Le Film étranger

SAFE IN HELL (La Fille de l’enfer) – William A. Wellman (1931)

Call-girl à la Nouvelle-Orléans, Gilda (Dorothy Mackaill) pensait avoir touché le fond en offrant ses « services » à des hommes. Mais lorsque le client qui se présente à elle est l’homme responsable de sa disgrâce, Gilda est prise d’une rage meurtrière. Recherchée pour assassinat et en cavale, elle trouve refuge dans les bras d’un marin (Donald Cook) qui va la conduire malgré elle en enfer…

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SAFE IN HELL (La Fille de l’enfer) – William A. Wellman (1931) avec Dorothy Mackaill, Donald Cook, Ralf Harolde

William Wellman, de par son héritage cinématographique au style singulier et provocateur, incarne un cinéaste emblématique de l’Hollywood Pré-Code. Au contraire de ses pairs, ils n’hésitaient pas à s’attaquer à des sujets aussi tabous que la prostitution ou l’addiction aux drogues et ses films Pré-Code dépeignent systématiquement des figures masculines – comme féminines – aux situations désespérées. Il nous propose dans Safe in Hell un classique du genre, aussi saisissant aujourd’hui qu’il fut il a neuf décennies.

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SAFE IN HELL (La Fille de l’enfer) – William A. Wellman (1931) avec Dorothy Mackaill, Donald Cook, Ralf Harolde

À propos de Safe in Hell, « c’est un film zozo » s’exclame Bertrand Tavernier, venu présenter la rétrospective William Wellman dans le cadre du festival Lumière, organisé à Lyon par l’Institut Lumière, en 20111, que le cinéaste préside. Zozo, on ne saurait dire mieux à propos de ce film Pré-Code, ainsi dénommé parce qu’il a été tourné en 1931, soit trois ans avant l’instauration d’un code de censure, imposé aux producteurs par Will Hays et Joseph Breen. Autant dire qu’en 1931, on peut parler librement de prostitution, de sexe, de désir, autant de sujets qui débordent littéralement dans ce fabuleux film qui s’ouvre sur les jambes gainées de bas de Dorothy Mackaill, négligemment posées sur un bureau. Tavernier soulignait à juste titre, en préambule, combien Bill Wellman, malgré sa réputation de macho, savait filmer ses actrices. Celles-ci font facilement le coup de poing, comme on le voit dans Wild Boys on the Road et également dans ce Safe in Hell. Ce sont des dures, frappées par la vie mais qui ne s’en laissent pas conter.  [Jean-Charles Lemeunier- Versus (Le blog de la revue de cinéma Versus) blog.revueversus.com (10/2011)]

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SAFE IN HELL (La Fille de l’enfer) – William A. Wellman (1931) avec Dorothy Mackaill, Donald Cook, Ralf Harolde

Des jambes de Dorothy Mackaill à sa situation dans la vie, le spectateur a vite fait de comprendre. Quand la jolie blonde se retrouve en présence de celui qui l’a précipitée sur le trottoir (façon de parler, elle est davantage call girl), elle le tue accidentellement. Pour fuir une condamnation certaine, elle se réfugie sur une petite île qui refuse les extraditions et sur laquelle vivent de sombres individus tous plus déjantés les uns que les autres. Wellman signe là une belle galerie de portraits à l’eau-forte, mettant beaucoup d’acide dans sa description des personnages…  [Jean-Charles Lemeunier- Versus (Le blog de la revue de cinéma Versus) blog.revueversus.com (10/2011)]

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SAFE IN HELL (La Fille de l’enfer) – William A. Wellman (1931) avec Dorothy Mackaill, Donald Cook, Ralf Harolde

Dans ce récit, Wellman mêle adroitement l’humour et la désillusion et nous surprend par la chute. Safe in Hell, dont le titre rappelle la condition de l’héroïne, saine et sauve, certes, mais dans un enfer insulaire, ne souffre d’aucune ride, malgré son âge. Un souffle de liberté embarque les personnages et, avec eux, le spectateur. En 1931, le cinéma parlant n’a que deux ans d’existence et les films de cette époque sont très souvent bavards. Rien de tel ici : au contraire, Wellman a de formidables idées de plans, tel ce gimmick : chaque fois que Dorothy Mackaill sort de sa chambre, les cinq pensionnaires tordus de l’hôtel où elle réside placent leurs chaises face à l’escalier et s’installent confortablement pour jouir du spectacle. Détail qui tue : ils prennent soin de s’allonger pour mettre en avant ce qu’ils cachent sous leurs braguettes. [Jean-Charles Lemeunier- Versus (Le blog de la revue de cinéma Versus) blog.revueversus.com (10/2011)]

