
Dès les premières images de Father of The Bride (Le Père de la mariée), on est un peu décontenancé, quelque chose de particulier empêche une adhésion totale. On réalise alors qu’il n’y a pas de musique d’accompagnement pendant la première moitié du film, fait plutôt rare dans les comédies. Elle ne fera une première apparition très discrète qu’au cours de la scène de la découverte des cadeaux de mariage. Vincente Minnelli, sans doute en raison de son expérience des comédies musicales, utilise toujours la musique d’accompagnement avec beaucoup de discernement. [Minnelli « De Broadway à Hollywood » – Patrick Brion, Dominique Rabourdin, Thierry de Navacelle – ED. 5 continents Hatier (1985)]

Ce parti pris donne au film à la fois distance et précision (rien à voir avec les comédies enlevées de Lubitsch et Wilder), et une vision comme décalée des événements qui permet au metteur en scène de mettre en valeur dans les moindres détails son sens aigu de l’observation. Ce comique se rapproche plus de celui des films muets : comique de situation plus qu’effet de dialogue (la séquence où le père, Spencer Tracy, essaie la jaquette de son mariage est digne de films de Charlie Chaplin ou de Buster Keaton). Vincente Minnelli garde un sérieux, presque une gravité dans l’humour, qui le rapprochent beaucoup de ces grands comiques. Il est en cela magnifiquement servi par la performance de Spencer Tracy.

Father of The Bride est une analyse très fine, très drôle et parfois très sarcastique des coutumes et des comportements de la petite bourgeoisie américaine. Minnelli sait parfaitement saisir tous ces petits signes de reconnaissance presque codifiés des Américains (phrases de politesse du genre: « Nice to meet you », « Glad you came », « See you saon », « Hope I see you again » ; rires forcés et bruyants, etc.). Dans Father of The Bride, le metteur en scène s’en donne à cœur joie et la première entrevue entre les parents respectifs (dans le style : « Call me John ») est très drôle.

On retrouve dans ce film l’inévitable réception avec cette richesse de l’image due à la fébrilité de chacun des figurants. La scène du cauchemar du père au sujet de la cérémonie de mariage de sa fille (Elizabeth Taylor) est magistralement menée quoique peut-être un peu déplacée dans cette comédie. Grâce à Elizabeth Taylor, l’émotion apparaît ici et là : la scène de la première dispute entre les fiancés ; le plan où la mère (Joan Bennett) descend l’escalier, prête à sortir avec le père qui la « redécouvre » ; les très beaux plans de Kay en robe de mariée et aussi son dernier coup de téléphone à son père depuis la gare.

Sobrement, pudiquement, sans procédés mélodramatiques, Vincente Minnelli réussit très bien à nous émouvoir. Au fur et à mesure de sa carrière, il affinera de plus en plus ce type de scènes très brèves et très intenses. Elles atteindront la perfection dans des films comme The Four Horsemen of The Apocalypse (Les Quatre cavaliers de l’Apocalypse ) (Marguerite Laurier-Ingrid Thulin découvrant de son balcon que Julio-Glenn Ford appartient à un réseau de la Résistance) ou dans Two weeks in another Town (Quinze jours ailleurs) (le baiser de Veronica-Dahlia Lavi à Jack Andrus-Kirk Douglas juste après le coup de téléphone de Carlotta-Cyd Charisse).

Father of The Bride est un film très attachant qui obtint un énorme succès à J’époque. Aujourd’hui, comme Undercurrent (Lame de fond), il peut paraître un peu démodé, moins accompli que des œuvres comme Madame Bovary, An American in Paris, ou The Bad and the beautiful (Les Ensorcelés). Il n’en tient pas moins une place importante dans l’œuvre de Minnelli. [Minnelli « De Broadway à Hollywood » – Patrick Brion, Dominique Rabourdin, Thierry de Navacelle – ED. 5 continents Hatier (1985)]

