Les Actrices et Acteurs

LE MYSTÈRE VON STROHEIM

Aussi fantasque à la ville que les héros de ses films, celui qui campe l’inoubliable officier prussien de La Grande illusion fut l’un des cinéastes les plus révolutionnaires de son temps. Avant de devoir se contenter, bien malgré lui, du métier de comédien.

A l’en croire, Erich Hans Carl Maria Stroheim von Nordenwall serait né en 1885 au sein d’une famille d’aristocrates viennois, son père exerçant à l’époque de hautes fonctions dans l’armée impériale. En réalité, ce dernier est un modeste chapelier du ghetto juif, qui espère que son fils reprendra un jour l’affaire. Mais le jeune homme a d’autres projets : il s’embarque en 1909 pour l’Amérique, où il parvient cinq ans plus tard à entrer dans l’industrie du cinéma. Il y tient d’abord de petits rôles, tout en exerçant les fonctions de cascadeur ou, grâce à ses « origines », de conseiller en matière militaire. Le jeune homme fait également en sorte de devenir assistant-metteur en scène : il participe ainsi à The Birth of a Nation (Naissance d’une nation) et Intolérance, deux films fondateurs du grand D.W. Griffith. Lorsque les États-Unis entrent en guerre en 1917, Stroheim se fait une spécialité des rôles d’ignobles officiers germaniques, au point qu’on le surnomme bientôt « l’homme que vous aimerez haïr » !

Dès 1918, Erich von Stroheim tente sa chance comme réalisateur en livrant Blind Husbands (La Loi des montagnes), dont les bons résultats lui permettent d’enchaîner avec The Devil’s Passkey (Le Passe-partout du diable) et surtout Foolish Wives (Folies de femmes), son premier chef-d’œuvre. Réalisateur tyrannique, Stroheim y révèle toute la démesure de son univers, où se mêlent obsessions érotiques et mise en scène flamboyante. Mais il s’avère également incapable de tenir compte des contraintes budgétaires, ce qui lui joue des tours dès son projet suivant. Alors qu’il a déjà tourné l’équivalent de sept heures de film, la Metro-Goldwyn-Mayer finit par mettre le holà : Greed (Les Rapaces) est alors sévèrement réduit au montage, et sort en salles dans une version de deux heures. Stroheim signe ensuite une adaptation « décadente » de La Veuve joyeuse (The Merry Widow), qui heureusement pour lui s’avère un succès commercial, mais il se heurte par la suite au refus des producteurs de le laisser transformer ses tournages en gouffres financiers. L’épisode le plus douloureux restant celui de Queen Kelly, film totalement baroque joué et produit par la star Gloria Swanson : renvoyé au beau milieu du tournage, Stroheim verra le film sortir confidentiellement, dans une version qu’il reniera toujours.

Après un dernier film réalisé en 1932, qui ne sortira jamais en salles, Erich von Stroheim ne parvient plus à monter ses projets : bien qu’on le considère comme l’un des metteurs en scène les plus talentueux du moment, son jusqu’au-boutisme en matière artistique fait trop peur aux directeurs de studios. Stroheim se résout alors à reprendre son premier métier, incarnant à nouveau des militaires plein de raideur sous la direction d’autres réalisateurs. On le voit ainsi dans un certain nombre de films de guerre américains, avant qu’il ne vienne tourner en France à partir de 1937 : il apparaît ainsi dans une quinzaine de films, dont La Grande illusion de Renoir et Les Disparus de Saint-Agil de Christian-Jaque. Fuyant l’armée hitlérienne, Stroheim regagne ensuite Hollywood, où ses rôles les plus marquants lui seront offerts par Billy Wilder dans Five Graves to Cairo (Les Cinq secrets du désert) et Sunset Boulevard (Boulevard du crépuscule). Mais c’est en France, où il a repris une activité dès le lendemain de la guerre, que s’éteindra en 1957 le plus incompris des géants du cinéma…


LA GRANDE ILLUSION – Jean Renoir (1937)
« La Grande Illusion, écrivait François Truffaut, est construit sur l’idée que le monde se divise horizontalement, par affinités, et non verticalement, par frontières. » De là l’étrange relation du film au pacifisme : la guerre abat les frontières de classe. Il y a donc des guerres utiles, comme les guerres révolutionnaires, qui servent à abolir les privilèges et à faire avancer la société. En revanche, suggère Renoir, dès que les officiers, qui n’ont d’autre destin que de mourir aux combats, auront disparu, alors les guerres pourront être abolies : c’est le sens de la seconde partie, plus noire, qui culmine dans les scènes finales entre Jean Gabin et Dita Parlo, à la fois simples et émouvantes.

L’ALIBI – Pierre Chenal (1937)
Un télépathe, le professeur Winckler, qui vient d’assassiner un homme, se crée un alibi avec l’aide d’une entraîneuse à qui il offre beaucoup d’argent. Le commissaire Calas, chef de la police, est persuadé que la jeune femme ment et pour la faire avouer, il envoie André Laurent, un jeune inspecteur, lui jouer la comédie de l’amour. L’inspecteur se laisse prendre au jeu, la jeune femme lui pardonne et l’assassin se suicide.

PIÈGES – Robert Siodmak (1939)
La guerre est à la porte : Quand sort Frères corsesRobert Siodmak est plongé dans la réalisation de ce qui sera son plus grand succès public en France, Pièges. Ce film marque les débuts de Maurice Chevalier dans le registre dramatique : de retour dans les studios cinématographiques après deux ans d’absence, « Momo » a décidé d’abandonner son canotier et le vaudeville du Casino de Paris pour un rôle sérieux et exigeant : celui d’un directeur d’une boîte de nuit accusé à tort de meurtre (ce qui lui permet quand même d’interpréter deux chansons célèbres : « Elle pleurait comme une Madeleine » et « Mon amour »).

DERRIÈRE LA FAÇADE – Georges Lacombe, Yves Mirande (1939)
Un crime a été commis dans un très respectable immeuble parisien… Lequel, parmi les locataires est le meurtrier  ? Une enquête choc pour une suite de sketches. C’est aussi l’occasion de voir rassemblée une fabuleuse brochette de stars des années 30/40 : Jules Berry, Michel Simon, Erich Von Stroheim, Elvire Popesco, Carette, Gaby Morlay,

SUNSET BOULEVARD (Boulevard du crépuscule) – Billy Wilder (1950)
Un homme flotte sur le ventre dans une piscine ; les policiers tentent maladroitement de repêcher le cadavre. Le début de Sunset Boulevard est l’un des plus déstabilisants et en même temps des plus brillants de l’histoire du cinéma. Joe Gillis (William Holden), un petit scénariste sans succès, y raconte comment sa rencontre avec l’ancienne star du muet Norma Desmond (Gloria Swanson) l’a conduit à sa perte.



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2 réponses »

  1. Un sacré personnage que ce Stroheim… Et quel acteur ! Quelle présence ! Une apparition de cinq minutes suffit pour que le film, même moyen, demeure dans notre mémoire.

    Encore merci pour tous ces articles merveilleux. Je viens régulièrement depuis que j’ai découvert votre blog en 2018 mais, malheureusement, je ne prends pas le temps de laisser un commentaire à chaque fois. Et pourtant cela le mérite.

    Vraiment merci de partager de si belle façon votre amour du cinéma « classique ». Chaque photo, chaque article donne envie de (re)voir les films évoqués ou fait ressurgir des souvenirs, des émotions. Et pas une fois je n’ai été déçu par vos présentations sur ces cinq années.

    Roger

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