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ON SET – SAFE IN HELL (La Fille de l’enfer) – William A. Wellman (1931) avec Dorothy Mackaill

Wellman signe avec ce Pré-Code un mélodrame puissant au parfum de tragédie inéluctable. Cette tragédie pèse au-dessus de notre héroïne Gilda dont tous les rebondissements semblent vouer au malheur et à la perdition. Le film s’ouvre de façon fort crue où on découvre Gilda prostituée en route vers la chambre de son prochain client. La rencontre avec ce dernier va s’avérer explosive car il s’agit de Piet Van Saal (Ralf Harolde) le responsable de sa condition. Elle fut auparavant sa maîtresse et lorsque son épouse découvrit la liaison, la fit renvoyer et interdire d’embauche dans toute la ville ce qui la contraignit à vendre son corps. [Chroniques du cinéphile Stakhanoviste – chroniqueducinephilestakhanoviste.blogspot.fr (05/2013)]

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SAFE IN HELL (La Fille de l’enfer) – William A. Wellman (1931) avec Dorothy Mackaill, Donald Cook, Ralf Harolde

Toute cette amertume et colère ressurgit donc face à cet homme qui souhaite une nouvelle fois profiter d’elle et dans un accès de colère elle le tue accidentellement. Recherchée par la police, Gilda trouve le salut dans son amour de toujours, le marin Carl (Donald Cook) qui va lui pardonner ses errances et la sauver. Le refuge se trouvera dans une île des Caraïbes empêchant l’extradition et où ils pourront se marier.  [Chroniques du cinéphile Stakhanoviste – chroniqueducinephilestakhanoviste.blogspot.fr (05/2013)]

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SAFE IN HELL (La Fille de l’enfer) – William A. Wellman (1931) avec Dorothy Mackaill, Donald Cook, Ralf Harolde

Plutôt qu’un refuge ce cadre sera celui de l’expression définitive de l’aura de malheur qui poursuit Gilda. Le script manifeste cela dans ses situations (le mariage avorté mais improvisé dans une très jolie scène), par la symbolique (Gilda observant de nombreuses fois l’horizon déserte comme condamnée sur cette île) et bien sûr par l’environnement de plus en plus délétère des lieux. L’île est en effet le repère de divers criminels en fuite qui vont autant éveiller les bas-instincts de Gilda que la confronter à leurs désirs libidineux.
[Chroniques du cinéphile Stakhanoviste – chroniqueducinephilestakhanoviste.blogspot.fr (05/2013)]

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SAFE IN HELL (La Fille de l’enfer) – William A. Wellman (1931) avec Dorothy Mackaill, Donald Cook, Ralf Harolde

Dorothy Mackaill est aussi fragile que provocante dans le regard de Wellman qui l’érotise à merveille (première apparition affolante en bas et nuisette, son changement de tenue lorsqu’elle s’apprête à se mêler à ses voisins) tout en faisant de ses atouts l’instrument de son malheur à travers une pureté, une virginité qu’on lui refuse de retrouver. Le titre du film s’avère explicite et l’île un ersatz confiné de l’enfer que représente le monde pour ses âmes perdues, peuplées de monstres à l’image de l’ignoble bourreau incarné par Morgan Wallace. Gilda retrouvera pourtant sa dignité tout en disant définitivement adieu au bonheur dans une conclusion poignante où Dorothy Mackaill définitivement libérée de ses afféteries s’abandonne enfin totalement. Son funeste sort final fait presque figure de libération dans l’ultime plan filmé par Wellman, la laissant enfin apaisée dans sa marche vers l’oubli.  [Chroniques du cinéphile Stakhanoviste – chroniqueducinephilestakhanoviste.blogspot.fr (05/2013)]

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Les extraits
Fiche technique du film

 

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