Les Réalisateurs

HOWARD HAWKS 

Maître du film d’action et chantre de l’amitié virile, ce cinéaste était aussi un humoriste au trait féroce. Ses comédies, caractérisées par une vision pour le moins sceptique des relations entre les hommes et les femmes, jettent un éclairage ambigu sur ses westerns les plus héroïques.

Les amateurs de westerns et de films d’aventures maritimes, aéronautiques ou guerrières ont accoutumé de réunir trois noms au faîte de leur panthéon cinématographique : John Ford, Raoul Walsh et Howard Hawks. En réalité, ces trois géants du cinéma américain, s’ils appartiennent bel et bien à la même génération et s’ils ont illustré les mêmes genres, n’ont finalement pas grand-chose en commun. Ford a subordonné l’héroïsme à une certaine idée de la démocratie, dont il aura été le chantre le plus convaincant et le plus inspiré, tandis que Walsh en faisait le théâtre grandiose de l’éternelle tragédie de l’existence personnelle. Quant à Hawks, il est sans doute celui dont l’œuvre demeure à certains égards la plus mystérieuse ou, en tout cas, la plus ambiguë.

Howard Hawks, John Wayne et Angie Dickinson sur le tournage de Rio Bravo (1959)

Dans un célèbre article paru en novembre 1964 dans les Cahiers du cinéma, Jean-Louis Comolli émettait de sérieux doutes sur les vertus « classiques » dont les films de Howard Hawks étaient alors censés être l’expression quasi idéale : « Pour héroïques que soient ses héros, ils n’en sont pas moins quelque peu dérisoires, quelque peu regardés de haut – si même chaleureusement – par le cinéaste. » Telle est bien, en effet, l’impression que dispense rétrospectivement une œuvre où les films dramatiques trouvent leur contrepoint explicatif dans les comédies les plus satiriques, et où la comédie s’insinue dans les films les plus dramatiques, les plus héroïques… Comme le notait encore Jean-Louis Comolli, Howard Hawks « est en fin de compte le plus secret humaniste du siècle ».

Hawks ne regarde pas ses personnages se débattre avec l’œil cruel d’un Fritz Lang ; il tient tout simplement les êtres humains pour de bien curieux animaux doués de déraison mais capables aussi d’une certaine grandeur, tels qu’il les connaît et les a observés. Il préfère les définir par leurs actes, leur comportement, leurs maladresses révélatrices, plutôt que par des effusions lyriques ou des démonstrations – et dans ses comédies il traite souvent de la même façon, comme un bruit de fond envahissant et dénué de signification leurs bavardages rutiles.

Howard Hawks et l’actrice Dee Hartford qui fut aussi son épouse (1953)

D’où l’ambiguïté attachée à un cinéaste considéré tantôt comme un moraliste lucide et hautain, tantôt comme un misanthrope cynique et pessimiste, tantôt comme un humaniste. Ambiguïté que ne contribuent pas à dissiper la fluidité et la transparence d’une écriture cinématographique qui bannit les effets esthétisants. Se défendant de toute théorie stylistique. Hawks n’a jamais eu d’autre précepte que de placer sa caméra à hauteur d’homme. C’est sans doute en cela qu’il reste malgré tout un humaniste. Parce que la réalité filmée, jamais tributaire d’une abstraction intellectuelle, reste le fruit de l’expérience. Et sa vie fut aussi féconde que pouvait l’imaginer un scénariste hollywoodien.

Né le 30 mai 1896 à Goshen, dans l’Indiana. où ses parents possédaient des fabriques de papier, Howard Winchester Hawks connut une jeunesse privilégiée dans un milieu aisé où la rigueur des saines traditions éducatives anglo-saxonnes était tempérée par un esprit pionnier libre et aventureux. II est âgé de dix ans lorsque sa famille s’installe à Pasadena, en Californie, non loin d’un petit hameau dont le nom deviendra bientôt célèbre dans le monde entier: Hollywood.

L’Ombre qui descend (The Road to Glory) – 1926

Pour l’instant, le cursus scolaire du jeune Howard se déroule sans histoire, et il a surtout à cœur de devenir un sportsman accompli. Il sera notamment champion de tennis junior, tout en se laissant fasciner par les enivrantes nouveautés que sont les voitures de course et les avions. Dès l’âge de seize ans, vivement encouragé par son père et son grand-père, il participe à des compétitions automobiles et gagne même des prix, sur des « bolides » qu’il a lui-même mis au point. Cet engouement, qui ne se démentira jamais, le pousse à entreprendre des études d’ingénieur, d’abord à la Phillips Exeter Academy, puis à la Cornell University de New York, dont il sera diplômé en 1917.

Sa Majesté la Femme (Fig Leaves) – 1926

Les exploits des as de l’aviation pendant la Première Guerre mondiale firent sans doute rêver Howard Hawks, mais, s’il fut effectivement incorporé aux forces aériennes américaines, ce fut seulement au titre d’instructeur au sol, contrairement à son ami William Wellman, qui fit partie de la prestigieuse escadrille Lafayette avant de faire revivre l’épopée de l’air dans Wings (Ailes, 1929).

Si nos maris s’amusent (The Cradle Snatchers) – 1927

Il faut donc faire justice d’une légende tenace, entretenue par quelques exégètes, qui voudrait que Hawks fût un pionnier de l’aviation (mythe peut-être renforcé par son homonymie avec Frank Hawks, détenteur en 1923 du record de vol en ligne droite). Il n’en reste pas moins qu’il a côtoyé, et aimé, ces intrépides héros souvent anonymes, et que sa passion pour les étranges oiseaux de métal est suffisamment attestée par le caractère d’authenticité de ses films – sans qu’il soit besoin d’y ajouter des enjolivements.

