Les Actrices et Acteurs

MADELEINE RENAUD : LE FEU SACRÉ

Celle qui fut l’une des partenaires favorites de Jean Gabin a également été l’inspiratrice de deux monstres sacrés : Jean Grémillon pour le cinéma, et Jean-Louis Barrault pour le théâtre. Portrait de l’héroïne de Maria Chapdelaine et du Ciel est à vous.

Pour une enfant qui voit le jour en 1900 dans une belle demeure du XVIe arrondissement de Paris, l’avenir est tout tracé : après une scolarité suivie dans les établissements les plus respectables, viendra le moment de faire un « beau mariage ». Mais Madeleine Renaud en décidera autrement. Attirée par le théâtre, elle réussit le concours du Conservatoire d’art dramatique, voie royale qui la mène dès l’âge de vingt ans à la Comédie-Française. Elle y jouera longtemps les ingénues, avant de devenir la sociétaire la plus en vue de l’illustre maison.

Car, dès 1923, le cinéma la sollicite également : après des débuts modestes, Madeleine Renaud devient au début des années 1930 une vedette de l’écran, notamment grâce à La Belle Marinière, Le Tunnel et Maria Chapdelaine – trois films dans lesquels elle a pour partenaire un jeune premier du nom de Jean Gabin. Mais, très prise par le théâtre, l’actrice tournera relativement peu au cours de la décennie, réservant ses apparitions au cinéma à Jean Grémillon, dont elle devient l’actrice fétiche. Entre 1937 et 1944, le cinéaste lui offre ainsi quatre rôles d’exception : la comédienne sera l’épouse confiante de Raimu dans L’Etrange Monsieur Victor ; la rivale de Michèle Morgan dans Remorques ; l’aubergiste jalouse de Lumière d’été ; enfin, la mère de famille passionnée d’aviation du Ciel est à vous, où elle a Charles Vanel pour mari. Après quoi, Madeleine Renaud restera absente des écrans jusqu’en 1952, année où elle campe pour Max Ophüls la tenancière d’une maison close du film Le Plaisir. Car entretemps, un autre pygmalion est entré dans sa vie…

Séparée du comédien Charles Granval, dont elle a eu un fils, Madeleine Renaud rencontre en 1936 Jean-Louis Barrault, jeune acteur de théâtre en pleine ascension : remarqué au cinéma dans Drôle de drame, il sera quelques années plus tard le mythique Baptiste des Enfants du paradis. Également metteur en scène, Barrault entre bientôt à la Comédie-Française, où il dirige à plusieurs reprises celle qui devient son épouse en 1940. Leurs créations de Claudel ou de Giraudoux font grand bruit, mais l’actrice décide en 1946 de quitter le Français. Le couple monte alors la compagnie Renaud-Barrault, qui va devenir pour quatre décennies une grande référence du théâtre contemporain. Madeleine Renaud triomphe en particulier dans Oh, les beaux jours, pièce de Samuel Beckett qu’elle est la première à interpréter en France. Happée par une aventure qui transportera la compagnie du Théâtre Marigny à celui du Rond-Point, en passant par la scène nationale de l’Odéon et l’ancienne gare d’Orsay, l’actrice ne fera plus que de rares incursions au cinéma. Après une apparition dans Le Jour le plus long, elle incarne l’irrésistible « matriarche » du Diable par la queue, de Philippe de Broca, puis affronte Philippe Noiret et Annie Girardot dans La Mandarine, d’Edouard Molinaro. Filmée par Marguerite Duras dans l’adaptation de sa pièce Des journées entières dans les arbres, Madeleine Renaud tient en 1988 son dernier rôle à l’écran dans La Lumière du lac, aux côtés de Jean-Louis Barrault et Nicole Garcia. L’année suivante, elle décide de quitter également la scène, dont elle restera rune des figures légendaires. Madeleine Renaud s’est éteinte en septembre 1994, neuf mois après son époux Jean-Louis Barrault. [Collection Gabin – Remorques – Eric Quéméré (n°32 – 2006)]


REMORQUES – Jean Grémillon  (1941)
Marin dans l’âme, Grémillon chérissait la mer, qu’il avait déjà célébrée dans Gardiens de phare en 1928. Remorques, situé à la pointe de la Bretagne, du côté de Crozon, fut un film compliqué à faire : scénario remanié, tournage interrompu à cause de la guerre, etc. Il tangue un peu comme un rafiot. On y retrouve néanmoins ce lyrisme sobre qu’on aime tant. Au fond, Remorques est l’envers de Quai des brumes, auquel on pense forcément : point de « réalisme poétique » ici, plutôt une poésie réaliste, sans effets ni chichis. 

LUMIÈRE D’ÉTÉ – Jean Grémillon (1943)
Commençons par les femmes. Ni pin-up ni vamps chez Grémillon, mais des personnes à part entière, décidées, tourmentées. C’est vrai de Cri-Cri, ancienne danseuse devenue tenancière d’hôtel, ou de Michèle, jeune femme romantique venue là pour retrouver son amant. Ce marivaudage en altitude (les Alpes-de-Haute-Provence), hanté par le souvenir d’un crime, réunit des personnages à la dérive qui tentent de s’aimer.

LE CIEL EST À VOUS – Jean Grémillon (1944)
Le Ciel est à vous est le plus beau film d’un cinéaste un peu maudit, trop en avance sur son temps. Pionnier, Jean Grémillon l’était dans sa vision très moderne de l’amour, du couple. Et surtout de la femme, qui travaille activement dans cette histoire-ci, en assumant sa passion de l’aviation. Inspiré d’un exploit véridique de 1937, ce film tourné sous l’Occupation montre des gens simples qui se surpassent et s’accomplissent de manière audacieuse, en s’affranchissant de l’ordre moral. Sensible et optimiste, le film sait décoller du réalisme pour atteindre, avec sa poésie discrète, une forme de transcendance.


JEAN GRÉMILLON : L’amour du vrai
Le succès de Remorques, en 1941, devait constituer pour Jean Grémillon une revanche sur quinze ans de déboires.  Curieusement, c’est au cœur d’une des périodes les plus noires de notre histoire, que ce « cinéaste maudit » va pouvoir le mieux s’exprimer, et dans l’œuvre de ce metteur en scène de gauche, s’il en fut, la période « vichyssoise » apparaît comme une trop brève saison privilégiée.

JEAN GABIN
S’il est un acteur dont le nom est à jamais associé au cinéma de l’entre-deux-guerres, aux chefs-d’œuvre du réalisme poétique, c’est bien Jean Gabin. Après la guerre, il connait tout d’abord une période creuse en termes de succès, puis, à partir de 1954, il devient un « pacha » incarnant la plupart du temps des rôles de truands ou de policiers, toujours avec la même droiture jusqu’à la fin des années 1970.




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