Du roman d’origine (que le titre français évoque à tort), Hollywood ne consentit pas à garder l’amoralité. Egalement auteur du Facteur sonne toujours deux fois, James M. Cain concluait son livre par un inceste symbolique et assumé entre une fille et son beau-père. Le film a beau sauver l’honneur en remplaçant cette dérive par un assassinat, les images continuent d’exhaler un parfum de soufre aussi entêtant qu’involontaire. Il tient aussi à ce que l’on a appris depuis sur la fibre maternelle de Joan Crawford, plutôt rugueuse et cassante dans la vie, aux dires de sa fille Cristina. La star campe une louve en vison que les premiers plans du film laissent errer dans une mare de chagrin. Un coup de feu a été tiré dans sa maison. Appelée au poste pour s’expliquer sur le cadavre trouvé chez elle, Mildred susurre un long flash-back… La voilà bobonne en robe mal coupée, appliquée à préparer une sauce béchamel pendant que son mari reçoit un coup de fil de sa maîtresse. C’en est trop, Mildred le quitte et se démène comme une diablesse pour offrir à ses filles une vie de rêve. Le fruit de ses entrailles est la prunelle de ses yeux. Regardons donc ses yeux : sous le velours charbonneux pointent des flèches acérées… Mise en lumière par les meilleurs techniciens de la Warner, cette ambiguïté glaçante continue de faire le sel de ce film noir en apnée. [Marine Landrot – Télérama]