Prince sans amour (Paid to Love) – 1927

Sur la côte est, l’apprenti ingénieur s’est vivement intéressé à l’optique et à ses toutes dernières applications, à savoir les nouvelles techniques photographiques et le cinématographe. Ce n’est d’ailleurs pas son premier contact avec le septième art. En Californie, durant ses vacances, l’adolescent a gagné son argent de poche en se faisant engager comme accessoiriste. Et, comme ce jeune homme éclectique a également étudié l’architecture, il s’est trouvé là à point nommé pour réaliser un décor moderne réclamé par Douglas Fairbanks. Il devient son ami, et par conséquent celui de Mary Pickford, qui le fait engager comme assistant metteur en scène.

Une Fille dans chaque port (A Girl in Every Port) – 1928

Véritable homme à tout faire, Hawks apprend son métier sur le tas en tournant des petits films d’un bobine, ne laissant à personne d’autre les cascades automobiles : « Je faisais des dérapages, des tonneaux, je fonçais dans des poteaux ». se souvient-il dans la série d’entretiens recueillis par Joseph McBride de 1970 à 1977 (Hawks par Hawks, éditions Ramsay, 1987). Là ne s’arrête pas sa dette envers Mary Pickford : fin 1917, la  « petite fiancée de l’Amérique » lui rendra visite dans son camp-école afin qu’il lui offre une promenade dans les airs. Suprême honneur pour l’obscur chef d’escadron qui n’avait presque jamais l’occasion de voler, faute d’avions : « Bon Dieu de bois ! les officiers, le colonel et tous les gars se demandaient ce qu’un simple troufion pouvait bien fabriquer avec Mary ! » (Entretiens avec Joseph McBride)

L’Insoumise (Fazil) – 1928

Son intérêt pour le cinéma, Hawks le partage avec ses deux frères cadets, Kenneth (né en 1898) et William Ballinger (né en 1901). Le premier fera de brillants débuts de réalisateur à la fin des années 1920 avant de se tuer dans un accident d’avion en tournant les prises de vues aériennes de Such Men Are Dangerous (1930) ; le second deviendra producteur, en particulier pour The Tall Men (Les Implacables, 1955) de Raoul Walsh et pour The Last Wagon (La Dernière caravane, 1956) de Delmer Daves. C’est du reste avec Kenneth que Howard, après la guerre, loue une maison à Hollywood, où tous les espoirs semblent permis à des jeunes gens entreprenants et astucieux. Toutefois, son amour pour les engins mécaniques n’a en rien faibli, et pendant deux ou trois ans il travaille comme pilote d’essai pour des fabricants d’avions et d’automobiles, conduisant des prototypes et fréquentant quelques « têtes brûlées » et autres personnages des plus pittoresques dont il s’inspirera dans ses films. A la même époque, il reprend du service aux studios Famous Players-Lasky et produit aussi, en indépendant, quelques petits films d’aventures réalisés par Allan Dwan, Marshall Neilan ou Jack Conway, qui dirigea ainsi au Mexique Quicksands (1923), avec le concours du 10e régiment de cavalerie alors à la poursuite de Pancho Villa.

Les Rois de l’air (The Air Circus) – 1928

En 1922, la vocation du futur cinéaste prend un tour décisif lorsqu’il fait la connaissance d’Irving Thalberg, qui le recommande à Jesse Lasky, lui affirmant que ce talentueux jeune homme en connaît plus que n’importe qui sur les histoires. En plein essor, les studios sont en effet à la recherche de « bons sujets », leurs scénaristes semblant quelque peu à court d’imagination. Si Hollywood puisait volontiers dans les chefs-d’œuvre littéraires du passé, personne ne songeait à acheter une histoire à un écrivain. Ce fut précisément l’idée de génie de Howard, qui acquit pour des sommes modiques les droits de romans et de nouvelles ayant entre autres pour auteurs Jack London et Joseph Conrad, trouvant ainsi aisément la quarantaine de scénarios demandés par Lasky.

La Patrouille de l’aube (The Dawn Patrol) – 1930

Les magnats du cinéma, qui brillaient plus par leur sens des affaires que par leur érudition littéraire, furent très impressionnés. Thalberg, considérant que son poulain avait fait ses preuves, lui offrit en 1924 un poste à la MGM, mais il fit la sourde oreille lorsque Hawks brigua un emploi de réalisateur, estimant qu’il était infiniment plus facile de trouver un metteur en scène qu’un garçon capable de concocter d’aussi bonnes histoires. Mauvais calcul, car son scénariste démissionna le jour même… et partit jouer au golf. Il rencontra sur le green un patron de la Fox, qui l’engagea incontinent.

Le Code criminel (Criminal Code) – 1931

Voici donc comment Howard Hawks fit en 1926 ses débuts de réalisateur avec The Road to Glory (L’Ombre qui descend), sombre drame d’une jeune fille devenue aveugle par accident (mais à la fin elle retrouvera en même temps la vue, son fiancé et la foi en Dieu qu’elle avait perdue). Comme il n’existe plus de copie, il faut bien se fier à ce qu’en a dit Hawks : « C’était très mauvais ». avoua-t-il, se souvenant des réactions des dirigeants du studio qui ayant admis ses capacités de réalisateur, le prièrent de tourner désormais des histoires plus distrayantes. Obtempérant. il écrivit en une nuit le scénario de Fig Leaves (Sa majesté la femme, 1926). On retiendra surtout les décors agréablement futuristes de cette mince comédie qui, après un prologue montrant Adam et Ève au jardin d’Éden, se poursuivait dans le New York moderne, avec un même point de départ : Ève n’a plus rien à se mettre, et est prête à tout pour remédier à ce navrant état.

The Crowd Roars, (La foule hurle) – 1932

Suivront en 1927 The Cradle Snatchers (Si nos maris s’amusent), comédie aujourd’hui perdue dont le rythme, selon le réalisateur, était étonnamment rapide pour l’époque, et Paid to Love (Prince sans amour), une bluette traitée sur le mode tragi-comique à partir de l’un des très rares scénarios auquel il n’ait pas travaillé. Plaidant coupable pour esthétisme, il ajoute pour sa défense que ce fut la première et la dernière fois qu’il se laissa aller à des mouvements de caméra gratuits qui lui avaient été inspirés par le chef d’œuvre de Murnau Sunrise (L’aurore, 1927).

