Si son nom n’est guère plus connu que par les cinéphiles, l’héroïne des épopées d’Abel Gance et des comédies de René Clair fut en son temps la plus grande star féminine du cinéma français, avant de tenter sans grand succès l’aventure hollywoodienne.
Violine Fleuri, tel était le nom poétique imaginé pour son personnage, par Abel Gance, qu’on rencontre à l’orée de sa carrière… C’était dans le fameux Napoléon (1927), où débutait, à seize ans à peine, une ingénue qui s’appelait en réalité Suzanne Charpentier, et qui tout de suite imposerait ce pseudonyme euphonique d’Annabella. Très remarquée au milieu d’une distribution féminine pourtant nombreuse et relevée, de Gina Manès à Suzanne Bianchetti, la nouvelle vedette allait tourner après Maldonne (1927) de Jean Grémillon, aux côtés de Charles Dullin, suivi d’un ou deux films de moindre importance.
Mais c’est le parlant qui allait la consacrer grande star du cinéma français et faire d’elle la reine des écrans nouveaux, surtout entre 1930 et 1935, puis, dans une seconde carrière internationale, jusqu’à la guerre. La première année faste d’Annabella se situe en 1931, grâce à trois titres : Autour d’une enquête, de Robert Siodmak, tourné en Allemagne en deux versions, selon la mode d’alors, la version française étant dirigée par Henri Chomette, le frère de René Clair ; Un soir de rafle de Carmine Gallone, cinéaste italien (mais le scénario est d’Henri Decoin et de Henri-Georges Clouzot), où elle a pour partenaire Albert Préjean ; et surtout Le Million de René Clair, où elle remporte un triomphe personnel. Fraîche, rieuse, éclatante, elle est exquise dans le personnage de Béatrice, et sa présence illumine le chef-d’œuvre de René Clair.

Elle retrouve ce dernier l’année suivante pour Quatorze Juillet, où elle incarne Anna, l’émouvante petite fleuriste amoureuse, et où elle est si possible encore meilleure. Entre-temps, elle aura tourné Paris-Méditerranée aux côtés de Jean Murat, qui sera son mari et avec qui elle forme pendant plusieurs années le « couple idéal » du cinéma français, puis Marie, légende hongroise et Gardez le sourire, deux grands films du cinéaste hongrois Paul Fejos, qui la confirment vedette internationale.

Après La Bataille, d’après Claude Farrère, où elle fait une étonnante composition du personnage de la marquise Mitsouko Yorisaka, voici encore deux grands rôles : Denise, la coquette de L’Équipage, d’après Joseph Kessel (Anatole Litvak, 1935), et surtout Aïcha, la jeune Berbère amoureuse de Gabin dans La Bandera (1935), un film de Julien Duvivier, d’après le roman de Pierre Mac Orlan. C’est, avec les deux films de René Clair, le sommet de sa carrière. Après Anne-Marie (1936), personnage d’aviatrice écrit par Saint-Exupéry (son seul scénario), elle tourne deux ou trois films en Angleterre, puis rentre en France pour une de ses incarnations les plus fameuses, la jeune candidate au suicide d’Hôtel du Nord (Marcel Carné, 1938).

Hollywood lui fait alors un pont d’or et la voilà star américaine. Elle épouse le beau jeune premier à la mode, Tyrone Power, son partenaire dans Suez (1938), réalisé par l’illustre vétéran Allan Dwan. C’est en Amérique qu’elle passera toute la guerre, jouant dans des films de propagande peu importants, sauf 13, rue Madeleine (1945) d’ Henry Hathaway. En 1944, elle sera dirigée au théâtre par Elia Kazan. En 1946, elle créera également, à New York, « Huis clos » de Jean-Paul Sartre, sous la direction de John Huston. Sa carrière s’achèvera sans éclat en France vers 1948. Son personnage appartenait trop à « notre avant-guerre » pour s’acclimater au monde d’après 1954. Elle avait été sacrée meilleure actrice à la Biennale de Venise de 1936 pour Veille d’armes de Marcel L’Herbier.

Pour autant, Annabella n’a pas tourné le dos à la France, et elle accepte en 1938 la proposition d’un producteur avec qui elle a souvent travaillé : l’adaptation du roman Hôtel du Nord, qui sera confiée à Marcel Carné, le jeune cinéaste de Quai des brumes. La comédienne interprète donc la jeune femme suicidaire du filin, sans tenir rigueur à Carné et à son scénariste Henri Jeanson d’avoir réduit son rôle au profit de ceux d’Arletty et de Louis Jouvet. Au cours de la guerre, qu’elle passe aux États-Unis, Annabella ne tourne que trois films peu mémorables. En 1946, Henry Hathaway la dirige dans un film d’espionnage plus intéressant, 13 rue Madeleine, mais suite à sa rupture avec Tyrone Power, l’actrice choisit de rentrer en Europe. Elle fait son « comeback » en 1948 dans Éternel conflit, un film taillé sur mesure pour elle, mais qui ne suffit pas à relancer sa carrière. Après deux autres tentatives en France, et deux films tournés en Espagne, Annabella décide en 1954 de mettre fin à sa carrière. Elle se consacrera désormais à des œuvres caritatives, devenant notamment visiteuse de prison. Et c’est dans un relatif oubli que s’éteindra, le 18 septembre 1996, l’héroïne de La Bandera et d’Hôtel du Nord...

HÔTEL DU NORD – Marcel Carné (1938)
Hôtel du Nord est d’abord un film de producteur, celui de Un hôtel modeste au bord du canal Saint-Martin… Inutile de raconter l’histoire, ce qui compte, évidemment, c’est… l’atmosphère de ce quatrième film de Marcel Carné. Au départ, il est embauché par la société de production Sedi pour tourner un film avec la star du studio, la jeune et douce Annabella. On ne lui donne qu’une directive : faire un Quai des brumes, mais un Quai des brumes moral…

LE MILLION – René Clair (1931)
Généralement considéré comme le chef-d’ œuvre de René Clair, Le Million est le résultat d’une fusion particulièrement heureuse entre la tradition du vaudeville et les expériences d’avant-garde. Dans la structure circulaire de la course poursuite, classique chez René Clair, le texte sert de support aux gags, aux digressions, au dénouement d’actions indépendantes ; ainsi, par de nombreux aspects, ce film se rattache à Un chapeau de paille d’Italie (1927).

LA BANDERA – Julien Duvivier (1935)
Après avoir tué un homme, Pierre Gilieth s’enfuit et passe en Espagne, où il s’engage dans la Légion étrangère… (…) Dans le cinéma français d’alors, la mode était aux films de légionnaires, et Le Grand Jeu, de Jacques Feyder, avec Pierre Richard-Willm (1934), était déjà un classique. Celui-ci aurait d’ailleurs dû tenir le rôle de Gilieth. Il revint à Gabin.

- LIFEBOAT – Alfred Hitchcock (1944)
- I DIED A THOUSAND TIMES (La Peur au ventre) – Stuart Heisler (1955)
- BARBARA STANWYCK
- ALL ABOUT EVE (Ève) – Joseph L. Mankiewicz (1950)
- [AUTOUR DE « L’IMPOSTEUR »] HOLLYWOOD S’EN VA-T-EN GUERRE
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