Maître du mélodrame américain, Douglas Sirk a laissé une œuvre marquée par un style baroque d’une très grande originalité. Mais sa première période allemande, peu connue, mérite d’être redécouverte. Achevée en 1959, la carrière américaine de Douglas Sirk n’avait guère attiré , l’attention des critiques anglo-saxons, qui avaient pris l’habitude, contrairement à leurs collègues français, de considérer ses films avec le plus complet dédain. Leur revirement n’en fut que plus spectaculaire. Le début des années 70 vit en effet la parution d’un remarquable ouvrage d’entretiens réalisés par Jon Halliday, « Sirk on Sirk », la publication d’un numéro spécial de la revue Screen (été 1971), ainsi qu’une importante rétrospective au Festival du film d’Edimbourg, en 1972.

ON SET – ALL THAT HEAVEN ALLOWS (Tout ce que le ciel permet, 1955) – Douglas Sirk et Jane Wyman
Jusqu’alors, la critique anglo-saxonne avait pour principe de négliger une production hollywoodienne condamnée en bloc en raison de ses dépendances économiques et commerciales, en faveur des films d’auteurs européens. En outre, cette critique témoignait d’une vive inclination pour les œuvres à caractère misérabiliste et social. Dans ces conditions, les films de Douglas Sirk ne pouvaient lui inspirer qu’une indifférence teintée de mépris. Comment prendre au sérieux, en effet, un cinéaste qui, de son plein gré, travaillait aussi souvent avec un acteur comme Rock Hudson, et qui semblait parfaitement se satisfaire d’un genre aussi « subalterne » et aussi manifestement « commercial » que le mélodrame familial et bourgeois ? Malheureusement, cette critique anglo-saxonne faisait ainsi la preuve de sa méconnaissance de la spécificité du discours cinématographique, du pouvoir éminemment créateur de la mise en scène, et des immenses possibilités formelles offertes par le mélodrame.

IMITATION OF LIFE (Mirage de la vie) – Douglas Sirk (1959) avec Lana Turner, John Gavin, Sandra Dee, Juanita Moore, Susan Kohner
La période allemande
La découverte des films de Douglas Sirk revient à la critique française qui, François Truffaut et Jean-Luc Godard en tête, fut très tôt attentive aux questions de style et mit en relief les qualités exceptionnelles d’un cinéaste comme Douglas Sirk. Les travaux de la critique française, ainsi que sa propagande inlassable en faveur de la réhabilitation des genres traditionnels hollywoodiens, finirent à la longue par influencer l’opinion britannique et américaine, jusqu’à ce fameux revirement du début des années 70. Sensibles à leur tour aux aspects proprement stylistiques de l’œuvre de Sirk, les critiques anglo-saxons firent en outre intervenir des arguments d’ordre idéologique, d’inspiration généralement marxiste. Prêtant à Douglas Sirk une attitude gauchisante lors de sa première période allemande (ce qui reste tout de même à démontrer), ils virent alors en lui un contempteur impitoyable de la bourgeoisie américaine et trouvèrent à ses mélodrames des vertus prophétiques : les tensions sociologiques qui, en Amérique, avaient éclaté au carrefour des années 60 et 70, étaient déjà exprimées, selon eux dans certains de ses films des années 50. Et c’est toute son œuvre qui allait, dès lors, faire l’objet d’une étude passionnée.

WRITTEN ON THE WIND (Écrit sur du vent) – Douglas Sirk (1956) – Lauren Bacall, Rock Hudson, Robert Stack, Dorothy Malone
De son vrai nom Hans Detlef Sierck, Douglas Sirk est né au Danemark, le 26 avril 1900. Il étudia le droit, la philosophie et l’histoire de l’art, tant à Copenhague qu’en Allemagne, et fut journaliste durant une brève période avant de se lancer dans le théâtre, en 1920.