Le Harpon rouge (Tiger Shark) – 1932

Hawks a encore moins d’indulgence pour Fazil (L’Insoumise, 1928), histoire des plus invraisemblables imposée par le studio (un cheikh qui épouse une Parisienne). Il sera beaucoup plus à l’aise pour son film suivant, A Girl in Every Port (Une Fille dans chaque port, 1928), picaresque chronique où apparaissent déjà quelques-uns de ses thèmes favoris : prédominance de la camaraderie et de la complicité viriles sur l’amour, vénalité et duplicité féminines.

Une fable misogyne et truculente

Roulant sa bosse sur tous les océans, Spike (Victor McLaglen, qui inaugure ici la série de ses truculentes compositions) se targue de trouver à chacune de ses escales des bras accueillants, mais à son grand dépit il se découvre toujours devancé par un autre marin, « Salami » Bill (Robert Armstrong), lequel laisse chaque fois le souvenir durable de son passage sous la forme d’une ancre et d’un cœur tatoués sur la peau des belles. Les deux rivaux se rencontrent enfin, et une bataille homérique qui les conduit en prison scelle leur amitié. Amitié qui résistera aux traquenards tendus par la belle Marie, acrobate de fête foraine à Marseille. Et que cette moderne ensorceleuse soit interprétée par l’éblouissante Louise Brooks n’adoucit pas la morale de cette fable misogyne : un ami est plus précieux que n’importe quelle femme.

Scarface – 1932

L’apparition du parlant met Hollywood en révolution, envoyant aux oubliettes des films déjà dépassés. Hawks le regrette d’autant plus qu’il vient de réaliser son premier film d’aviation, The Air circus (Les Rois de l’air, 1928, où il a fait réellement voler ses jeunes acteurs. Il le déplore aussi pour Trent’s Last Case (L’Affaire Manderson, 1929) excellente intrigue policière qui ne put être tournée dans une version sonore en raison de la voix cassée du principal interprète, Raymond Griffith.

Après nous le déluge (Today we live) – 1933

Hawks, pour sa part, se sentira très à l’aise avec son premier film parlant, The Dawn Patrol (La Patrouille de l’aube, 1930), d’autant qu’il s’agit d’avions, mais il devra batailler dur pour endiguer la logorrhée d’un cinéma qui se livre avec délices aux joies de la parole et qui veut rivaliser avec le théâtre : « Nous coupions dans le dialogue à chaque scène que nous tournions. Nous supprimions des répliques, parce que les acteurs se régalaient quand ils avaient tout un flot de répliques. (…) Au cinéma on n’était pas habitué au dialogue normal, ni à une interprétation normale. On voulait quelqu’un qui se frappe la poitrine et agite les bras. (…) Le film a fait les plus grosses recettes de l’année. Alors on a décidé que je m’y connaissais en dialogues. » (Entretiens avec Joseph McBride)

Train de luxe (Twentieth Century) – 1934

Tout était authentique, même les atterrissages forcés, dans ce film de guerre pour les besoins duquel le réalisateur pilota lui-même un avion, une caméra placée à l’avant. Dans le numéro spécial des Cahiers du cinéma consacré à Hawks, Jean Douchet y voit la mise en équation cinématographique du conflit de l’action et de la réflexion, de l’exaltation de l’énergie vitale et du sens des responsabilités : « Rivé à son commandement, l’ex-pilote se souvient de sa jeunesse ardente, de ses sensations, de ses émotions, de sa folie, comme il se souviendrait d’une femme aimée. Et l’impression d’être frustré de son énergie l’obsède et le mine. L’homme, encore embarrassé par son propre romantisme, ne parvient pas à surmonter sa crise et préfère une mort glorieuse à l’acceptation de sa mission. »

Ville sans loi (Barbary Coast) – 1935

Incontestablement moins personnel, plus bavard, mais efficace et solidement construit, The Criminal Code (Le Code criminel, 1931) a assez bien vieilli grâce à la peinture réaliste des prisons et à la puissante interprétation de Walter Huston (le père de John). On y remarqua aussi, dans un petit rôle, un débutant qui deviendrait célèbre : Boris Karloff.

Brumes (Ceiling Zero) – 1936

Après cet exercice de virtuosité, un autre tournage des plus mouvementés, avec des bolides automobiles cette fois, The Crowd Roars (La Foule hurle, 1932) : deux pilotes, deux frères, se disputent la victoire, à la fois sur les circuits et dans le cœur d’une femme. Pour jouer l’aîné, Hawks a choisi James Cagney, dont il apprécie le jeu nerveux et très physique : « Il travaillait avec le mouvement, pas avec les répliques. » Authenticité garantie, grâce à la participation de plusieurs anciens vainqueurs d’Indianapolis, pour ce film qui faisait revivre les temps héroïques des courses sur piste de terre.

Les Chemins de la gloire (The Road to Glory) – 1936

Le film de gangsters, dont Cagney est l’un des rois, connaît alors ses plus beaux jours. Hawks va s’y intéresser à son tour, mais on peut compter sur lui pour renouveler un genre dont il livre, avec Scarface Shame of a Nation (Scarface, 1932), une macabre et cruelle épure, inspirée de la vie d’Al Capone (rebaptisé Tony Camonte). Et il demande à son scénariste Ben Hecht de décrire la famille Capone comme s’il s’agissait des Borgia venus s’installer à Chicago, y compris en ce qui concerne les rapports incestueux entre le héros et sa sœur – rapports qui durent être édulcorés sous la pression des producteurs, qui non seulement craignaient les foudres de la censure, mais aussi trouvaient, nous dit Hawks, « ce genre de rapport trop noble pour être attribué à un gangster ».

