
Aussi à l’aise dans les ruelles nocturnes du polar que dans les vastes plaines du western, l’acteur a connu une carrière hollywoodienne aussi fulgurante que prolifique. Portrait d’un comédien à l’indépendance farouche.
Né dans une petite ville du Minnesota, Richard Widmark fait partie de ces acteurs ayant découvert très tôt leur passion pour l’art dramatique. Raisonnable, le jeune homme passe tout de même dans un premier temps une licence de sciences politiques, mais l’appel des planches sera le plus fort : Widmark débarque à New-York en 1938, bien décidé à conquérir les scènes de Broadway. Il commence pourtant par prêter sa voix à divers feuilletons radiophoniques, très en vogue au début des années 1940. Le jeune acteur devient ainsi l’une des stars de la série « Front Page Farrell », tout en s’illustrant par ailleurs dans « Gangbusters » célèbre émission de faits-divers dans laquelle sont décrits des criminels en fuite. Ce qui prédispose peut-être le comédien à son premier rôle sur grand écran…
Serial killer
En 1947, la réputation croissante de Richard Widmark dans le petit milieu new-yorkais attire l’attention des chasseurs de tête d’Hollywood. Faisant le cinéma, l’acteur abandonne la confortable situation qu’il vient d’acquérir, pour se rendre à Los Angeles. Le cinéaste Henry Hathaway lui offre alors le rôle d’un psychopathe dans Kiss of Death (Le Carrefour de la mort), un thriller dans lequel Widmark devra affronter l’élégant Victor Mature. Dans la peau de Tommy Udo, tueur haineux qu’il jubile en précipitant une vieille dame du haut d’un escalier, le nouveau venu fait une telle impression qu’il se voit non seulement nominé pour l’Oscar du meilleur second rôle, mais également récompensé d’un Golden Globe, et pris sous contrat à la Fox. On ne peut rêver d’un meilleur lancement ! Pourtant, la médaille a son revers : pendant plusieurs années, on aura tendance à ne proposer à l’acteur que des personnages à la Tommy Udo…

Palmarès
Devenu au fil des polars un acteur de premier plan, Widmark va travailler au cours des années 50 avec les réalisateurs les plus cotés. Il tourne ainsi Night and the city (Les Forbans de la nuit) sous la direction de Jules Dassin, No Way out (La Porte s’ouvre) avec Joseph Mankiewicz, Panic in the streets (Panique dans la rue) avec Elia Kazan, Pickup on south street (Le Port de la drogue) avec Samuel Fuller, et le célèbre Broken Lance (La Lance brisée)avec Edward Dmytryk. En 1955, Widmark s’affranchit de la Fox, choisissant désormais seul les cinéastes avec qui il souhaite collaborer : Vincente Minnelli pour The Cobwed (La Toile d’araignée), Otto Preminger pour Saint Joan (Sainte Jeanne), John Wayne pour Alamo, ou encore John Ford pour Two Rode Together (Les Deux cavaliers) et Cheyenne Autumn (Les Cheyennes). Mais le rôle-phare de Richard Widmark lui sera finalement offert par le film ayant marqué à jamais l’imaginaire du public américain : How the West Was Won (La Conquête de l’Ouest).
Alternant entre westerns, films de guerre, drames, comédies et épopées, Widmark se forge une carrière riche en action, mais n’en est pas moins hostile aux armes à feu : « Je sais que j’ai plus ou moins fait carrière grâce à la violence, mais j’ai horreur de ça, Je suis un ardent défenseur du contrôle des armes. Il me semble Incroyable que les Etats-Unis soient la seule nation qui ne limite pas l’usage des armes à feu. » Après plus de 60 ans de carrière, il s’éteint le 24 mars 2008 à l’âge de 93 ans, une semaine avant Jules Dassin, le réalisateur des Forbans de la nuit.

KISS OF DEATH (Le Carrefour de la mort) – Henry Hathaway (1947)
Un gardien de prison fait sa ronde devant une cellule. L’un des deux pensionnaires se tord le cou pour voir le maton passer. « Regarde-moi ce minable qui fait sa patrouille », crache-t-il de sa voix bizarrement aiguë. « Pour un nickel que je te le chope, j’lui enfonce les pouces dans les yeux et je serre jusqu’à ce qu’il tombe raide. » Puis il part d’un gloussement qui ressemble aux bêlements en staccato d’un saxo alto grinçant. C’est Kiss of Death, le loser qui moisit en taule est Tommy Udo, et l’acteur qui injecte à Tommy ce ton nouveau de démence n’est autre que Richard Widmark.

NIGHT AND THE CITY (Les Forbans de la nuit) – Jules Dassin (1950)
Harry Fabian (Richard Widmark, magistral) appartient à ce petit peuple d’escrocs dérisoires qui se débattent dans l’univers du film noir. Toujours en quête d’un ailleurs radieux et confus, de la combine parfaite pour y parvenir. Des projets, Harry, rabatteur dans un night-club londonien, en change comme d’œillet à sa boutonnière, et fait le désespoir de son amante, Mary, à laquelle Gene Tierney prête sa grâce aérienne. Cette fois, l’éternel perdant tente de « voler » le business des spectacles de lutte à la pègre locale.

PICKUP ON SOUTH STREET (Le Port de la drogue) – Samuel Fuller (1953)
Skip McCoy (Richard Widmark) vit, littéralement, en marge de la société – dans une baraque branlante sur le port de New York. Il se contente de subsister maigrement en faisant les poches et en chapardant des sacs à main dans le métro. Un jour, il dérobe sans le savoir des microfilms à Candy (Jean Peters), une séduisante prostituée qui sert, à son insu, de messagère pour son petit ami coco (Richard Kiley). Comme Tolly Devlin, Skip McCoy prend un malin plaisir à manger à tous les râteliers et ne se gêne pas pour faire grimper frénétiquement les enchères autour du précieux rouleau de pellicule. Lorsqu’un agent fédéral cuisine Skip et l’accuse de trahison, il éclate de rire et répond : « Qui ça intéresse ? »
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Catégories :Les Actrices et Acteurs