MAGNIFICENT OBSESSION (Le Secret magnifique) Douglas Sirk (1955) – Jane Wyman, Rock Hudson
Cette période de la vie de Sirk, ou plutôt Sierck, demeure mal connue. Un entretien accordé aux Cahiers du cinéma, en 1967, n’a fait qu’embrouiller les pistes, ou du moins n’a pas apporté toute la lumière désirable. Voici ce qui semble à peu près sûr : d’abord metteur en scène de théâtre (et acteur) à Hambourg, puis directeur de théâtre à Chemnitz, et metteur en scène à Brême, Sierck devint ensuite « intendant » du théâtre d’État de Leipzig, où il resta, selon ses dires, « jusqu’en 1935 ou 1936, année où l’on me nomma producteur-metteur en scène du théâtre d’Etat de Berlin ». Pour des raisons qu’il ne dit pas, la chose finalement ne se fit pas, mais, ajoute-t-il : « Puisque les nazis arrivaient au pouvoir, je me tournai vers le cinéma. » Propos doublement étonnants, car, en 1936, Hitler était déjà au pouvoir depuis trois ans, et d’autre part, la mainmise de Goebbels sur le cinéma n’était pas moindre que sur le théâtre, au contraire.

DAS MÄDCHEN VOM MOORHOF (La Fille des marais) – Detlef Sierck (futur Douglas Sirk) 1935 – Hansi Knoteck, Ellen Frank
Ses souvenirs deviennent plus précis avec son premier film pour l’UFA, April, april ! (1935), qu’il décrit dans « Sirk on Sirk », comme un film dont il aurait également coréalisé une version hollandaise, et qui était une comédie jouée par Carola Höhn, une des vedettes du cinéma du III Reich. La même année, ce fut une adaptation d’un roman célèbre de Selma Lagerlöf, Das Mädchen vom Moorhof. Écoutons encore Sierck : « Le film avait pour cadre les landes du nord de l’Allemagne. Il eut énormément de succès et l’on en fit, je crois, un remake ou deux. » (Effectivement, Gustav Ucicky en tourna une nouvelle version en 1958.)

HITLER’S MADMAN – Douglas Sirk (1943) – John Carradine, Ava Gardner, Frances Rafferty, Natalie Draper, Leatrice Joy Gilbert
Dans une étude, parue en France dans Cinéma 64 et consacrée au cinéma allemand au service du nazisme. Helmut Blobner et Herbert Holba écrivent : « On commença la production des films Blut und Boden (Sang et Terre) dont le but essentiel était l’exaltation du type germanique… Par exemple, dans Das Mädchen vom Moorhof, les dialogues surajoutés n’étaient pas goût de la romancière. » Il fut en tout cas impossible d’en juger en France, où le film demeura inédit, tout comme celui que Sierck réalisa ensuite, Slützen der gesellschaft (1935). On y retrouvait une inspiration nordique, puisqu’il s’agissait cette fois d’une pièce norvégienne d’Ibsen, tournée dans une île danoise, avec Heinrich George dans le rôle principal. Ce film serait sans doute plus intéressant à redécouvrir que le suivant, Das Hofkonzert (1936).

ZU NEUEN UFERN (Paramatta, bagne de femmes) – Detlef Sierck (futur Douglas Sirk) 1937 – Zarah Leander, Willy Birgel
Réalisée en double version, allemande et française (celle-ci par Serge de Poligny. sous la supervision de Raoul Ploquin), et baptisée chez nous La Chanson du souvenir, cette histoire de principauté imaginaire et de cantatrice amoureuse, à la recherche d’un père disparu, ne se distingue en rien des innombrables opérettes filmées que l’UUFA produisait alors en série. Martha Eggerth, chanteuse très populaire, était la vedette des deux versions, et son style de « rossignol viennois » (encore qu’elle fût Hongroise) devait y faire merveille.
Avec Zarah Leander
C’est avec Schlussakkord (La Neuvième symphonie, 1936) que Detlef Sierck semble avoir manifesté pour la première fois ce style cinématographique dont l’élégance lyrique s’épanouira plus tard aux Etats-Unis. Ce beau mélodrame interprété par Willy Birgel et Lil Dagover fut aussitôt suivi de ses deux films allemands les plus aboutis : Zu neuen Ufern (Paramatta, bagne de femmes, 1937) et La Habanera (1937). Tous deux avaient pour vedette la fameuse chanteuse suédoise Zarah Leander, qui, dans l’Allemagne de Hitler, avait pris la place laissée vacante par le départ de MarIene Dietrich. Faut-il penser, avec Francis Courtade et Pierre Cadars dans leur « Histoire du cinéma nazi », que Paramatta, bagne de femmes anticipait sur le discours du Führer qui, en 1941, proclamait que « les Britanniques ont créé dans leur empire un système d’oppression et d’exploitation comme il n’en existe nulle part ailleurs » ? Le récit, situé en Australie vers 1840, peut paraître, après coup, chargé d’un tel sens, mais rien ne prouve qu’un tel propos entrât dans les intentions des auteurs. En tout cas le film (où apparaissait Curd Jürgens, alors à ses débuts, et où se retrouvait Carola Höhn) connut un grand succès, tout comme La Habanera où Zarah Leander créait sa chanson la plus célèbre, « Der Wind hat mir ein Lied erzählt » (« Le vent m’ a dit une chanson »). Les deux films bénéficiaient d’un scénario soigné, surtout le second, écrit par Gerhard Menzel, qui fut sans doute le meilleur scénariste du IIIe Reich (il écrivit tous les grands succès de Gustav Ucicky).