Le Vandale (Come and Get It) – 1936

Al Capone, au dire de Howard Hawks, vit le film de nombreuses fois. Le roi de la pègre possédait même sa copie et manifesta le désir de faire la connaissance du réalisateur. La rencontre eut finalement lieu dans un café : « Il y avait avec nous quelques filles bigrement jolies, un peu effrontées, mais très gentilles. Capone et moi, nous avons pris le thé ; il portait une jaquette, des pantalons rayés, un œillet. Il s’est montré très cordial, disant combien il aimait mon film. Je suis resté deux-trois heures avec lui. Puis il m’a invité à nouveau et je suis repassé. Mais il y avait eu une fusillade à Chicago, et ils m’ont dit qu’il ne pouvait pas venir parce qu’il se planquait à Atlantic City ou quelque chose comme ça. Ensuite il m’a rendu visite quand je travaillais à Hollywood, et les flics sont venus l’arrêter sur le plateau. » (Entretiens avec Joseph Mc Bride)

L’Impossible Monsieur Bébé (Bringing Up Baby) – 1938

Même si le grand public ne saisit pas toujours toute l’originalité de cet impitoyable allégorie d’un monde moderne en proie au lucre et à la violence, Scarface fut un immense succès et devint l’un des films les plus célèbres de l’histoire du septième art. Hawks s’était imposé, et pourtant il fut loin de retrouver la même inspiration dans ses films suivants, se contentant d’aiguiser son style en attendant un sujet plus excitant.

Seuls les anges ont des ailes (Only Angels Have Wings) – 1939

Malgré son aspect documentaire, Tiger Shark (Le Harpon rouge, 1932) n’échappe pas au pathos en dépit de la présence d’Edwar G. Robinson ; et il y a encore moins à dire de To day We Live (Après nous le déluge, 1933), si ce n’est que ce fut la première collaboration entre Hawks et William Faulkner. Cherchant de toute évidence à renouer avec la veine d’un Lubitsch, Twentieth Century (Train de luxe, 1934), avec Carole Lombard et John Barrymore, n’en est qu’une bien pâle et bavarde imitation. Barbary Coast (Ville sans loi, 1935), peinture pittoresque des bas-fonds de San Francisco au temps de la ruée vers l’or, apparaît bien laborieux à côté d’Une Fille dans chaque port. Hawks n’était sans doute pas fait pour les grands sujets qu’affectionnait alors la Fox, comme ce The Road to Glory (Le Chemin de la gloire, 1936), démystification du romantisme guerrier inspirée à la fois par Les Croix de bois de Roland Dorgelès et par le film qu’en tira en France Raymond Bernard (1932), et il est difficile de suivre ses exégètes qui, comme Jean Douchet, comparent ce film au J’accuse d’Abel Gance. Il est indubitablement plus à l’aise lorsqu’il montre un univers qu’il connaît bien, par exemple les pilotes de l’aviation postale dans Ceiling Zero (Brumes,1935).

La Dame du vendredi (His Girl Friday) – 1940

Aux plateaux hollywoodiens Hawks préféra à coup sûr les sables du Mexique, qu’il parcourut à cheval pour les besoins d’un film à la gloire de Pancho Villa (interprété, non sans cabotinage mais avec conviction, par Wallace Beery). A la suite d’un incident avec les autorités mexicaines, il se retira, remplacé par Jack Convway (une vieille connaissance), et son nom ne fut même pas cité au générique de Viva Villa ! (1934). 

Sergent York (Sergeant York) – 1941

Hawks racontait volontiers les épisodes les plus palpitants d’un tournage où la réalité se mêlait quotidiennement à la fiction : « On vivait d’oranges et d’eau-de-vie. Un jour, nous tournions des scènes sur une voie de chemin de fer en déblai ; un type est arrivé, m’a poussé avec son pistolet et a commencé à crier quelque chose. Je me suis retourné et j’ai cogné. Il a fait un vol plané et il est retombé la tête la première sur la voie ferrée. Je n’ai jamais si il était mort ni comment ça s’était terminé. J’ai gueulé : « Qu’est-ce qu’il criait, Bon Dieu ? on m’a répondu : « C’est pour la révolution ! » Une fois, nous étions en train de tourner une autre scène, il y a eu une fusillade tout près de nous. Des gens couraient en tirant des coups de pistolet. C’était pour de vrai. » (Hawks par Hawks)  Quoique attribué à Conway, le film porte indéniablement la marque de Hawks, et les assertions de ceux qui l’accusèrent d’avoir sans vergogne utilisé des plans tournés par Eisenstein pour Que viva Mexico sont dénuées de fondement.

Boule de feu (Ball of Fire) – 1941

En 1938, Hawks trouve en Cary Grant et Katharine Hepburn deux interprètes hors pair et signe une étincelante comédie, Bringing Up Baby (L’Impossible Monsieur Bébé) : une snob écervelée fait irruption, comme un cyclone, dans la quiète existence d’un paléontologue naïf et distrait, déclenchant des catastrophes en série dont la moindre n’est pas la disparition de la clavicule d’un squelette de brontosaure. Harold Lloyd admirait ce film dont les effets comiques naissent autant de la soudaine hostilité des objets inanimés que des rapports entre les personnages. Mais le fait que ceux-ci apparaissent tous comme farfelus, littéralement hors normes, atténue quelque peu la férocité de la charge. Hawks fut le premier à l’admettre : « Il n’y avait personne de normal. Tous les gens qu’on rencontrait étaient cinglés… Tous étaient décentrés. » (Entretien cité dans les Cahiers du cinéma.)

