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LE RÉALISME DU CINÉMA FRANÇAIS (1930-1940)

Entre 1927 et 1936, le cinéma français connaît une transformation majeure avec l’avènement du cinéma sonore. ​ Alors que l’avant-garde est déjà dépassée et que certains regrettent la disparition du cinéma muet, de nouveaux cinéastes comme Luis Buñuel, Jean Vigo, Jean Cocteau et Jean Renoir émergent sans préjugés face au parlant. Durant cette période, le cinéma français devient un art populaire, reflétant fidèlement l’élan de la conscience populaire en pleine évolution. ​

FRITZ LANG ET DUDLEY NICHOLS [autour de Scarlet Street et de La Chienne]

Scarlet Street (La Rue Rouge) est le premier projet que Diana Production met en chantier. Ce sera la production la plus indépendante et la plus autonome de Fritz Lang à Hollywood. Ce sera aussi la première fois depuis House Across the Bay (1940) d’Archie Mayo avec George Raft (dont par ailleurs les scènes aériennes ont été filmées par Hitchcock), que Joan Bennett collabore avec le producteur Walter Wanger sur un projet.

LA CHIENNE – Jean Renoir (1931)

Drame caustique de la petite bourgeoisie, est l’œuvre de Jean renoir la plus noire. Un théâtre de marionnettes (le film s’ouvre et se clôt sur des images d’un spectacle de Guignol) dont les personnages sont piégés par leurs pulsions… et par la perversité d’un réalisateur-démiurge qui se plaît à inverser les rôles : un proxénète va être condamné pour le seul crime qu’il n’a pas commis, alors que le vrai coupable, le brave caissier d’une bonneterie, ne sera pas inquiété… Michel Simon est prodigieux dans le rôle de ce petit homme, modeste employé et peintre frustré par une épouse revêche, soudain aveuglé par la passion. Mais Janie Marèse, la petite prostituée qui le manipule parce qu’elle est elle-même sous l’emprise de son « mac », et Georges Flamant, le souteneur-séducteur sans scrupules, ne sont pas mal non plus.

BOUDU SAUVÉ DES EAUX (Jean Renoir, 1932)

Dans Boudu sauvé des eaux, Renoir fait pour la première fois avec une telle clarté le procès de l’imaginaire en tant que force de dénégation du réel et instrument de conquête d’une identité mensongère. Tout le malentendu autour de l’insuccès puis du succès de ce film vient de là. A travers le personnage de Michel Simon, le spectateur n’accède-t-il pas lui aussi à une illusion de liberté sur fond de dénégation de ses propres contradictions ? Redoublant le génie de Renoir, sa science du décor et de la profondeur de champ, Boudu doit évidemment beaucoup à l’immense talent de Michel Simon. On ne peut même plus parler de direction d’acteur, mais de la rencontre de deux personnalités d’exception en état de grâce. Une œuvre unique dans le cinéma mondial. Ainsi qu’il en est souvent dans l’œuvre de Jean Renoir.

FRANÇOIS TRUFFAUT

Deux passions ont possédé François Truffaut : le cinéma et la vie. Deux passions qui ont nourri une œuvre tout en allégresse, mais aussi en gravité. Réalisateur très personnel, Truffaut a réussi le prodige rare de rassembler les suffrages des esthètes les plus exigeants et ceux du grand public. La dette du cinéma français à son égard est immense

DERNIER ATOUT – Jacques Becker (1942)

Bertrand Tavernier s’est longtemps souvenu d’une séquence de poursuite nocturne en voiture, qu’il a mise des années à identifier. C’était Dernier Atout, le premier film de Jacques Becker. Bertrand Tavernier commence son Voyage à travers le cinéma français avec le réalisateur de Casque d’or, de Falbalas, d’Édouard et Caroline et du Trou, montrant l’acuité de sa mise en scène, son économie de moyens, et en même temps son attention à la réalité, la justesse des personnages, l’étude précise d’un milieu, d’un métier.

HUMAN DESIRE (Désirs humains) – Fritz Lang (1954)

Fritz Lang retrouve le même producteur, Jerry Wald, qui avait aussi participé à Clash by Night (Le démon s’éveille la nuit), la même firme, Columbia, et le même comédien principal, Glenn Ford, pour Human Desire (Désirs humains), remake du film de Jean Renoir : La Bête humaine, adapté d’Émile Zola. On mesure la distance parcourue depuis Scarlet Street (La Rue rouge), remake également d’un Renoir, réalisé dix ans auparavant : aucune trace d’expressionnisme ne subsiste, mais la présence d’une forme dépouillée, voire ascétique, pour conter cette histoire d’amour triangulaire où la femme d’un employé de chemin de fer pousse son mari à tuer un ancien amant, puis le trompe avec un cheminot, témoin du meurtre. Lang souhaitait Peter Lorre pour le rôle principal, mais ce fut Glenn Ford qui fut choisi : avec lui, l’élément pathologique, essentiel chez Zola, disparaît du personnage. A l’approche plus sensuelle de Renoir, Lang substitue l’étude clinique des rapports amoureux, inéluctablement mêlés de jalousie, entre un homme âgé (Broderick Crawford) et sa jeune épouse (Gloria Grahame). Il rejoint ainsi Zola dans sa vision déterministe de l’existence, relayée métaphoriquement par le motif visuel récurrent des rails – où l’être humain est prisonnier de son destin. [Fritz Lang, Le Meurtre et la loi – Michel Ciment – Editions Découvertes Gallimard Art (2003)]

LES ANNÉES D’INCERTITUDE DU CINÉMA FRANÇAIS

La confusion politique et idéologique qui, succédant à la fin de la guerre d’Algérie (1962), débouchera sur les événements de mai 1968, va de pair avec un essor économique sans précédent. Parallèlement, la crise du cinéma prend une ampleur inconnue jusque-là. Subissant le choc de la télévision et la concurrence des autres loisirs la fréquentation cinématographique s’effondre. Les conséquences sur la production sont dramatiques : faute de marges bénéficiaires, voire d’un simple amortissement des capitaux investis, les producteurs se trouvent à court de moyens de financement. D’où la mode des films « fauchés », lancée par la nouvelle vague, mais dont le public se détournera rapidement, pour revenir aux grosses productions avec vedettes et gros budgets.