« Je voulais absolument Spencer Tracy pour The Father of the bride ». Sans lui, j’étais sûr que ce serait une comédie stupide, tandis que Tracy donnait au personnage un poids, une réalité indispensable. Il est encore plus important de rester en contact étroit avec la réalité dans une comédie que partout ailleurs. La grande tentation dans une comédie, pour le metteur en scène comme pour l’acteur, c’est de vouloir faire croire au public que vous êtes drôle, que vous pétillez d’esprit. Faire une comédie fantastique n’est pas intéressant: si elle s’écarte de la réalité, elle cesse d’être drôle … » [Vincente Minnelli]

Pour sa première « pure » comédie, Minnelli met en scène des gens ordinaires dans un cadre de tous les jours. L’espace de quelques semaines, ce décor va être bousculé, ce qui va engendrer une perspective de désordre tel que le fantastique va faire irruption dans ce quotidien par l’intermédiaire d’un cauchemar où le père de la mariée s’imagine s’enfoncer dans le sol de l’église.

La comédie fonctionne merveilleusement, la satire étant tempérée par la formidable tendresse que le réalisateur porte à ses personnages. Elizabeth Taylor est ravissante, Joan Bennett très belle et les hommes balourds à souhait. Minnelli arrive à ce tour de force qui consiste à faire rire constamment des travers quotidiens d’une famille d’Américains moyens sans jamais tomber dans la caricature ou le mépris hautain.

Il est aidé en cela par un Spencer Tracy, admirable de finesse et de concision. « Le jeu de Spencer était l’essence même de la comédie, empreint d’une vérité profonde. Et s’il y parvenait si bien, c’est qu’il était sûr lui-même de sa force tranquille, de sa sérénité », écrit le réalisateur dans son autobiographie. [Vincente Minnelli – François Guérif – Filmo n°8 (Edilio 1984)]

L’histoire
Dans son domicile dévasté, Stanley Banks (Spencer Tracy) explique qu’il vient d’assister au mariage de sa fille. Il évoque les événements des trois derniers mois. Un soir, après son travail, Stanley constate combien sa fille aînée, Kay (Elizabeth Taylor), a changé. Au dîner, celle-ci annonce soudain à ses parents qu’elle va épouser Buckley Dunstan (Don Taylor). Stanley est d’abord furieux. Sa femme, Ellie (Joan Bennett), elle, au contraire, est ravie et le rassure. Les futurs beaux-parents font connaissance. Stanley commence à apprécier Buckley. Les fiançailles sont célébrées chez les Banks mais Stanley est trop occupé à la cuisine pour recevoir ses invités. Préparatifs, trousseau, réception: Stanley propose à Kay de se faire enlever par son fiancé pour réduire les frais ! Sa proposition est accueillie avec horreur ! Un décorateur bouleverse la maison pour la réception. Kay se dispute puis se réconcilie avec Buckley. La répétition générale au temple trouble le sommeil de Stanley. Le mariage se passe bien mais les trois cents invités saccagent littéralement la maison des Banks. Dans la foule, Stanley ne réussit même pas à voir sa fille avant son départ. Elle lui téléphone heureusement quelques instants plus tard, de la gare, pour lui dire toute la tendresse qu’elle lui porte. Enfin seuls et heureux dans leur maison, Stanley et Ellie se retrouvent.
Les extraits

FATHER’S LITTLE DIVIDEND (Allons donc papa)- Vincente Minnelli (1951)
Après le succès de Father of The Bride (Le Père de la mariée), la plupart des comédiens étant sous contrat, donc disponibles, le studio insiste auprès de Minnelli pour qu’il continue sur sa lancée. Ni lui ni Spencer Tracy ne sont enthousiastes. Pourtant, grâce à ce dernier, quelques scènes assez drôles sauvent Father’s Little Dividend

VINCENTE MINNELLI
Véritable magicien du cinéma, Vincente Minnelli a porté la comédie musicale à son point de perfection, ce qui ne doit pas faire oublier qu’il est l’auteur de quelques chefs-d’œuvre du mélodrame.
Catégories :Le Film étranger