Air Force – 1943

Simple enquiquineuse sophistiquée dans Bringing Up Baby, la femme se révélera dans Only Angels Have Wings (Seuls les anges ont des ailes, 1939) comme le ferment de destruction d’une communauté masculine soudée par les exigences d’un métier périlleux (l’aviation, encore). Une ennemie d’autant plus dangereuse qu’elle se présente sous le double aspect de la garce (Rita Hayworth) et de la franche camarade (Jean Arthur). Ces hommes qui se réfugient dans le cynisme et la dureté pour oublier la mort omniprésente sont en réalité bien mal armés, pour résister à l’offensive. Hawks nous en administre la preuve la plus subtile et joue sur l’ambiguïté en donnant le rôle de Jef, le chef des pilotes, à Cary Grant, héros de comédie utilisé à contre-emploi.

Le Port de l’angoisse (To Have and Have Not) – 1944

Il y a deux manières de considérer His Girl Friday (La Dame du vendredi, 1940), adaptation de la pièce à succès de Ben Hecht The Front Page : comme une comédie trop bavarde pour ne pas être ennuyeuse ou bien comme l’expérimentation d’un comique fondé justement sur une sorte d’hystérie de la parole débitée à un rythme de mitraillette. Et l’on peut se demander aussi avec quelles intentions subversives Hawks transforma un protagoniste masculin personnage féminin…

Le Grand Sommeil (The Big Sleep) – 1945

Film de circonstance, et même de propagande, destiné à soutenir l’effort de guerre allié en cette année 1941, Sergeant York tient une place à part dans l’œuvre du cinéaste. Ne serait-ce que par l’admirable interprétation de Gary Cooper, qui parvient, avec l’impassibilité qu’on lui connaît, à rendre vraisemblable son personnage : un adversaire résolu de la violence, objecteur de conscience pour des raisons religieuses, qui devient un tireur d’élite et un héros de la Première Guerre mondiale. Et Hawks a recours à la même économie de moyens pour filmer cet étonnant parcours d’un homme récompensé pour avoir agi contre ses principes les plus sacrés.

La Rivière rouge (Red River) – 1948

La comédie reprenant ses droits, le même Gary Cooper incarnait le professeur Bertram Potts de Ball of Fire (Boule de Feu, 1941), sorte de pygmalion à l’envers que son insatiable curiosité pour les mystères sémantiques de l’argot amenait à tomber dans les rets d’une effeuilleuse de cabaret (Barbara Stanwyck), suivi et encouragé par une cohorte de doux vieillards loufoques. Un film sans femme, avec des avions : voilà qui ne pouvait manquer de séduire Howard Hawks, qui livre en 1943 sa contribution patriotique avec Air Force, où il nous fait suivre la vie quotidienne (avec ses drames, ses misères, ses moments de gaieté et ses heures exaltantes) de l’équipage d’une Forteresse volante.

Si bémol et fa dièse (A Song Is Born) – 1948

La guerre est encore présente, sous une forme plus insidieuse, puisque l’action se déroule dans une Martinique placée sous la coupe du gouvernement de Vichy, dans To Have and Have Not (Le Port de l’angoisse, 1945), avec deux événements à signaler. C’est d’abord William Faulkner qui est chargé d’adapter le roman d’Ernest Hemingway (une solide amitié les lie tous deux à Hawks), et force est de reconnaître que sa version est beaucoup moins fidèle à l’original que celle qui sera portée à l’écran par Michael Curtiz sous le titre The Breaking Point (Trafic en haute mer, 1950). Ensuite, Humphrey Bogart va rencontre une débutante nommée Lauren Bacall, et ils formeront un couple fascinant, dans la vie comme à l’écran. Quelque chose de cette magie a peut-être touché Hawks, car sa misogynie foncière s’efface pour laisser transparaître quelque chose qui ressemble à une certaine tendresse pour ce crâne personnage féminin qui cache sa douceur sous l’agressivité et la désinvolture.

Allez coucher ailleurs (I Was a Male War Bride) – 1949

Les années 1940 ont vu arriver le règne du film noir. Hawks réunit à nouveau le duo Bogart-Bacall pour célébrer ses sombres mystères dans The Big Sleep (Le Grand sommeil, 1946), d’après Raymond Chandler. Faulkner, à nouveau, fut appelé à la rescousse, et s’ingénia à rendre incompréhensible une intrigue déjà fort compliquée. L’auteur, d’ailleurs, s’avouait incapable de l’expliquer, et Hawks ne voyait aucun inconvénient à n’y rien comprendre. On tourna donc les différentes scènes comme une sorte de puzzle, en espérant que le public s’y retrouverait ou du moins s’y divertirait. Et cependant, malgré les intentions parodiques affichées par Hawks et son scénariste, The Big Sleep restitue admirablement l’atmosphère trouble et onirique du roman noir américain, dont Faulkner fut un précurseur.

La Captive aux yeux clairs (The Big Sky) – 1952

Du film noir, on passe aux larges horizons de l’Ouest avec Red River (La Rivière rouge, 1948). Un western classique, où la prairie et ses troupeaux servent de cadre aux conflits psychologiques. Hawks propose à John Wayne, qu’il connaît bien pour l’avoir observé dans les films de son ami John Ford, un rôle plus nuancé, plus « difficile » que ses emplois habituels. Ford (d’après Hawks) saura en tirer la leçon. L’amitié virile n’est plus seulement complicité mais initiation, celle d’un jeune (Montgomery Clift) par son aîné (Wayne), substitut du père. Onze ans avant Rio Bravo, Walter Brennan compose déjà une irrésistible figure de vieux grincheux au cœur d’or. Mêmes thèmes mais traités sur un mode assez différent, plus truculent, plus « débraillé », dans The Big Sky (La Captive aux yeux clairs, 1952). Hawks peut enfin réaliser avec Kirk Douglas ce que John Wayne a résolument refusé : faire rire à partir d’un événement dramatique, en l’occurrence l’amputation d’un doigt.

