Les Actrices et Acteurs

JEAN GABIN : FIGURES DU PÈRE

Père comblé dans la vie, Jean Gabin ne tiendra que peu souvent ce rôle à l’écran, lui préférant des personnages plus romanesques de mauvais garçon ou de justicier. Et lorsqu’il le fera, ce sera souvent pour explorer des formes diverses de paternité.

Longtemps abonné aux rôles de héros romantiques en butte à la société, Gabin ne commencera qu’assez tard à tenir des rôles de pères au cinéma. On imagine mal le héros de La Bandera ou de Quai des Brumes mener une existence paisible entre une épouse attentionnée et de charmants bambins… Peut-être faut-il d’ailleurs rapprocher cette image de héros solitaire à la propre vie de l’acteur qui, malgré son désir ancien de fonder une famille, n’accède à ce rêve que tardivement : c’est en mars 1949 que Gabin, âgé de 45 ans, épouse en troisième noces l’ancien mannequin Dominique Fournier, avec qui il aura trois enfants. Cette nouvelle paternité explique peut-être que les scénaristes, et Gabin lui-même, puissent dans les années 1950 commencer à imaginer l’acteur dans des rôles de père (registre que son âge lui aurait permis bien plus tôt, d’autant plus que depuis la guerre, ses cheveux blancs le font paraître plus âgé qu’il n’est réellement…). Mais ce changement reste malgré tout limité, voire timide : dans Le Port du désir, le marin interprété par Gabin se contente de mentionner l’existence de sa fille, et l’année suivante le mareyeur du Sang à la tête, père de famille bourgeois, se préoccupe assez peu de sa progéniture. Il sera en revanche nettement plus attentif dans Rue des Prairies, puis dans L’Âge ingrat, comédie où deux pères joués par Gabin et Fernandel compliquent l’union de leurs enfants. Mais au final, l’acteur continuera à jouer bien davantage les commissaires ou les truands sans attaches que les « pater familias ». Au point que ses prestations en grand-père (entre autres dans Les Grandes familles et L’Affaire Dominici) ou en chef de clan de familial (Le Clan des Siciliens) seront presque plus nombreuses…

Il est en revanche un rôle que Gabin endossera souvent, et dans des films importants de sa carrière, c’est celui de père de substitution. Ce qui au fond n’étonne guère, dans la mesure où ce type de relation rejoint bien davantage l’image « rebelle » de l’acteur que celle d’un père dûment reconnu par la société… L’un des premiers grands exemples de ce registre sera, en 1954, L’Air de Paris, film dans lequel Gabin, qui n’a pas eu d’enfant, se prend d’affection pour le jeune boxeur dont il s’est promis de faire un champion – son épouse Arletty lui reprochant d’ailleurs de vouloir « couver » sa recrue. L’année suivante, le juge pour enfants de Chiens perdus sans collier ressemblera à l’entraîneur de boxe de L’Air de Paris, d’autant qu’un même souci de lutte sociale est sous-tendu par les deux films. Mais l’incarnation la plus éclatante de cette paternité symbolique réside évidemment dans Les Misérables, où Gabin/Jean Valjean arrache Cosette aux Thénardier, et l’élève comme sa propre fille, Dans un genre très différent, c’est ce que l’acteur fera à nouveau avec deux « filles perdues » : pour des raisons diverses, il cherche en effet à assurer le bonheur de Mireille Darc dans Monsieur et de Michèle Mercier dans Le Tonnerre de Dieu, finissant par les considérer véritablement comme ses enfants. Étonnamment, au sein d’un cinéma qui se faisait largement l’écho des valeurs traditionnelles de la société française en matière de famille (on pense notamment à l’énorme succès de Papa, Maman, la bonne et moi, Gabin s’est donc plu à illustrer à l’écran une paternité relativement « hors normes »… [Collection Gabin – L’Air de Paris – Eric Quéméré (n°20 – 2006)]


JEAN GABIN
S’il est un acteur dont le nom est à jamais associé au cinéma de l’entre-deux-guerres, aux chefs-d’œuvre du réalisme poétique, c’est bien Jean Gabin. Après la guerre, il connait tout d’abord une période creuse en termes de succès, puis, à partir de 1954, il devient un « pacha » incarnant la plupart du temps des rôles de truands ou de policiers, toujours avec la même droiture jusqu’à la fin des années 1970.


LE SANG À LA TÊTE – Gilles Grangier (1956)
Drame conjugal sur fond de lutte des classes, le film de Gilles Grangier contribue au renouvellement du registre de Gabin, deux ans après le succès de Touchez pas au grisbi. Adapté du roman magistral de Georges Simenon « Le Fils Cardinaud », il livre un portrait sans concession d’une certaine bourgeoisie de province.

L’AIR DE PARIS – Marcel Carné (1954)
A l’automne 1953, le nouveau film de Marcel CarnéThérèse Raquin, reçoit un excellent accueil. C’est donc avec confiance que le réalisateur se lance avec le scénariste Jacques Viot dans un nouveau projet : l’histoire d’un entraîneur de boxe qui jette son dévolu sur un jeune ouvrier pour en faire son poulain. Carné est à l’époque un passionné de boxe.

CHIENS PERDUS SANS COLLIER – Jean Delannoy (1955)
Chiens perdus sans collier fait partie d’une catégorie un peu à part dans la filmographie de Gabin, mais néanmoins importante : celle puisant dans un certain réalisme social. L’expression est à prendre au sens large, Gabin n’ayant pas réellement participé à des films « militants ».

LE TONNERRE DE DIEU – Denys de La Patellière (1965)
Tournée en 1965, cette comédie amère marque les retrouvailles de Jean Gabin et du réalisateur Denys de La Patellière. L’occasion pour l’acteur de collaborer également avec deux jeunes vedettes en pleine ascension, Michèle Mercier et Robert Hossein.



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