LA HABANERA – Detlef Sierck (futur Douglas Sirk) 1937 – Zarah Leander
Sur ces deux réussites prend fin la carrière allemande de Detlef Sierck. Lui-même a raconté que le succès de Paramatta, bagne de femmes lui valut un contrat de la Warner Bros, pour qui il aurait tourné un remake du film, demeuré inédit en raison de l’entrée en guerre des Etats-Unis. Comme l’indique Patrick Brion et Dominique Rabourdin dans leur bio-filmographie de Douglas Sirk, cette version américaine a échappé à « tous les index et catalogues de copyrights américains », et on peut se demander si elle a été vraiment menée à bien.

STÜTZEN DER GESELLSCHAFT (Les Piliers de la société) – Detlef Sierck (futur Douglas Sirk) 1935 – Heinrich George, Maria Krahn
Les propos de Douglas Sirk sur cette période sont particulièrement confus. Il prétend avoir fui l’Allemagne nazie en 1937, « à la fin de l’année », mais comment se fait-il alors qu’on trouve son nom en tant qu’acteur au générique d’un film de 1939, Sehnsucht nach Afrika (Nostalgie africaine), long métrage d’exploration que commentent longuement dans leur ouvrage Courtade et Cadars ? Ce qui est certain, c’est qu’après La Habanera on retrouve Sierck en France, où lui-même assure avoir écrit des scénarios pour Lourau, le producteur de Filmsonor dont les liens avec le cinéma allemand étaient étroits. Les travaux de l’historien suisse Rémy Pithon ont permis d’établir aussi la part prise par le cinéaste à Accord final (1939), film français réalisé à Genève par un producteur – nommé Rosenkrantz et qui signa l’œuvre sous le pseudonyme de I.R. Bay. Il semble à peu près acquis que le rôle de Detlef Sierck sur ce film n’ait pas dépassé les limites classiques de l’emploi de superviseur. Il s’agit d’ailleurs d’un film d’une certaine qualité, mais il faut se forcer pour y trouver la préfiguration des grandes réussites du futur Douglas Sirk.

A SCANDAL IN PARIS (Scandale à Paris) – Douglas Sirk (1943) – George Sanders, Signe Hasso, Carole Landis, Akim Tamiroff
Enfin, toujours en 1939, après Accord final, le cinéaste passe en Hollande (vers la même époque, des cinéastes comme Ophüls, Berger ou Gréville ont aussi tourné aux Pays-Bas des films dont on ne sait pas grand-chose). Il y réalise Boefje, ce qui, en argot néerlandais, signifie « petit vagabond ». Toujours selon Sierck : « Quand le film fut tourné et que nous commençâmes le montage, les Allemands envahirent la Hollande et j’eus tout juste le temps de m’embarquer pour les Etats-Unis. Ce fut d’ailleurs une évasion très dramatique … »