Chérie, je me sens rajeunir (Monkey Business) – 1952

Jamais la misanthropie de Hawks n’a trouvé d’expression aussi forte, aussi glacée et aussi sobre en même temps (aux antipodes de l’expressionnisme d’un Stroheim) que dans Monkey Business (Chérie, je me sens rajeunir, 1952). Sans jamais forcer sur les effets, il nous conte les mésaventures d’un chimiste (Cary Grant) qui, ayant inventé et bu par mégarde un élixir de jouvence, subit, ainsi que son épouse (Ginger Rogers), une impitoyable régression, montrée comme une descente aux enfers. Sans changer le moins du monde d’aspect, ils se trouvent replongés dans la gaucherie sournoise et les émois douteux de l’adolescence, puis tombent encore plus bas, dans les limbes de la petite enfance. Et, pour comble d’ironie, c’est un singe qui, en voulant imiter l’homme, est à l’origine de cette bévue.

La Sarabande des pantins (O. Henry’s Full House, partie : The Ransom of Red Chief) -1952

A côté de cet impitoyable constat de la faillite de la science et de l’intelligence, la misogynie de Gentlemen Prefer Blondes (Les Hommes préfèrent les blondes, 1953) paraît presque s’exprimer avec bonhomie. Sans doute parce que les voraces appétits de ses deux héroïnes, la brune nymphomane (Jane Russell) et la blonde croqueuse de diamants (Marilyn Monroe) s’y expriment avec une saine franchise. A bien y regarder, pourtant, la charge est brutale et n’épargne absolument personne, pas même les vieillards (libidineux et gâteux) ni les enfants, présentés comme des singes savants.

Hollywood sur le Nil

En 1954, les producteurs misent sur le CinémaScope, cadre majestueux qui sied selon eux aux fastes du film historique. Et c’est ainsi que Hawks se trouve confronté à l’unique film historique de sa carrière, Land of the Pharaons (La Terre des pharaons, 1955). Curieux détournement de sujet, puisque son projet initial avait trait à la construction d’un barrage dans la Chine moderne. Mais n’est-ce pas au fond la même histoire ? Une entreprise titanesque et un travail de fourmi, où l’ampleur des masses humaines mises en œuvre transcende les moyens rudimentaires. Il est en tout cas évident que le cinéaste se passionna beaucoup plus pour la construction de sa pyramide, proposant de stimulants défis techniques aux bâtisseurs de décors, que pour ses protagonistes. Il est vrai que Jack Hawkins, dont le talent d’acteur n’est pas en cause, campait un bien improbable Chéops (dans le rôle de l’architecte, l’Écossais James Robertson Justice n’était pas non plus des plus crédibles). Non qu’il y ait eu à redire à la reconstitution historique, aussi scrupuleuse que possible. Le point d’achoppement c’était le scénario, confié au vieux camarade et complice William Faulkner, avec une question obsédante : comment parle un pharaon ? Personne n’en savait rien, et ce fut au fond la cause du détachement du réalisateur, trop intelligent pour ne pas percevoir les limites de la superproduction hollywoodienne. Sans parler de Faulkner, dont le scepticisme tournait à la désinvolture et qui se montrait plus assidu sur les tabourets des bars que devant sa machine à écrire. Selon Noel Howard, qui suivit la préparation et le tournage en tant qu’ami de Hawks et qui en a tiré un amusant récit intitulé Hollywood sur Nil, la contribution effective du grand écrivain se borna pour l’essentiel à cette phrase du pharaon : « Alors les gars, comment va le boulot ? » .

Les Hommes préfèrent les blondes (Gentlemen Prefer Blondes) – 1953

Land of the Pharaons n’en fut pas moins un succès commercial ; et, si on compare le film à la plupart des fresques historiques à grand spectacle, force est de reconnaître que Hawks, que son tempérament ne porte guère au genre épique, s’est plutôt honorablement tiré de cette gageure. Il n’était toutefois pas prêt à recommencer semblable équipée, pas plus qu’à utiliser à nouveau le CinémaScope : « Il distrait l’attention, empêche de se concentrer, rend très difficiles les effets de montage. (…) Si les dimensions du CinémaScope étaient satisfaisantes, les peintres les auraient utilisées depuis des années, et ils sont tout de même dans le métier depuis plus longtemps que nous. » (Entretien avec Peter Bogdanovitch, cité dans les Cahiers du cinéma en 1963.)

La Terre des pharaons (Land of the Pharaohs) – 1955

Hollywood lance les derniers feux de l’âge d’or des années 1950 sans que les directeurs des studios en soient conscients. Hawks en a la prémonition, qui se donnera le luxe de trois ans de réflexion avant d’entreprendre un nouveau film : « On a fabriqué tant et tant d’intrigues que les spectateurs en sont las. Mais si vous les empêchez de savoir en quoi consiste l’intrigue, vous avez une chance de maintenir leur intérêt intact. Ce qui nous amène aux personnages Vous devez écrire ce que le personnage pourrait penser : il motive votre histoire et les situations. » (Cahiers du cinéma)

Rio Bravo – 1959

Ce préambule laisse déjà deviner quelle prodigieuse liberté régnera dans Rio Bravo (1959), western à nul autre pareil que beaucoup considèrent comme le chef-d’œuvre de Hawks, miraculeusement en équilibre entre émotion et dérision, entre comédie et tragédie, entre hasard et logique, évitant les pièges du folklore comme ceux des bons sentiments. Le point de départ est banal : un meurtre, un assassin capturé, et l’affrontement entre ceux de son clan qui veulent le délivrer et les représentants de la loi. Ceux-ci sont au nombre de trois : le shérif Chance (John Wayne), son assistant Dudds (Dean Martin), que l’alcoolisme a presque réduit à l’état de déchet humain, et le vieux Stumpy (Walter Brennan), édenté, sempiternellement bougon et presque impotent. A ce trio vont se joindre deux nouveaux venus, qu’un capricieux destin a conduits vers ce trou perdu près de la frontière mexicaine : Feathers (Angie Dickinson), joueuse professionnelle lasse d’errer en quête de fortune, et Colorado (Ricky Nelson), sorte d’éphèbe providentiel surgit de nulle part, jouant aussi bien du pistolet que de la guitare.

