Le 27 décembre 1927, Jerome Kern assiste à la première de son spectacle Show Boat. À la fin de la représentation, qui s’avère un triomphe, le compositeur se fait conduire à une réception donnée en son honneur. Mais sur le chemin, il demande à son chauffeur de faire un détour pour revoir le quartier où, jeune homme, il est venu un jour frapper à une porte, le cœur battant… Véritable vitrine du savoir-faire de la MGM en matière de comédie musicale, ce film retrace de manière très libre la carrière de Jerome Kern. Retour sur l’un des grands succès de 1946.

Monument historique
Parmi les raisons qui font de Till the clouds roll by (La Pluie qui chante) l’une des comédies musicales les mieux connues du grand public, il en est une qui n’a rien à voir avec la qualité du film, À la fin des années 60, la MGM néglige en effet de renouveler ses droits sur cette production, qui tombe alors dans le domaine public. Sans doute les dirigeants du studio estiment-ils que plus personne ne s’intéressera à de telles « vieilleries ». Mais c’est compter sans le regain de cinéphilie suscité par l’arrivée de la vidéo : le film étant libre de droits, de nombreux éditeurs vont proposer des VHS de Till the clouds roll by, puis, vingt ans plus tard, des DVD. Si la plupart des versions commercialisées sont médiocres sur le plan technique, il n’empêche que la superproduction livrée en 1946 par Arthur Freed va ainsi connaître une diffusion aussi large qu’inattendue, et remettre au goût du jour des airs quelque peu oubliés par les nouvelles générations. D’autant que la musique du film, qui fut l’une des premières bandes originales à être éditée simultanément à la sortie en salles, est tombée elle aussi dans le domaine public… Mais n’est-il pas logique, d’une certaine façon, qu’un biopic consacré à l’un des génies de la musique populaire américaine rejoigne finalement le patrimoine national ?

Biographie romancée
Quand le producteur Arthur Freed demande à Jerome Kern l’autorisation de consacrer une comédie musicale à sa carrière, celui-ci n’y voit aucune objection – si ce n’est que, selon lui, sa vie personnelle ne présente aucun intérêt. Qu’à cela ne tienne, les scénaristes de la MGM mêleront aux faits authentiques des épisodes inventés, comme l’amitié de Kern avec l’arrangeur Jim Hessler et sa fille Sally, qui sont des personnages fictifs. De même, les circonstances de la rencontre du musicien et de sa femme Eva en Angleterre seront « embellies », la jeune fille étant en réalité serveuse dans l’auberge de son père. En revanche, les grandes lignes de la carrière musicale de Kern sont respectées, et l’on croise dans le film certains de ses collaborateurs, tels Oscar Hammerstein, Victor Herbert, et Marilyn Miller, diva de Broadway disparue en 1936.

Pluie d’étoiles
C’est Judy Garland, la grande star de la MGM, qui se voit confier la tâche d’incarner Marilyn Miller. Le rôle est court, mais le principe de Till the clouds roll by repose sur un défilé de « vedettes maison » venant interpréter les chansons les plus célèbres de Kern, le temps d’une ou deux séquences. Celles de Judy Garland sont filmées en octobre 1945, bien avant le reste des prises de vues : l’actrice est en effet enceinte de sa fille Liza, qui naîtra en mars de l’année suivante. Elle se dépêche donc de tourner ses numéros, dont la réalisation est confiée à son mari Vincente Minnelli. En revanche, le reste du film sera mis en scène par RichardWhorf. Parmi les stars qu’Arthur Freed a tenu à engager pour Till the clouds roll by figurent ses protégées June Allyson (Two Girls and a Sailor), Kathryn Grayson (Anchors aweigh), et Lucille Bremer (Mett me in St. Louis). Les chanteurs à succès Lena Horne, Dinah Shore et Tony Martin sont aussi de la partie. Quant à Robert Walker, il a l’honneur d’incarner Jerome Kern – mais, suite à des différends avec la MGM, son nom sera rétrogradé en bas de l’affiche lors de la sortie du film…

Hommage posthume
Pour le final de Till the clouds roll by (réalisé officieusement par George Sidney), Kern a eu l’idée de faire chanter Ol’Man River par le crooner Frank Sinatra, un choix surprenant puisque ce morceau mythique est chanté d’ordinaire par de puissants ténors. Hélas, le musicien ne pourra entendre le résultat : il est en effet victime d’une hémorragie cérébrale le 11 novembre 1945, à l’âge de 60 ans… Le tournage se déroule donc dans une certaine émotion, du mois de décembre 1945 à mai 1946. D’une durée initiale de trois heures, le montage final se verra réduit à deux heures suite à des projections tests (des chansons de Judy Garland, Lena Horne et Kathryn Grayson sont ainsi sacrifiées). Sorti en décembre 1946, un an après la mort du compositeur, Till the clouds roll by connaît aussitôt un grand succès : rapportant sept millions de dollars, il bat aisément les quatre millions de son concurrent Night and Day, film sorti quelques mois plus tôt et consacré quant à lui à la carrière de Cole Porter.

