Étiquette : Joseph L Mankiewicz

[prise de vue] JOSEPH L. MANKIEWICZ

Dans les films américains, les personnages sont définis par leurs attitudes, actions et réactions. Cependant, les protagonistes des films de Joseph Mankiewicz se distinguent par leur parole, omniprésente et essentielle. Bertrand Tavernier et Jean-Pierre Coursodon affirment dans Cinquante ans de cinéma américain que si le cinéma parlant n’existait pas, Joseph Mankiewicz l’aurait inventé.

5 FINGERS (L’Affaire Cicéron) – Joseph L. Mankiewicz (1952)

Diello, un serviteur jadis congédié qui lui propose une association, la comtesse Staviska réplique par une gifle. « Parce que vous m’avez parlé en domestique. Comme un être qui se croirait inférieur et qui essaierait d’acheter ce qu’il penserait ne pas mériter. » Scène qui donne le ton des rapports passionnants entre James Mason et Danielle Darrieux (splendides l’un et l’autre). Dialogues étincelants et mise en scène d’une élégance ironique, qui fait de cette Turquie neutre un immense jeu de dupes, que le héros croit, en vain, pouvoir dominer.

ALL ABOUT EVE (Ève) – Joseph L. Mankiewicz (1950)

Le 23 mars 1950, les Academy Awards (Oscars) sont décernés pour les films sortis l’année précédente. Joseph L. Mankiewicz est l’un des grands triomphateurs de la soirée, puisqu’il obtient, pour A Letter to Three Wives (Chaînes conjugales), l’Oscar du meilleur scénario et celui de la meilleure mise en scène de l’année. C’est une véritable consécration. Trois semaines plus tard, il commence le tournage d’All About Eve, le film le plus célèbre de sa période Fox.

HEAVEN CAN WAIT (Le Ciel peut attendre) – Ernst Lubitsch (1943)

Henry Van Cleve vient de mourir, une infirmière au visage d’ange à son chevet. Son existence fut dévolue au plaisir : il se présente donc spontanément devant le diable. Mais on n’obtient pas sa place en enfer aussi facilement. Pour que Lucifer puisse juger, Henry lui raconte sa vie, dont la plus grande qualité fut, sans conteste, sa merveilleuse épouse, Martha. A travers ce portrait d’un Casanova infantile et attachant, Lubitsch brode une apologie de la félicité conjugale. Il traite de l’amour, du deuil, de la trahison, du plaisir et de la mort avec la pudeur de ceux qui connaissent la fragilité du bonheur. Cette comédie où le cynisme côtoie la pureté et où la mélancolie flirte avec la légèreté gamine est riche en enseignements lubitschiens : il faut beaucoup de scarabées pour séduire les filles, ne jamais laisser passer une femme qui éternue, toujours avoir un grand-père indigne chez soi, et, surtout, faire confiance à l’amour et à la beauté en Technicolor de Gene Tierney. Le ciel peut attendre n’est pas du champagne : c’est un alcool doux et profond. Avec ce film testament, Lubitsch gagna à coup sûr son billet pour le paradis. [Guillemette Odicino – Télérama]

HUMPHREY BOGART : INSOLENT ET ROMANTIQUE

Humphrey Bogart naquit à New York le 23 janvier 1899. Son père, le docteur Belmont De Forest Bogart, était un des chirurgiens les plus renommés de la ville. Sa mère, Maud Humphrey, travaillait comme illustratrice pour des magazines. Après avoir fait ses études à la Trinity School, Bogart s’inscrit à la Philipps Academy d’Andover (Massachusetts) et prépare Yale. Expulsé pour mauvaise conduite, il s’engage en 1918 dans la marine, où il sert durant quelques mois. De retour à la vie civile, il entre au service du producteur de théâtre William A. Brady qui l’encourage à tenter une carrière d’acteur. Ses premières apparitions sont peu probantes, mais Bogart persiste et apprend progressivement à maîtriser son jeu. De 1923 à 1929, distribué le plus souvent dans des rôles de jeune premier chic et nonchalant, il travaille notamment sous la direction de John Cromwell (qui, en 1947, le dirigera dans Dead Reckoning – En marge de l’enquête), David Belasco et Guthrie McClintic.

