma de minuit de Patrick Brion. Panique sort ainsi de l’oubli et regagne ses galons de grand classique du cinéma français. Voir ce qu’en dit le cinéaste / cinéphile Bertrand Tavernier sur son blog : « Il faut saluer dans Panique la magistrale utilisation du décor, avec un sens de l’espace inouï : une manière de jouer sur les perspectives et les diagonales qui laissent pantois ». [Panique – Coffret « Héritage » – dossier sous la direction de Christophe Lemaire – TF1 Vidéo (2015)]












Pendant le tournage de Panique, Duvivier prépare l’écriture d’un nouveau film, Quand les lilas refleuriront, situé en 1890-92 à Paris, dans le monde du théâtre et celui des courtisanes. Il en rédige le scénario en collaboration avec Pierre Rocher et Henri Jeanson. Les deux interprètes principales sont choisies dès le départ : Danielle Darrieux doit tenir le rôle d’une chanteuse de café-concert, et Viviane Romance celui d’une courtisane. Les deux actrices ont donné leur accord de principe. Parmi les autres personnages du film, figurent un grand escroc et un journaliste pamphlétaire avec, en fond, l’évocation du scandale de Panama. Il est question d’en tourner deux versions – anglaise et française – à Rome, au printemps 1947. Mais le projet est écarté pour des raisons politiques : l’une des scènes devant se dérouler à la Chambre des députés dans le cadre du scandale de Panama, la Censure a en effet averti la production qu’elle empêcherait la sortie du film à l’étranger. [Julien Duvivier « Le mal aimant du cinéma français » Vol 2 : 1940 – 1967 – Eric Bonnefille – Edition L’Harmattan – 2002]
Les extraits
D’autres extraits seront mis en ligne prochainement.






JULIEN DUVIVIER ou l’artisan consciencieux
La véritable carrière de Julien Duvivier débute en 1930. Et pourtant, à cette date, il est déjà l’auteur de dix-sept films, réalisés entre 1919 et 1929. Mais rien, dans cette production trop abondante, ne le distingue des nombreux faiseurs, qui, au même moment, travaillaient comme lui, en série…

MICHEL SIMON
Michel Simon est considéré comme l’un des plus prestigieux comédiens du XXe siècle. Sa personnalité se dessine dès l’enfance : un esprit d’une vivacité peu commune, épris de liberté individuelle, un amour éperdu de toute forme de vie et un sens de l’observation extrêmement aigu. A l’épreuve de la vie en société, tout cela composera un humaniste misanthrope dans la grande tradition, d’une sensibilité inquiète et d’une tendresse ombrageuse, mais aussi d’une timidité qui le condamnera à une certaine solitude.
- THE LONG NIGHT – Anatole Litvak (1947) / LE JOUR SE LÈVE « refait » et « trahi »
- EDWIGE FEUILLÈRE : LA GRANDE DAME DU SEPTIÈME ART
- LA POLITIQUE DU CINÉMA FRANÇAIS
- THE GARMENT JUNGLE (Racket dans la couture) – Vincent Sherman (1957)
- THE RACKET (Racket) – John Cromwell (1951)
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