La période de l’entre-deux-guerres correspond à l’apogée de l’empire colonial français : colonies, protectorats, territoires sous mandat constituent le deuxième empire mondial, juste après celui de la Grande-Bretagne. Il y avait là une matière cinématographique très riche à exploiter, et on peut s’étonner que les réalisateurs français n’y aient pas recouru plus fréquemment.

La raison principale en est sans doute le coût élevé des tournages en pays lointain, et la difficulté de maintenir plusieurs semaines des équipes et un matériel très lourd loin de la métropole. Peut-être un certain manque d’intérêt du public français pour les colonies a-t-il aussi joué son rôle ? Mais la première raison a dû être la plus déterminante. En effet, plus les territoires sont éloignés, et plus les films se font rares. L’Afrique du Nord arrive largement en tête, suivie de loin par l’Afrique noire (A.O.F. et A.E.F.). Quant à Madagascar et l’Indochine, ils sont à peine représentés.

Les escadrons du désert
L’Afrique du Nord apparaît surtout comme le théâtre d’épopées militaires et l’occasion d’exhiber les uniformes photogéniques des tirailleurs, spahis, légionnaires et méharistes. Les histoires « civiles » y sont beaucoup plus rares. Entre Le Bled (1929) film muet de Jean Renoir et L’Appel du bled (1941) de Maurice Gleize, il n’y a guère de film notable à mentionner, hormis les histoires « pittoresques » du style de Pépé le Moko. Il est intéressant de signaler que le film de Renoir, commande officielle du gouverneur pour célébrer le centenaire de la conquête de l’Algérie, fut la seule initiative de cette nature. Quant aux colons et aux simples habitants des villes, ils ne semblent guère avoir intéressé les cinéastes français. Ne parlons pas des « indigènes », simples figurants ou rebelles voués à l’écrasement par nos forces.

Côté « militaires», on trouve quelques films célèbres comme Le Grand Jeu (1933), de Feyder, sur la Légion ou La Bandera de Duvivier, sur la légion espagnole. Feyder avait déjà tourné du temps du muet une Atlantide d’après Pierre Benoit dont Pabst fit un excellent remake en 1932. Les uniformes des officiers méharistes y faisaient merveille. Par contre le célèbre « Escadron blanc » de Joseph Peyré fut réalisé par les Italiens en Tripolitaine, transposé dans leur armée… Trois de Saint-Cyr (1939) de Jean-Paul Paulin était censé se dérouler en Syrie, mais il fut tourné en Tunisie avec de puissants moyens militaires mis à la disposition du cinéaste sur ordre de Daladier lui-même. Le mirage du Sahara et du grand Sud se révèle dans plusieurs titres : S.O.S. Sahara (Jacques de Baroncelli, 1938), Bar du Sud (Henri Fescourt, 1938), La Piste du sud (Pierre Billon, 1938) et Courrier Sud (aussi de P. Billon, 1936) d’après le roman à succès de Saint-Exupery. Il apparaissait également dans Légions d’honneur (Maurice Gleize, 1938), Grand Prix du cinéma français pour 1938, année décidément fertile pour le genre. Parmi les films antérieurs, on peut encore mentionner Baroud (1931) film français réalisé par Rex Ingram et Alice Terry et Ittö (1934) de Jean Benoît-Levy et Marie Epstein, film intéressant par son caractère semi-documentaire, malheureusement noyé dans une intrigue très faible.

Certains cinéastes ont eu à un moment donné de leur carrière une prédilection marquée pour le cinéma colonial. Parmi eux, Marcel L’Herbier et Léon Poirier. Au premier, on doit La Route impériale (1935), situé en Irak, mais tourné en Afrique du Nord et surtout Les Hommes nouveaux (1936). Tiré d’un roman de Claude Farrère, ce dernier film présente l’intérêt d’être un des rares à peindre la vie et l’activité des colons, dans le Maroc de Lyautey (lequel apparaissait dans le film, interprété par Signoret) puis dans le même pays, vingt ans plus tard. Malgré les inévitables conventions, Les Hommes nouveaux parvenaient parfois à approcher la vérité du monde colonial.

L’Afrique et l’Indochine
Léon Poirier, auteur de la fameuse Croisière noire et de quelques documentaires exotiques, est encore plus soucieux de réalisme. On lui doit notamment L’Appel du silence (1936), biographie du Père de Foucauld où apparaissaient également le général Lapperine et le marquis de Morès, et Brazza ou l’épopée du Congo (1939) consacré au célèbre explorateur. En 1930, Poirier avait déjà donné Caïn, aventures des mers exotiques, sorte de réplique mineure à Tabou, réalisé à Nossi-Bé, petite île française au large de Madagascar. Pour la beauté des images et des paysages, le film conserve un certain charme à base d’authenticité. Sur l’Afrique noire, il n’y a guère à retenir que L’Homme du Niger (1939) de J. de Baroncelli, où l’œuvre colonisatrice de la France était parfois assez bien évoquée. On peut aussi mentionner une curiosité d’époque, Le Paradis de Satan (1938) de Félix Gandéra, sombre feuilleton situé (et tourné en partie) en Guinée portugaise, et dans lequel Pierre Renoir et Jany Holt faisaient d’intéressantes compositions.

L’Indochine fut encore plus maltraitée par nos cinéastes. Au temps du muet, Feyder avait eu un projet d’après « Le Roi lépreux » de Pierre Benoit, mais le film ne fut jamais tourné et il n’en reste qu’un documentaire, sorte de journal de repérage réalisé par Henri Chomette. A part quelques documentaires ou un semi documentaire comme Courrier d’Asie (1939), il n’y a guère à citer qu’un méchant film de Walter-Kapps, Mahlia la métisse commencé en 1939, terminé en 1942 avec d’autres acteurs, mais comportant d’authentiques extérieurs indochinois. Le bilan du cinéma colonial est donc assez mince. En 1939, fut réalisé tardivement et dans un but de propagande un documentaire de long métrage, intitulé La France est un empire. Il est vraiment dommage que le cinéma français ne s’en soit pas avisé plus tôt. [La grande histoire illustrée du 7ème art – Editions Atlas (1982)]


LA BANDERA – Julien Duvivier (1935)
Après avoir tué un homme, Pierre Gilieth s’enfuit et passe en Espagne, où il s’engage dans la Légion étrangère… (…) Dans le cinéma français d’alors, la mode était aux films de légionnaires, et Le Grand Jeu, de Jacques Feyder, avec Pierre Richard-Willm (1934), était déjà un classique. Celui-ci aurait d’ailleurs dû tenir le rôle de Gilieth. Il revint à Gabin.

PÉPÉ LE MOKO – Julien Duvivier (1937)
Des ruelles, un dédale grouillant de vie, où Julien Duvivier filme des pieds, des pas, des ombres portées : la Casbah est un maquis imprenable par la police, où Pépé le Moko (« moco » : marin toulonnais en argot) a trouvé refuge. Ce malfrat au grand cœur (Gabin) s’y sent comme chez lui. Il y étouffe aussi. Quand ses rêves de liberté, sa nostalgie de Paname prennent les traits d’une demi-mondaine, Pépé, on le sait, est condamné…
- LIFEBOAT – Alfred Hitchcock (1944)
- I DIED A THOUSAND TIMES (La Peur au ventre) – Stuart Heisler (1955)
- BARBARA STANWYCK
- ALL ABOUT EVE (Ève) – Joseph L. Mankiewicz (1950)
- [AUTOUR DE « L’IMPOSTEUR »] HOLLYWOOD S’EN VA-T-EN GUERRE
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