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BING CROSBY : LE « CROONER » IRRÉSISTIBLE

Avec sa décontraction nonchalante, sa voix feutrée et son sens du rythme, il a renouvelé la chanson de charme. Bing Crosby sera l’une des valeurs les plus sûres du film musical hollywoodien.

Aucune star du « show business » ou du cinéma n’a connu une ascension aussi foudroyante que Bing Crosby. Aucune sans doute ne s’est maintenue aussi longtemps au faîte du succès. Bing Crosby intitule son autobiographie Call Me Lucky (Dites que j’ai eu de la chance). Certes la chance est intervenue, mais le hasard n’y est pour rien.

Un naturel soigneusement travaillé

Comme tous les grands professionnels du spectacle, Bing Crosby a su admirablement mettre en valeur les dons de la nature : un baryton inimitable (dont le timbre subtilement voilé serait dû, dit-on, à l’abus de mixtures décapantes au temps de la prohibition) et un incomparable sens du « swing »; mais surtout il a le don de créer une ambiance d’intimité – comme s’il s’adressait en particulier à chaque auditeur ou spectateur – qui est l’une des clés du succès à la radio et au cinéma. Tant d’aisance suppose évidemment un long travail, mais chez les plus grands et Crosby en est un – l’artifice est toujours invisible et tout semble naturel et spontané.

Harry Lillis Crosby est né en 1903 à Tacoma (Etat de Washington), dans une famille catholique d’origine irlandaise. Dès l’âge de sept ans, sa passion pour la bande dessinée « The Bingsville Bugle » lui vaut ce surnom de « Bing » qui passera à la célébrité. Le jeune Crosby commence des études de droit à la Gonzaga University, mais il va bientôt se consacrer essentiellement à la batterie et à la chanson. Il s’associe à Al Rinker, et leur duo attire bientôt l’attention de Paul Whiteman, qui dirige le plus célèbre orchestre de jazz des années 1920. Whiteman engage les deux débutants, leur adjoint Harry Barris et baptise le trio les « Rhythm Boys »… Crosby est alors considéré comme un joyeux farceur dépourvu d’ambition et sans grand avenir. A tel point que beaucoup s’opposent à son mariage avec la starlette Dixie Lee, estimant que celle-ci compromettrait ainsi sa carrière… Bing Crosby épousera pourtant Dixie et, tandis qu’il ira de succès en succès, elle abandonnera le cinéma vers le milieu des années 1930 pour se consacrer exclusivement à sa vie familiale (un mariage qui ne prendra fin qu’à la mort de Dixie en 1952).

Whiteman ne prend donc pas Crosby au sérieux et il le licencie au bout de quelques mois. Entre-temps, Bing a découvert le cinéma… et réciproquement. Dans l’un des premiers films parlants (et partiellement réalisé en couleurs), La Féerie du jazz (King of Jazz, 1930), il chante « Music Has Charms » durant le générique, et les Rhythm Boys apparaissent dans quelques séquences où ils interprètent des chansons de Whiteman. Bing Crosby ne restera d’ailleurs pas longtemps au chômage ; engagé par l’orchestre de Gus Arnheim, il se produit au Cocoanut Grove de Los Angeles. Mack Sennett lui signe alors un contrat pour six courts métrages. Il y chante quelques-uns de ses succès, comme « Just One More Chance », « I Surrender, Dear » ou « When the Blue of the Night Meets the Gold of the Day ». Malgré tout, Crosby n’a encore qu’une notoriété restreinte lorsqu’à l’automne 1931 son engagement à la C.B.S. va faire de lui, du jour au lendemain, une vedette des ondes.

Sous le signe de la Paramount

L’année suivante, Crosby revient au cinéma cette fois en tête d’affiche de la Paramount- avec The Big Broadcast (1932). Il y crée deux futurs classiques de son répertoire « Please » et « Here Lies Love », deux chansons dues à Leo Robin et Ralph Rainger, auxquels il fera appel très souvent par la suite (Robin saura d’ailleurs toujours tailler des succès « sur mesure » pour Crosby).

La Paramount peut s’enorgueillir d’une nouvelle star, qu’elle s’attache aussitôt par contrat ; une association exceptionnellement longue, qui durera plus de vingt ans ! Crosby sera toutefois « prêté » de temps à autre à des firmes concurrentes. Ainsi, dès 1933, il est déjà si célèbre que Marion Davies le veut comme partenaire dans Au pays du rêve (Going Hollywood). Mais le crooner de charme n’est pas à son avantage parmi les fastes de la MGM, pas plus que ne lui convient la sensualité quelque peu morbide de « Temptation » ; il est plus à l’aise avec « Beautiful Girl », une mélodie alerte de Nacio Herb Brown et Arthur Freed.