THE BAREFOOT CONTESSA (La Comtesse aux pieds nus) – Joseph L. Mankiewicz (1954)

The Barefoot Contessa (La Comtesse aux pieds nus) est le film pivot de la carrière de Mankiewicz ; avant, c’est l’assimilation de tout un style de tournage hollywoodien poussé à sa perfection : All about Eve (Ève) , A Letter to three wives (Chaînes conjugales), The Ghost and Mrs. Muir (L’Aventure de Mme Muir) ; après, la porte ouverte à toutes les aventures, des productions de la Figaro Inc. à l’odyssée de Cléopâtre. La thématique de Mankiewicz se trouve donc à la fois à un terme et à un point de départ. Pour cette raison, si La Comtesse n’est peut-être pas le plus beau film de Mankiewicz, c’est en tout cas son film le plus évident. [Patrick Brion – L’Avant-Scène (n°68, mars 1967)]

A LETTER TO THREE WIVES (Chaînes conjugales) – Joseph L. Mankiewicz (1949)

Un samedi de mai, Deborah, Lora Mae et Rita délaissent leurs maris pour organiser un pique-nique sur les bords de la rivière avec un groupe d’enfants orphelins. Juste avant d’embarquer sur le bateau, elles reçoivent une lettre : Addie Ross leur apprend qu’elle a quitté la ville avec le mari de l’une d’entre elles. Pendant la promenade, chacune s’interroge pour savoir s’il s’agit du sien…

JOSEPH L. MANKIEWICZ

En 20 films, et autant de chefs-d’œuvre, Joseph L. Mankiewicz s’est installé au panthéon des plus grands réalisateurs hollywoodiens. Après avoir été dialoguiste et producteur, il met en scène ses propres scénarios, écrits d’une plume vive et acérée. Il fait tourner les plus grands – Ava Gardner, Marlon Brando, Humphrey Bogart, Bette Davis, Henry Fonda… –, décortique les rapports humains et moque avec finesse les différences sociales. Mais surtout, de Madame Muir à la Comtesse aux pieds nus, d’Eve à Cléopâtre, il filme ses actrices, les femmes, la Femme, avec virtuosité et élégance, dans un style si parfait qu’il en devient invisible. [Murielle Joudet – La Cinémathèque française]

PEOPLE WILL TALK (On murmure dans la ville) – Joseph L. Mankiewicz (1951)

Dans cette comédie dramatique, des cafards puritains friands de rumeurs fouillent le passé de Noah Praetorius et constituent un dossier sur lui. Indifférent aux commérages, Noah se concentre sur la vérité des êtres et tombe amoureux d’une femme en souffrance après avoir cherché à la comprendre. À ses côtés, un vieil homme silencieux et fidèle, cadeau du passé, sort de son mutisme pour écraser les cafards et faire triompher la vie. La mise en scène et Cary Grant oscillent merveilleusement entre fantaisie et émotion dramatique. À la fin de ce film résolument optimiste de Mankiewicz, Noah dirige l’orchestre du campus dans une ouverture de Brahms où les chœurs chantent « Réjouissons-nous ! ».

SOMEWHERE IN THE NIGHT (Quelque part dans la nuit) – Joseph L. Mankiewicz (1946)

Réalisé par Joseph L. Mankiewicz, Somewhere in The Night (Quelque part dans la nuit, 1946) place la figure du détective privé dans le dispositif des films sur les amnésiques. Sa forme repose sur les transcriptions visuelles de l’angoisse d’un homme sans mémoire qui cherche l’individu susceptible de l’éclairer sur son passé, puis découvre avec stupeur que celui qu’il veut retrouver n’est autre que lui-même. Et qu’il est un détective privé qu’on soupçonne de vol et d’assassinat.