Histoire du cinéma

[AUTOUR DE « L’IMPOSTEUR »] HOLLYWOOD S’EN VA-T-EN GUERRE

The Great Dictator, To Have and Have Not, Casablanca, To be or not to be : on oublie parfois qu’avant de devenir des monuments de l’histoire du cinéma, ces films furent réalisés pour inciter l’Amérique à combattre de toutes ses forces le péril nazi.

La période qui s’étend de 1939 à 1945 est l’une des plus étonnantes du cinéma hollywoodien. Alors que les troupes d’Hitler ravagent l’Europe, « l’usine à rêves » délaisse en effet le pur divertissement pour dénoncer la tragédie qui se déroule de l’autre côté de l’Atlantique. Une réaction qui s’explique en partie par le fait que le monde du cinéma compte une large proportion d’émigrés du Vieux Continent.

Certains, dont plusieurs patrons de studios comme Jack Warner, sont en outre d’origine juive. C’est pourquoi, dès 1939, des films alertent le public sur ce qui se passe en Europe, mais aussi aux États-Unis où des agents allemands tentent de s’infiltrer : c’est le sujet des Aveux d’un espion nazi, d’Anatole Litvak. Frank Borzage revient quant à lui sur la prise de pouvoir d’Hitler dans The mortal storm (La Tempête qui tue), avec James Stewart, et Alfred Hitchcock appelle très clairement l’Amérique à réagir dans Foreign Correspondent (Correspondant 17). De leur côté, Charles Chaplin et Ernst Lubitsch utilisent l’arme de l’humour pour dénoncer le nazisme dans Le Dictateur et To be or not to be.

Cependant, alerter l’opinion ne suffit pas. Pendant trois ans, Hollywood se heurte à la politique du gouvernement Roosevelt, qui refuse d’intervenir. Le bombardement de Pearl Harbor, le 7 décembre 1941, change la donne. Le pays entre dans le conflit, et l’industrie du film devient l’un des rouages de la machine de guerre américaine. Mais la particularité du cinéma de propagande qui naît alors, c’est qu’il ne se résume pas à des films médiocres dont le seul intérêt est d’inciter les jeunes gens à s’engager. Les plus grands cinéastes vont en effet mettre leur talent au service de la cause. Howard Hawks signe Air Force, puis To Have and Have Not (Le Port de l’angoisse), Billy Wilder, Five Graves to Cairo (Les Cinq secrets du désert) ; Fritz Lang, Hangmen Also Die ! (Les Bourreaux meurent aussi) ; Douglas Sirk, Hitler’s madman… Quant à Michael Curtiz, il livre en 1942 le mythique Casablanca. Destiné à n’être qu’une série B de propagande, le film connaît un triomphe, décroche l’Oscar du meilleur film, et fait d’Humphrey Bogart et d’Ingrid Bergman des stars planétaires. En 1944, Michael Curtiz récidivera avec Passage to Marseille, où Bogart a cette fois pour partenaire Michèle Morgan.

L’héroïne de Quai des brumes n’est pas la seule Française à participer à I’effort de guerre américain. Jean Renoir tourneThis Land is Mine (Vivre libre) en 1943, bientôt suivi par Jacques Tourneur (Days of glory) et Julien Duvivier (L’imposteur). Du côté des acteurs, Charles Boyer et Claude Rains soutiennent activement l’intervention en Europe, et on sait que Jean Gabin et Jean-Pierre Aumont iront jusqu’à s’engager dans les Forces Françaises Libres. Certains acteurs américains rejoignent eux aussi l’armée, comme Henry Fonda et James Stewart. Marlene Dietrich, qui avait rejeté avec virulence I’offre de devenir I’étoile du cinéma hitlérien, fait de la chanson « Lili Marlene » le symbole de la résistance au nazisme, et n’hésite pas à suivre les troupes alliées jusqu’en Allemagne. De nombreux opérateurs sont également présents sur le front pour filmer l’avancée des troupes, tandis que, sur le sol américain, les stars participent à des galas de soutien aux soldats alliés. Bref, ce sont tous les secteurs du cinéma américain qui sont mis au service de la lutte, jusqu’à la victoire de 1945.

Marlene Dietrich

CASABLANCA – Michael Curtiz (1942)
Certains des grands films de l’histoire du cinéma donnent l’impression qu’ils étaient destinés dès le début à être tels quels, qu’ils n’auraient pu être interprétés différemment ou mis en scène par quelqu’un d’autre. Et pourtant, parfois, un film n’aurait en rien dû être tel que nous le connaissons tous. Et c’est bien le cas de Casablanca…

TO HAVE AND HAVE NOT (le Port de l’angoisse) – Howard Hawks (1944)
« Est-ce que tu crois qu’on pourrait créer un personnage féminin qui soit insolent, aussi insolent que Bogart, qui insulte les gens, qui le fasse en riant, et arriver à ce que le public aime ça ? » demanda Howard Hawks au scénariste Jules Furthman. Ainsi naquit le personnage de Marie Browning, la fille qui apprend à siffler à Bogart. Et ce n’est rien de dire que le public aima. Bogart, aussi, mais c’est une autre histoire.

THE IMPOSTOR (L’Imposteur) – Julien Duvivier (1944)
En 1943, la nouvelle se propage parmi les Français d’Hollywood : Gabin et Duvivier, le célèbre tandem de Pépé le Moko, tournent ensemble un film de propagande gaulliste. Une œuvre qui sera diversement appréciée des deux côtés de l’Atlantique.


HOLLYWOOD ET LE NAZISME
Le cinéma américain pouvait difficilement ignorer la réalité du nazisme et du fascisme en Europe, mais les réflexions qu’elle lui inspira ne furent pas toujours à la hauteur de ce qu’on en attendait. Elles allèrent d’une certaine indifférence à la neutralité, avec de rares moments de franche opposition.



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