Hatari ! – 1962

Nul mieux qu’Henri Agel, dans son analyse de Rio Bravo pour le numéro d’Études cinématographiques consacré au western, n’a su décrire cet itinéraire de personnage-, en quête d’eux-mêmes : « C’est par un déroulement simple, aisé et comme négligent, tout en redites et en temps morts – un tempo néoréaliste, en somme – que Hawks tisse cette admirable toile de Pénélope de la confiance donnée, retirée et redonnée, de l’honneur perdu, retrouvé, compromis, qui définit la relation dramatique – au sens propre du mot – entre John Wayne et Dean Martin tout comme entre Angie Dickinson et John Wayne. Oui, c’est bien une tapisserie tout arachnéenne que compose et défait le doigt subtil d’un cinéaste qui n’a point besoin de recourir à la littérature pour tracer ce graphique spirituel. En fin de compte, ce western meurtrier où la mort est aussi présente que dans L’Iliade se passe presque tout en intérieurs et en conversations. Le miracle est qu’il ne devient jamais « intellectuel », car il repose toujours sur des rapports vrais, fortement et délicatement sentis. »

Le Sport favori de l’homme (Man’s Favorite Sport ?) – 1964

Dignité retrouvée ? Sans doute. Mais le happy end est à la réflexion ambigu. Si John Wayne emporte sous son bras une Angie Dickinson apparemment domptée, n’est-ce pas pour mieux devenir, tel Hercule aux pieds d’Omphale, l’esclave de cette aventurière repentie vouée à devenir l’une de ces parfaites épouses américaines que le cinéaste dépeint si souvent avec une verve vengeresse dans ses comédies ?

Ligne rouge 7000 (Red Line 7000) – 1965

Tel pourrait être le prologue de Hatari ! (1962), où l’on retrouve précisément John Wayne. D’emblée, la désinvolte et sardonique musique de Henry Mancini donne le ton, et l’on sait que nul n’échappera au ridicule – sauf les animaux, exempts des péchés de l’humanité – dans cette dérisoire épopée d’un groupe de chasseurs partis capturer des bêtes sauvages en Afrique. En proie aux assiduités de deux séducteurs patentés (Hardy Kruger et Gérard Blain), Brandy (Michèle Girardon) n’a d’yeux que pour le plus faible, le plus disgracié, le plus ridicule, en un mot le plus simiesque de tous ses compagnons, le balbutiant Pockets (Red Buttons), avec lequel elle peut assouvir ses instincts maternels et protecteurs. Quant à John Mercer (John Wayne), l’homme fort (ou prétendu tel) du groupe, il finira par capituler sans conditions, se livrant pieds et poings liés à l’entreprenante Dallas (Elsa MartineIli), prête à le mener par le bout du nez, comme ces éléphanteaux dévastateurs qui la suivent partout

El Dorado – 1966

Malgré leur irréversible défaite, les héros de Hatari ! vivaient du moins une aventure dangereuse et cultivaient les vertus de la camaraderie. Ces nobles compensations ont disparu dans Man’s Favorite Sport (Le Sport favori de l’homme, 1964), où ne subsiste plus que la dérision, puisque ce sport c’est la pêche à la ligne et que le héros (Rock Hudson) est un outre un imposteur : soi-disant spécialiste de ce noble art, il n’a jamais tenu une canne à pêche de sa vie. Et l’animal le plus redoutable qu’il aura à affronter est un ours qui fait de la motocyclette…

Rio Lobo – 1970

L’année suivante, le cinéaste s’offre à nouveau le plaisir de filmer ces bolides qu’il aime tant dans Red Line 7000 (Ligne rouge 7000, 1965). Mais les concurrents de la course automobile de Daytona, l’une des plus dangereuses du monde, ne sont plus les paladins de jadis. Ils ont un compte-tours et une machine à calculer à la place du cœur. Toutefois, ils vengent les victimes du sacro-saint matriarcat américain en traitant leurs belles amies avec moins de respect qu’ils n’en témoignent à leurs mécaniques.

Hawks n’a plus envie de tourner de comédies, faute de comédiens qui lui conviennent. Cary Grant ne veut plus tourner, et Rock Hudson ne le remplace pas vraiment… Il choisit donc le western, et John Wayne, pour un approximatif remake de Rio Bravo qui apparaît ainsi comme une méditation sur le temps qui passe. Dans El Dorado (1966), Robert Mitchum est aussi convaincant en alcoolique que Dean Martin, tandis que James Caan et Arthur Hunnicutt remplacent respectivement Ricky Nelson et Walter Brennan. Et, pour prouver qu’il importe peu de prendre un sujet nouveau et que tout est dans la manière de le traiter, il nous livre avec Rio Lobo (1970) une nouvelle variation. C’est le dernier western, Hawks le sait, car John Wayne, bientôt, aura du mal à monter à cheval, et Hawks l’estime trop pour le montrer amoindri par la vieillesse. A soixante-quatorze ans, Howard Hawks prend sa retraite, pour se consacrer dorénavant à l’élevage des chevaux. Il mourra dans son ranch californien en 1977, sans avoir mené à bien un projet qui pourtant lui tenait à cœur : le remake d’Une Fille dans chaque port.

SCARFACE – Howard Hawks (1932)
Mais tout cela n’était rien au regard d’un autre élément, beaucoup plus important, du scénario : la sexualité. Plus que la violence et le sadisme de bon nombre de séquences, les rapports scabreux entre Tony et sa sœur Cesca épouvantèrent les puritains censeurs du Hays Office. Ils leur était intolérable qu’on pût assimiler l’incestueuse passion des Camonte à celle des Borgia. Force fut donc de procéder à des aménagements, à des coupures et d’inclure des scènes hautement édifiantes. 

