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CLAUDE AUTANT-LARA : LE BOURGEOIS ANARCHISTE

Claude Autant-Lara a été un des grands cinéastes français de la période 1940-1960. Il en a donné maintes fois la preuve, c’est un artiste et il sait ensuite injecter une méchanceté toute personnelle à ce qu’il veut dénoncer et user du vitriol. Son œuvre est inégale et comporte une inévitable part de films sans intérêt. Mais on lui doit quelques chefs-d’œuvre et une bonne dizaine d’œuvres importantes qui suffisent à faire de lui le pair d’un Clouzot, d’un Becker ou d’un Grémillon.

L’AUBERGE ROUGE – Claude Autant-Lara (1951)

Au XIXe siècle, un couple d’aubergistes assassine ses hôtes. Criminelle mais chrétienne pleine de foi, la patronne se confesse à un moine de passage. Ce dernier réussira-t-il à sauver les voyageurs d’une diligence ? Inspiré d’un fait divers, ce film truculent et sulfureux reste un pied de nez aux bienséances de l’époque et à son propre producteur, un marchand d’armes persuadé de financer une œuvre morale ! Comme le raconte le scénariste Jean Aurenche, il fut interprété à contrecœur par Fernandel, « terrorisé par ce qu’il devait jouer sans vraiment le comprendre ». Claude Autant-Lara s’était fait une mission de tremper son récit dans l’irrespect. La censure exigea la coupure d’une réplique où les gendarmes étaient comparés à des grains de poussière, le clergé se fâcha, les idéologues de la Nouvelle Vague dénoncèrent le film comme symbolique de la tradition du mépris qui gangrenait le « cinéma de qualité ». Cette satire, un des meilleurs films d’Autant-Lara, bénéficie du talent ravageur d’Aurenche et de Bost, experts en cocasserie et en répliques dérangeantes. [Nagel Miller – Télérama]

LE MARIAGE DE CHIFFON – Claude Autant-Lara (1942)

Dans Le Mariage de Chiffon la musique de Jean Wiener donne le ton dès le déroulement du générique : elle développe, en arabesques, des variations à partir de la célèbre valse, « Fascination » que des éclats de fanfares militaires et des sonneries de clairons viennent perturber avec humour : « Je t’ai rencontrée simplement, et tu n’as rien fait pour chercher à me plaire… » Ces paroles non chantées que fait insensiblement lever la mélodie, ponctuées avec ironie d’airs martiaux pour soldats d’opérette, résument l’action, puisée dans un roman de Gyp édité en 1894 et librement adapté par Jean Aurenche qui n’a pas encore rencontré Pierre Bost.

HÔTEL DU NORD – Marcel Carné (1938)

« Dans un hôtel situé sur le bord du Canal Saint-Martin à Paris, on célèbre une communion. Les propriétaires et clients de l’établissement fêtent l’événement autour d’un repas chaleureux. Un couple de jeunes amoureux (Pierre et Renée) s’installe dans une des chambres. Au cours de la nuit, un coup de feu retentit… » C’est ainsi que démarre l’intrigue d’Hôtel du Nord, merveilleux film d’ambiance dont le personnage principal est bien entendu cet hôtel du canal parisien. Sur un scénario de Jean Aurenche et des dialogues de Henri Jeanson, Marcel Carné décrit avec autant de minutie que de passion les hommes et les femmes qui logent dans l’hôtel ou ses environs. Au milieu des décors imaginés par Trauner, on croise un patron paternaliste, un policier raciste, de jeunes amoureux naïfs, un éclusier cocu, et un mac accompagné de sa protégée.