Toutes les comédies musicales de la Paramount où Crosby tient la vedette sont à peu près bâties sur le même modèle. Une intrigue sentimentale menée sans grande conviction, les inévitables numéros comiques et enfin quelques airs à succès, placés au bon moment. De fait, si l’on se souvient encore de La Grande-Duchesse et le garçon d’étage (Here Is My Heart) et de She Loves Me Not, deux films de 1934, c’est surtout grâce à « June in January » et à « Love in Bloom », deux chansons de Robin et Rainger interprétées par Bing Crosby. On peut en dire autant de La Chanson à deux sous (Pennies from Heaven), un musical de 1936. En 1937, l’Oscar de la meilleure chanson est attribué à « Sweet Leilani », l’un des airs à succès de Bing dans L’Amour à Waikiki (Waikiki Wedding). Seule exception parmi ces œuvrettes banales – à peine sauvées de la médiocrité par la présence de Crosby – Anything Goes (1936), une adaptation malheureusement édulcorée du brillant succès de Cole Porter. C’est ainsi que toute allusion à la cocaïne a été bannie de « I Get a Kick Out of Y ou », chanté par la grande Ethel Merman, dont la fougue fait merveille face à la décontraction de Bing lorsqu’ils interprètent en duo « You’re the Top ». Néanmoins le film reste truffé de sous-entendus savoureux notamment dans le classique « Sailor Beware », chanté par Crosby.

Un succès comique inattendu

La carrière de Crosby semble alors toute tracée et dépourvue du moindre risque : en ce qui le concerne il est prêt à continuer à tourner deux films à succès par an, tout en amassant une confortable fortune grâce au disque et à la radio. Mais, en 1940, la Paramount inaugure une formule originale avec En route vers Singapour (Road to Singapore) ; le chanteur de charme numéro un y partage la vedette avec le fantaisiste Bob Hope et la reine de l’exotisme Dorothy Lamour. A dire vrai, la firme compte plus sur l’abondance de stars que sur les subtilités du scénario pour attirer le public. Quelque peu livrés à eux-mêmes, Crosby et Hope vont s’adonner sur le plateau à des improvisations irrésistibles. Toute l’équipe est en joie, mais le producteur Don Hartman croit devenir fou… Le succès est tel que la Paramount décide d’en faire une série. « Le plus joyeux trio d’Amérique » poursuivra ses aventures loufoques dans six autres films.

Avec ce succès inattendu, Crosby figure désormais en bonne place au box-office. Signe indiscutable de cette consécration, le 7 avril 1941, il a les honneurs de la couverture du magazine Time. Pourtant, il n’est pas encore au sommet de sa carrière. En 1942, il tourne avec Fred Astaire dans L’Amour chante et danse (Holiday Inn), où il a comme partenaires féminines Marjorie Reynolds et Virginia Dale. De toutes les chansons composées pour le film par Irving Berlin, l’une deviendra un immortel succès : « White Christmas », une mélodie sentimentale et nostalgique, facile à retenir, deviendra l’un des disques les plus vendus dans le monde entier, et la chanson fétiche de Bing Crosby.

L’Oscar, récompense suprême

En 1944, Leo McCarey, l’un des maîtres de la comédie américaine, offre à Bing Crosby un rôle en or, celui du jeune prêtre catholique impulsif, idéaliste et primesautier de La Route semée d’étoiles (Going My Way). Pour sauver du péché sa paroisse misérable, le père O’Malley déploie une énergie et une ingéniosité inlassables, face au vieux curé irascible attaché à la tradition (mais qui cache un cœur d’or sous des dehors bougons) incarné par Barry Fitzgerald. Cet acteur irlandais formé à l’Abbey Theatre fait ici une remarquable composition, « volant » même parfois plus d’une scène à la vedette Crosby. Il n’est évidemment pas question ici d’intrigue sentimentale, encore que Risë Stevens, étoile du Metropolitan Opera, laisse échapper de langoureuses œillades en direction du séduisant prêtre chantant. Grâce au talent de Leo McCarey, qui a su éviter habilement l’écueil d’un sentimentalisme peut-être excessif, le film reste toujours drôle et savoureux. Le succès sera total, tant auprès du public qu’auprès des critiques et le film battra tous les records d’Oscars de l’année : un pour Crosby (meilleur acteur principal), un pour Barry Fitzgerald (meilleur second rôle), un pour McCarey (meilleur réalisateur), sans oublier l’Oscar du meilleur film de l’année et celui de la meilleure chanson (« Swinging on a Star »).

Après un tel triomphe, on envisage évidemment une suite, ce sera Les Cloches de Sainte-Marie (The Bells of St. Mary’s, 1945), toujours avec Barry Fitzgerald. Le père O’Malley est ici confronté – cruelle tentation – au charme de sœur Benedict (Ingrid Bergman) et de sa troupe de gracieuses novices.