ACCORD FINAL – Ignacy Rosenkranz, Douglas Sirk en supervisa la réalisation. (1943) – Jules Berry, Georges Rigaud, Käthe von Nagy, Josette Day
Malheureusement, nous n’en saurons pas davantage. Sur cette dernière obscurité prend donc fin une longue période d’activité dont le bilan demeure inégal. Mais si Detlef Sierck était mort en Hollande en 1940, sa place dans l’histoire du cinéma allemand n’en aurait pas moins été assurée grâce, au moins, à ces trois superbes mélodrames que sont Accord final, Paramatt, bagne de femmes et La Habanera.
Sirk à I’Universal
Mais Detlef Sierck ne mourut pas, et se contenta d’une métamorphose minime. Il devint Douglas Sirk, cinéaste américain dont l’œuvre devait peser un jour d’un grand poids. Celle-ci devait commencer par un film, antinazi bien sûr, consacré à l’Allemagne hitlérienne : Hitler’s Madman (ou Hitler’s Hangman, 1943). Ce film, que Jean Tulard qualifie d' »extraordinaire », montre l’assassinat de Heydrich en Tchécoslovaquie, tout comme Hangmen Also Die (Les Bourreaux meurent aussi, 1943) de Fritz Lang, qui l’éclipsa complètement. Heydrich y était incarné par l’excellent John Carradine, tandis qu’Ava Gardner, débutante, traversait le film un bref instant.

THERE’S ALWAYS TOMORROW (Demain est un autre jour ) – Douglas Sirk (1956) – Barbara Stanwyck, Fred MacMurray, Joan Bennett
Après cette première œuvre réalisée pour la MGM, Douglas Sirk tourna plusieurs films à petit budget, pour diverses compagnies. On doit mentionner au moins : Summer Storm (L’Aveu, 1944). adapté du « Duel » de Tchekhov, A Scandal in Paris (1946), évocation pleine de verve et de fantaisie de la vie de Vidocq (incarné magnifiquement par George Sanders), Lured (Des filles disparaissent, 1947), remake de Pièges (1939) de Robert Siodmak, où l’on remarquait Boris Karloff dans le rôle du couturier fou créé par Stroheim dans la version française d’origine, et Sleep My Love (L’Homme aux lunettes d’écaille, 1947), ainsi que Schockproof (Jenny, femme marquée, 1948).

ALL THAT HEAVEN ALLOWS (Tout ce que le ciel permet) – Douglas Sirk (1955) – Jane Wyman, Rock Hudson
Ensuite, Sirk se fixa définitivement à l’Universal : et c’est là, avec des producteurs comme Ross Hunter, Albert S. Zugsmith ou Robert Arthur, que Douglas Sirk eut la possibilité de réaliser ses fameux mélodrames. Avec Magnificent Obsession (Le Secret magnifique, 1954), All That Heaven Allows (Tout ce que le ciel permet, 1955), Written on the wind (Ecrit sur du vent, 1956), The Tarnished Angels (La Ronde de l’aube, 1957), A Time to Love and a Time to Die (Le Temps d’aimer et le temps de mourir, 1958) et Imitation of Life (Mirage de la vie, 1959), Douglas Sirk a justifié, en effet, la renommée internationale dont il jouit aujourd’hui : Rainer Werner Fassbinder lui a souvent rendu hommage et le considérait comme son seul maître.

ON SET – Douglas Sirk et Lana Turner – IMITATION OF LIFE (Mirage de la vie, 1959)
Autopsie de la société américaine
Douglas Sirk a fait observer que les formes dramatiques ont toujours constitué les meilleurs indices des tensions propres aux sociétés qui les ont produites. Il n’a d’ailleurs pas été le seul à exprimer à travers le mélodrame, la désintégration de la société américaine : Nicholas Ray et Vincente Minnelli l’ont fait également, et avec une grande réussite, mais certainement de façon moins consciente. En effet, chez Sirk, les canons mélodramatiques sont exploités jusqu’au paroxysme, et cela de la manière la plus délibérée, atteignant une stylisation qui n’est pas sans rappeler l’expressionnisme allemand.

