Le Film Noir

SORRY, WRONG NUMBER (Raccrochez c’est une erreur !) – Anatole Litvak (1948)

Réalisateur tout-terrain, Anatole Litvak se débrouillait même avec le polar noir, comme le montre cette adaptation d’une pièce radiophonique à succès de Lucille Fletcher (diffusée à partir de 1943). Clouée au lit, pendue au téléphone, la riche héritière d’une compagnie pharmaceutique entend, par hasard, une conversation entre deux hommes projetant de tuer une femme. D’où, à l’écran, une œuvre hétéroclite, entre thriller conceptuel, mélodrame empoisonné et fantastique urbain (décor gothique de l’appartement à Manhattan, maison lugubre sur une plage de Staten Island), dont la structure apparaît un peu grossière et bricolée.

Par un kaléidoscope de flash-back avec voix off — figure majeure du film noir —, montés les uns après les autres ou imbriqués, le cinéaste pousse toutefois le genre dans ses retranchements. Il transforme le suspense d’origine en réflexion sur la folie, multipliant les interlocuteurs et les points de vue. Outre la composition névrotique de Barbara Stanwyck Double Indemnity (Assurance sur la mort, 1944), il n’est pas anodin que Sorry, wrong number soit l’exact contemporain d’un autre classique de Litvak,The Snake Pit (La Fosse aux serpents, 1948), l’une des premières fictions américaines se déroulant au sein d’un asile psychiatrique. [Nicolas Didier – Télérama]


Sorry, wrong number était, au départ, un script radiophonique de 22 minutes, écrit par Lucille Fletcher. Interprété sur les ondes par Agnes Moorehead, il avait la forme d’un monologue : il fut rediffusé sept fois entre 1943 et 1948 et traduit en quinze langues. La construction du film n’est pas aussi serrée ni aussi rigoureuse que celle de l’émission de radio mais illustre bien l’univers hermétique du monde noir et le sentiment de prise au piège. Le metteur en scène Anatole Litvak, qui, depuis la Russie, était arrivé aux Etats-Unis via l’Allemagne et la France, emploie des procédés stylistiques propres à l’expressionnisme ou au surréalisme. L’auto-emprisonnement est rendu par le mouvement circulaire de la caméra qui se déplace entre la table de nuit, surchargée de médicaments inutiles, et Leona elle-même, qui, couverte de dentelles est enfoncée dans son lit luxueux. Impuissante, elle surveille l’ombre de l’assassin grimpant l’escalier. Son seul lien avec l’extérieur – le téléphone – se révèle inutile ; elle ne peut que crier quand le gant de cuir du meurtrier vient lui arracher le combiné. Lancaster, distribué ici à contre-emploi, joue le rôle d’un homme ordinaire, portant des lunettes, terrifié par l’énorme Morano, bon à rien et velléitaire ; son jeu, contrastant avec l’hystérie mal réprimée de Leona, donne au film une vraisemblance qui manquait au scénario original. [Encyclopédie du film Noir – Alain Silver et Elizabeth Ward – Ed Rivages (1979)]

L’histoire

Leona Stevenson (Barbara Stanwyck), riche héritière invalide, se trouve un soir seule dans son appartement new-yorkais. En passant un coup de fil, elle intercepte la conversation de deux hommes qui projettent de tuer une femme. Comme la police ne peut rien tirer de cette trop vague information, Leona fait quelques recherches téléphoniques et finit par découvrir qu’elle est en fait la future victime. Leona, qui a tendance à s’apitoyer sur elle-même, souffre de troubles cardiaques psychosomatiques, Henry (Burt Lancaster), son mari, aussi faible qu’influençable, a cédé au chantage d’un sinistre individu du nom de Morano (William Conrad) qui le pousse à hâter la mort « imminente» de sa femme. Mais quand Henry apprend que la maladie cardiaque de sa femme a des origines psychiques, il veut arrêter le plan de Morano. Ce dernier refuse : il ordonne à Henry de quitter la ville et s’arrangera pour qu’on pense que Leona a été tuée au cours d’un cambriolage. Henry, plein de remords, téléphone à sa femme pour la prévenir : elle hurle soudain en voyant le meurtrier approcher, incapable de fuir ; quelqu’un reprend alors le combiné et dit : « Vous faites erreur ». Henry, en sortant de la cabine téléphonique est arrêté par la police qui avait percé son plan.


LE FILM NOIR
Comment un cycle de films américains est-il devenu l’un des mouvements les plus influents de l’histoire du cinéma ? Au cours de sa période classique, qui s’étend de 1941 à 1958, le genre était tourné en dérision par la critique. Lloyd Shearer, par exemple, dans un article pour le supplément dominical du New York Times (« C’est à croire que le Crime paie », du 5 août 1945) se moquait de la mode de films « de criminels », qu’il qualifiait de « meurtriers », « lubriques », remplis de « tripes et de sang »… Lire la suite

DOUBLE INDEMNITY (Assurance sur la mort) – Billy Wilder (1944)
Billy Wilder choisit deux vedettes à contre-emploi. Barbara Stanwyck, l’héroïne volontaire et positive de tant de drames réalistes – et même de comédies – va incarner une tueuse, et Fred MacMurray, acteur sympathique et nonchalant par excellence, va se retrouver dans la peau d’un criminel.




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