HIS GIRL FRIDAY (La Dame du vendredi) – Howard Hawks (1940)
His Girl Friday (La Dame du vendredi) est une adaptation d’une célèbre pièce de théâtre nommée Front Page, écrite par le tandem Hecht et Mac Arthur, amis personnels d’Howard Hawks. Hecht fut par ailleurs un scénariste très prisé à Hollywood, et a travaillé à maintes reprises avec le réalisateur de The Big Sky (La Captive aux yeux clairs).

TO HAVE AND HAVE NOT (le Port de l’angoisse) – Howard Hawks (1944)
« Est-ce que tu crois qu’on pourrait créer un personnage féminin qui soit insolent, aussi insolent que Bogart, qui insulte les gens, qui le fasse en riant, et arriver à ce que le public aime ça ? » demanda Howard Hawks au scénariste Jules Furthman. Ainsi naquit le personnage de Marie Browning, la fille qui apprend à siffler à Bogart. Et ce n’est rien de dire que le public aima. Bogart, aussi, mais c’est une autre histoire.

THE BIG SLEEP (Le Grand sommeil) – Howard Hawks (1946)
Le vieux général Sternwood (Charles Waldron) charge le détective privé Marlowe (Humphrey Bogart) de résoudre une affaire de chantage dans laquelle est impliquée sa fille Carmen (Martha Vickers), une jeune femme aux mœurs très libres. L’enquête conduit le détective sur la piste d’un complot meurtrier dans lequel la jolie Vivian (Lauren Bacall), la seconde fille du général, semble jouer elle aussi un rôle obscur. En s’éprenant de cette dernière, Marlowe va devenir la cible de bandes rivales.  

MONKEY BUSINESS (Chérie, je me sens rajeunir) – Howard Hawks (1952)
Quinze ans après le triomphe de Bringing up Baby (L’Impossible Monsieur Bébé), Howard Hawks et Cary Grant renouent avec le ton résolument décalé de la « screwball comedy ». Mais le film fera également date pour avoir enfin révélé au grand public une certaine Marilyn Monroe.

GENTLEMEN PREFER BLONDES – Howard Hawks (1953)
Ce premier rôle de Marilyn dans une comédie musicale lui permit de révéler l’incroyable potentiel artistique qu’elle avait en elle: jouer, chanter, danser… Elle mit un tel cœur à démontrer ces qualités, et dépensa une telle énergie à les travailler que ce film est resté célèbre.


SCARFACE – Howard Hawks (1932)
Mais tout cela n’était rien au regard d’un autre élément, beaucoup plus important, du scénario : la sexualité. Plus que la violence et le sadisme de bon nombre de séquences, les rapports scabreux entre Tony et sa sœur Cesca épouvantèrent les puritains censeurs du Hays Office. Ils leur était intolérable qu’on pût assimiler l’incestueuse passion des Camonte à celle des Borgia. Force fut donc de procéder à des aménagements, à des coupures et d’inclure des scènes hautement édifiantes. 

BRINGING UP BABY (L’Impossible Monsieur Bébé) – Howard Hawks (1938)
Un chien, un léopard, une clavicule de brontosaure, une héritière foldingue, un savant ahuri : tels sont les principaux ingrédients de ce grand classique de la comédie américaine, L’Impossible Monsieur Bébé d’Howard Hawks… Quiproquos et poursuites s’enchaînent à un rythme échevelé dans le film où un paléontologue, à la recherche de la pièce manquante du squelette d’un brontosaure, ne trouve dans sa quête qu’une femme riche et extravagante, tombée amoureuse de lui. Humour, élégance, fantaisie : la classe quoi.

HIS GIRL FRIDAY (La Dame du vendredi) – Howard Hawks (1940)
His Girl Friday (La Dame du vendredi) est une adaptation d’une célèbre pièce de théâtre nommée Front Page, écrite par le tandem Hecht et Mac Arthur, amis personnels d’Howard Hawks. Hecht fut par ailleurs un scénariste très prisé à Hollywood, et a travaillé à maintes reprises avec le réalisateur de The Big Sky (La Captive aux yeux clairs).

TO HAVE AND HAVE NOT (le Port de l’angoisse) – Howard Hawks (1944)
« Est-ce que tu crois qu’on pourrait créer un personnage féminin qui soit insolent, aussi insolent que Bogart, qui insulte les gens, qui le fasse en riant, et arriver à ce que le public aime ça ? » demanda Howard Hawks au scénariste Jules Furthman. Ainsi naquit le personnage de Marie Browning, la fille qui apprend à siffler à Bogart. Et ce n’est rien de dire que le public aima. Bogart, aussi, mais c’est une autre histoire.

THE BIG SLEEP (Le Grand sommeil) – Howard Hawks (1946)
Le vieux général Sternwood (Charles Waldron) charge le détective privé Marlowe (Humphrey Bogart) de résoudre une affaire de chantage dans laquelle est impliquée sa fille Carmen (Martha Vickers), une jeune femme aux mœurs très libres. L’enquête conduit le détective sur la piste d’un complot meurtrier dans lequel la jolie Vivian (Lauren Bacall), la seconde fille du général, semble jouer elle aussi un rôle obscur. En s’éprenant de cette dernière, Marlowe va devenir la cible de bandes rivales.  

MONKEY BUSINESS (Chérie, je me sens rajeunir) – Howard Hawks (1952)
Quinze ans après le triomphe de Bringing up Baby (L’Impossible Monsieur Bébé), Howard Hawks et Cary Grant renouent avec le ton résolument décalé de la « screwball comedy ». Mais le film fera également date pour avoir enfin révélé au grand public une certaine Marilyn Monroe.

GENTLEMEN PREFER BLONDES – Howard Hawks (1953)
Ce premier rôle de Marilyn dans une comédie musicale lui permit de révéler l’incroyable potentiel artistique qu’elle avait en elle: jouer, chanter, danser… Elle mit un tel cœur à démontrer ces qualités, et dépensa une telle énergie à les travailler que ce film est resté célèbre.



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