THE TARNISHED ANGELS (La Ronde de l’aube) – Douglas Sirk (1958) – Rock Hudson, Robert Stack, Dorothy Malone, Jack Carson
Cette tendance est manifeste dans certaines séquences de deux des films les plus aboutis de Douglas Sirk, Written on the winds et The Tarnished Angels. Dans chacun de ces films, le paroxysme provient de l’association de deux lignes dramatiques distinctes, dont l’une est généralement fondée sur le désir sexuel. Ainsi dans Written on the winds, la fille (Dorothy Malone) d’une riche famille de pétroliers est éprise d’un ami de son frère, Mitch Wayne (Rock Hudson), lequel, de son côté, éprouve une vive inclination pour l’épouse (Lauren Bacall) dudit frère. La fille, Marylee, est ramenée chez elle par la police : capricieuse et quasi nymphomane, elle avait entraîné un employé de son père dans un motel. Son père (Robert Keith) confie à Mitch sa déception au sujet de ses deux enfants, puis démoralisé, gravit l’escalier qui domine la demeure familiale. Sa montée est entrecoupée par une scène dans laquelle Marylee, dans sa chambre, met un disque et se livre à un véritable numéro de strip-tease devant la photo de Mitch. Le rythme de l’association dramatique grandit jusqu’à ce que le père, arrivé en haut de l’escalier, soit terrassé par une crise cardiaque et s’effondre.

A TIME TO LOVE AND A TIME TO DIE (Le Temps d’aimer et le Temps de mourir) – Douglas Sirk (1958) – John Gavin, Liselotte Pulver
Dans The Tarnished Angels, adaptation du célèbre roman de William Faulkner. « Pylone », l’intérêt que témoigne un journaliste (Rock Hudson) envers une équipe de cascadeurs spécialisés clans l’acrobatie aérienne est directement lié au désir que lui inspire l’épouse (Dorothy Malone) de l’un des pilotes (Robert Stack), qui la néglige d’ailleurs. Pendant un bref instant déterminé par des sentiments plutôt ambigus le journaliste et la jeune femme se trouvent réunis dans une pièce. La scène est associée aux images du carnaval de la Nouvelle-Orléans ; et juste au moment où le couple va s’embrasser, les fêtards font irruption dans la pièce, conduits par un personnage déguisé en squelette…

BATTLE HYMN (Les Ailes de l’espérance) – Douglas Sirk (1956) – Rock Hudson, Anna, Kashfi, Dan Duryea, Don DeFore, Martha Hyer
Dans les mélodrames de Douglas Sirk, c’est souvent la bourgeoisie qui est le théâtre d’une désintégration qui affecte ses structures idéologiques les mieux établies. Ce caractère d’analyse de classe est particulièrement sensible dans un film comme AlI That Heaven Allows, où une veuve de milieu très conformiste, Cary Scott (Jane Wyman), s’éprend d’un homme issu d’une classe sociale beaucoup plus modeste, le jardinier Ron Kirby (Rock Hudson), et cela au grand scandale de ses enfants et de ses amis. Mais dans ce film, comme un peu plus tard dans Imitation of Life, les oppositions et les tensions thématiques débordent le cadre strict du récit pour se manifester de façon purement cinématographique et visuelle. C’est cette démarche profondément baroque, portée par une véritable pensée cinématographique, qui a permis à Douglas Sirk de créer son propre style.

WRITTEN ON THE WIND (Écrit sur du vent) – Douglas Sirk (1956) – Lauren Bacall, Rock Hudson, Robert Stack, Dorothy Malone
Après Imitation of Life, Sirk ne tournera plus jamais de films à Hollywood. Il retournera en Allemagne où, reprenant son vrai nom de Detlef Sierck, il signera d’importantes mises en scène théâtrales : « Cyrano de Bergerac » de Rostand, en 1963, « Le roi se meurt » de Ionesco, en 1964, « La Tempête » de Shakespeare, en 1965, « Le Parasite » de Schiller, en 1966, « L’Avare » de Molière, en 1967.

IMITATION OF LIFE (Mirage de la vie) – Douglas Sirk (1959) avec Lana Turner, John Gavin, Sandra Dee, Juanita Moore, Susan Kohner
Parallèlement, il enseignera également, à partir de 1975, dans une école de cinéma de Munich. Il y réalisera, avec ses étudiants, plusieurs films à caractère expérimental, tels que Sprich zu mir wie der Regen (1975), Sylvesfernacht (1977) et Bourbon Streets Blues (1978). Les formes du mélodrame y sont explorées de manière telle que certains critiques, comme le rappelle Jean Tulard, « ont cru (y) voir la quintessence d’une œuvre qui ne cessera de séduire par ses raffinements esthétiques ».
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