Crosby est alors très demandé, mais les films qu’on lui propose sont loin de valoir La Route semée d’étoiles. Immédiatement après ce grand succès, il tourne Here Come the Waves, une comédie musicale assez insignifiante dont on ne retiendra qu’une chanson d’Harold Arlen et Johnny Mercer : « Accentuate the Positive ». Après Les Cloches de Sainte-Marie, il retrouvera encore Barry Fitzgerald dans Le Docteur et son toubib (Welcome Stranger, 1947), où ils incarnent deux pittoresques médecins de campagne. Puis on les verra en policiers dans Top o’ the Moring (1949), qui mettra heureusement fin à la série avant que le filon ne soit usé jusqu’à la corde…

Des films plus ambitieux

En 1948, Crosby trouvera à nouveau un rôle à sa mesure avec La Valse de l’empereur (The Emperor Waltz), une comédie rutilante et pleine d’humour de Billy Wilder. Il y incarne un dynamique représentant en phonographes qui tente sa chance à la cour d’Autriche, où il séduit une comtesse altière (Joan Fontaine). Mais l’aristocratique chienne de sa belle (caniche de puce race) aura auparavant succombé au charme plébéien de son propre compagnon à quatre pattes, un foxterrier au pedigree plus que douteux, qui rappelle irrésistiblement la célèbre mascotte de « La Voix de son maître ».

Les plus grands metteurs en scène apprécient alors l’aisance et l’humour de Crosby, ainsi que sa capacité d’improvisation. Frank Capra le dirige dans Jour de chance (Riding High, 1950), une comédie qui a pour cadre le monde hippique, puis dans Si l’on mariait papa (Here Comes the Groom, 1951), où il lui donne un rôle de journaliste. En 1954, c’est l’édifiant Noël blanc (White Christmas) de Michael Curtiz, où il incarne un chanteur connu qui aide un vieux compagnon en détresse. On n’oubliera pas non plus son émouvante interprétation d’alcoolique dans Une Fille de la province (Country Girl, 1954) de George Seaton, qui lui vaudra d’être candidat à l’Oscar.

Ainsi dans les années 1950, Crosby est parvenu à se débarrasser de son étiquette lénifiante de chanteur de charme. Grâce à son talent, bien sûr, mais aussi parce-que la Paramount a désormais sous contrat un nouveau talent prometteur, Dean Martin, dont la voix suave est fort appréciée.

Une brillante fin de carrière

Après une brillante fin de carrière, Crosby saura faire ses adieux à l’écran avec dignité. Pour son dernier film,  La Diligence vers l’Ouest (Stagecoach, 1966), un remake de La Chevauchée fantastique, il reprendra avec panache le rôle du médecin alcoolique, tenu par Thomas Mitchell dans la première version de John Ford. Il fera ensuite des apparitions comme invité d’honneur dans des émissions télévisées. Toujours à la télévision, il interprète en 1971 Dr Cook’s Garden, où il incarne un médecin de province partisan d’une euthanasie charitable. Le golf a toujours été la grande passion de Bing Crosby. C’est au cours d’une partie à Madrid en 1977 qu’il succombe d’une crise cardiaque, laissant sept enfants et une veuve, l’actrice Kathryn Grant.

En tant que chanteur, Crosby a été le successeur de Rudy Vallee qui, s’aidant d’un mégaphone, séduisait les « flappers » des années 1920. Son style tout à fait nouveau, tout de nonchalance et de décontraction, est en totale rupture avec celui des grandes vedettes de l’époque, comme Al Jolson ou Morton Downey. Il ne sera détrôné que par Frank Sinatra, plus suave et plus sentimental, qui va devenir l’idole d’une autre génération. Mais les fans de Crosby ont été plus nombreux et d’âge plus divers que ceux de Sinatra. Quant à son très grand talent musical, il en fera la démonstration éclatante en enregistrant un morceau aussi complexe et difficile que « Ballad for Americans » dans le temps record de 45 minutes, alors qu’il avait fallu au grand Paul Robeson une journée entière !


HOLIDAY INN (L’Amour chante et danse) – Mark Sandrich (1942)
En 1942, l’Amérique en guerre fait un triomphe à cette comédie musicale qui exalte les valeurs nationales, et associe trois des plus grands noms du genre.

WHITE CHRISTMAS (Noël blanc) – Michael Curtiz (1954)
L’automne 1954 a sans doute été une période difficile pour les responsables de la comédie musicale à la MGM. Non que leurs productions de l’année, comme Brigadoon ou Seven Brides for Seven Brothers (Les Sept Femmes de Barbe-Rousse), aient été des échecs. Mais tout d’un coup, deux concurrents semblent vouloir saper leur suprématie sur le genre musical. 

HIGH SOCIETY (Haute société) – Charles Walters (1956)
Signé par le vétéran Charles Walters, ce film de 1956 joue la carte du glamour en réunissant deux chanteurs de légende et une future princesse, le tout sur des airs inédits du grand Cole Porter.


FRANK SINATRA
Frappé d’ostracisme par Hollywood et les sociétés de disques, abandonné même par ses agents, Sinatra, dans le début des années 50, faillit bien être mis aux oubliettes du monde du spectacle. Il ne fallut qu’un film, et un Oscar, pour le conduire au sommet de la gloire.  

FRED ASTAIRE
La longue carrière de Fred Astaire est désormais entrée dans la légende ; son exceptionnel génie de danseur ne l’a toutefois pas empêché d’être aussi un excellent acteur.



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