Programme musical
The Siren’s Song
Music by Jerome Kern – Lyrics by P.G. Wodehouse
Sung by MGM Chorus in Opening Credits

Show Boat
Broadway Premiere Sequence:
Music by Jerome Kern – Lyrics by Oscar Hammerstein II
Cotton Blossom – Performed by MGM Studio Orchestra and Chorus
Where’s The Mate For Me ? – Sung by Tony Martin
Make Believe – Sung by Kathryn Grayson and Tony Martin
Life Upon The Wicked Stage – Sung by Virginia O’Brien and Women’s Chorus
Can’t Help Lovin’ Dat Man – Sung by Lena Horne
Ol’ Man River – Sung by Caleb Peterson, Frieda Shaw’s Ethiopian Chorus, and Chorus
Ka-lu-a
Music by Jerome Kern
Performed by the MGM Studio Orchestra
How’d You Like to Spoon With Me ?
Lyrics by Edward Lask – Music by Jerome Kern
Sung and danced by Angela Lansbury and Chorus

They Didn’t Believe Me
Music by Jerome Kern – Lyrics by Herbert Reynolds
Sung by Dorothy Patrick (dubbed by Ruth Clark) and also played by Robert Walker at the piano; later sung by Dinah Shore

Till The Clouds Roll By
Music by Jerome Kern – Lyrics by Guy Bolton and P.G. Wodehouse
Sung and danced by Ray McDonald with June Allyson and Chorus
Cleopatterer
Lyrics by P.G. Wodehouse – Music by Jerome Kern
Sung and danced by June Allyson with Ray McDonald and Chorus
Leave It to Jane
Music by Jerome Kern – Lyrics by P.G. Wodehouse
Sung and danced by June Allyson with Ray McDonald and Chorus
Look for the Silver Lining
Lyrics by Buddy G. DeSylva – Music by Jerome Kern
Sung by Judy Garland
Who ?
Music by Jerome Kern – Lyrics by Otto A. Harbach and Oscar Hammerstein II
Sung by Lucille Bremer (dubbed by Trudy Erwin), and later sung by Judy Garland and Chorus
Sunny
Music by Jerome Kern – Lyrics by Otto A. Harbach and Oscar Hammerstein II
Sung by MGM Chorus, with Judy Garland and stunt double

One More Dance
Music by Jerome Kern – Lyrics by Oscar Hammerstein II
Sung by Lucille Bremer (dubbed by Trudy Erwin) and Chorus
I Won’t Dance
Music by Jerome Kern with original lyrics by Oscar Hammerstein II and revised lyrics by Dorothy Fields, Otto A. Harbach and Jimmy McHugh
Sung and danced by Van Johnson and Lucille Bremer (dubbed by Trudy Erwin)

She Didn’t Say ‘Yes’
Music by Jerome Kern – Lyrics by Otto A. Harbach
Sung by Lyn Wilde and Lee Wilde (as The Wilde Twins)
Smoke Gets in Your Eyes
Music by Jerome Kern – Lyrics by Otto A. Harbach
Danced by Cyd Charisse and Gower Champion and sung by MGM Chorus
The Last Time I Saw Paris
Music by Jerome Kern – Lyrics by Oscar Hammerstein II
Sung by Dinah Shore
The Land Where the Good Songs Go
Music by Jerome Kern – Lyrics by P.G. Wodehouse
Sung by Lucille Bremer (dubbed by Trudy Erwin) and Chorus

Yesterdays
Music by Jerome Kern – Lyrics by Otto A. Harbach
Sung by the MGM Chorus
Long Ago (and Far Away)
Lyrics by Ira Gershwin – Music by Jerome Kern
Sung by Kathryn Grayson
A Fine Romance
Music by Jerome Kern- Lyrics by Dorothy Fields
Sung by Virginia O’Brien
All the Things You Are
Lyrics by Oscar Hammerstein II – Music by Jerome Kern
Sung by Tony Martin
Why Was I Born ?
Music by Jerome Kern – Lyrics by Oscar Hammerstein II
Sung by Lena Horne

Ol’ Man River
Music by Jerome Kern – Lyrics by Oscar Hammerstein II
Sung by Frank Sinatra and Chorus




LA COMÉDIE MUSICALE
La comédie musicale a été longtemps l’un des genres privilégiés de la production hollywoodienne, et probablement le plus fascinant . Né dans les années 1930, en même temps que le cinéma parlant, elle témoigna à sa manière, en chansons, en claquettes et en paillettes, de la rénovation sociale et économique de l’Amérique. Mais c’est dix plus tard, à la Metro-Goldwyn-Mayer, que sous l’impulsion d’Arthur Freed la comédie musicale connut son véritable âge d’or, grâce à la rencontre de créateurs d’exception (Vincente Minnelli, Stanley Donen) et d’acteurs inoubliables (Fred Astaire, Gene Kelly, Judy Garland, Cyd Charisse, Debbie Reynolds). Par l’évocation de ces années éblouissantes à travers les films présentés, cette page permet de retrouver toute la magie et le glamour de la comédie musicale.
- I DIED A THOUSAND TIMES (La Peur au ventre) – Stuart Heisler (1955)
- BARBARA STANWYCK
- ALL ABOUT EVE (Ève) – Joseph L. Mankiewicz (1950)
- [AUTOUR DE « L’IMPOSTEUR »] HOLLYWOOD S’EN VA-T-EN GUERRE
- JEAN GABIN : LE MAL DU PAYS
Catégories :La Comédie musicale, Le Film étranger