Le Film Noir

TOUCH OF EVIL (La Soif du mal) – Orson Welles (1958)

La limousine d’un riche promoteur explose à Los Robles, une petite ville située à la frontière du Texas et du Mexique. Vargas (Charlton Heston), un enquêteur mexicain qui passe sa lune de miel à cet endroit, est témoin de l’attentat. Il propose son aide au shérif américain Hank Quinlan (Orson Welles), mais prend rapidement la mesure de ses préjugés racistes et de ses méthodes de travail plutôt douteuses. Constatant que Quinlan a forgé de toutes pièces des preuves pour accabler un suspect, il décide de s’emparer de l’affaire. Pour Grandi (Akim Tamiroff), le patron d’une filière de drogue, c’est là une occasion rêvée pour proposer un marché à Quinlan. Vagas est en effet devenu leur ennemi commun – et une cible idéale que son union à une jeune Américaine, Susan (Janet Leigh), rend particulièrement vulnérable. [Film Noir 100 All-Time Favorite – Paul Duncan, Jürgen Müller – Edition Taschen – (2013)]


Dix années séparent Touch of evil de Macbeth, le précédent film hollywoodien d’Orson Welles. Celui-ci n’a au cours de cette décennie tourné que deux films, Othello (1952) et Mr. Arkadin (1955), réalisés dans des conditions techniques et financières souvent très difficiles, C’est pourtant avec un certain enthousiasme que les dirigeants de l’Universal vont accepter que Welles réalise le film. À ce propos les hypothèses demeurent nombreuses. L’hypothèse habituellement retenue veut que ce soit Charlton Heston qui ait conseillé Welles comme metteur en scène lorsqu’on lui proposa le rôle de Vargas en lui indiquant que Welles serait son partenaire. Il est également possible que le producteur Albert Zugsmith ait engagé de lui-même Welles qui venait de jouer dans Man in the Shadow/Pay the Devil (Le Salaire du diable) de Jack Arnold dont il était déjà, quelques mois plus tôt, le producteur. Autre éventualité : Heston n’aurait accepté le rôle que si Welles réalisait le film, le cinéaste ayant de son côté déjà repoussé l’offre de jouer Quinlan…

Si Albert Zugsmith a visiblement été heureux que Welles réalise le film, les financiers de l’Universal sont, en revanche, moins rassurés, craignant que l’auteur de Citizen Kane embarque la compagnie dans une aventure dispendieuse. Le tournage commence le 18 février 1957 en studio, et Welles, plus habile que jamais, tourne en quelques heures plusieurs pages de scénario, réalisant en un jour ce qui était prévu en quatre. Le fait que Welles ait fait des répétitions très précises, l’utilisation de plans séquences superbement maîtrisés – il s’agit de la scène de l’arrestation de Manolo Sanchez, une scène où s’affrontent déjà Vargas et Quinlan – et l’efficacité du chef opérateur Russell Merry ont permis cette véritable prouesse. Techniquement, la scène est d’ailleurs admirable, les différents personnages évoluant autour de la caméra se rapprochant, s’éloignant, revenant, circulant autour de cette caméra plus présente que jamais. Les rapports des espions envoyés par la direction de la compagnie rassurent les inquiets, comme si Welles avait changé… Le cinéaste a désormais la paix. Il va pouvoir tourner son film comme il le veut. Il choisit alors de quitter le studio, où on peut trop facilement le surveiller, et de transporter son équipe à Venice – c’est Aldous Huxley qui lui avait conseillé cette petite ville – et de tourner de nuit, ce qui élimine encore plus les interférences entre la direction et lui. Comme le constatait Janet Leigh : « Ils ne surent jamais exactement ce qui se passait. » À la fin du tournage de nuit, dans la journée, Welles, au lieu de se reposer, réécrit le scénario apportant à la fin de l’après-midi aux acteurs et aux techniciens les nouvelles pages de celui-ci. « Il avait pris, déclarait son assistant Terry Nelson, la maîtrise absolue de la création en réécrivant si constamment que personne d’autre que lui ne savait au juste ce dont on aurait besoin.»

Metteur en scène et scénariste du film, Welles sait également que le fait qu’il joue l’un des rôles principaux empêche, en cas de problème, l’Universal de le remplacer à moins de retourner toutes les scènes déjà réalisées… L’interprétation est elle-même un curieux mélange. Welles a insisté pour avoir son vieil ami Akim Tamiroff, Joseph Cotten apparaît dans un petit rôle, MarIene Dietrich elle-même accepte un troublant rôle de composition en souvenir de celui qui fut son partenaire et Dennis Weaver crée un stupéfiant personnage de veilleur de nuit halluciné que le cinéaste développe, en fonction des qualités du comédien. Janet Leigh, choisie par le studio, se casse le bras gauche peu de temps avant le début du tournage alors qu’elle interprétait à la télévision avec Jesse White une scène de Carnage from Britain. Cet accident excite l’imagination de Welles qui refuse avec raison de se séparer de l’actrice et hésite à la faire jouer le bras en écharpe alors qu’elle interprète dans le film une jeune mariée en voyage de noces. Le bras de Janet Leigh est finalement plâtré, et l’on s’arrange pour qu’il soit invisible pour la caméra ou caché sous l’imperméable que l’actrice porte sur son bras gauche. Le plâtre ne sera enlevé au cours du tournage que très brièvement, lors de la réalisation de la scène du motel, où Susan est attaquée par le gang d' »Oncle Joe » Grandi.

Le 14 mars, Welles tourne ce qui va être le premier plan du film, un admirable plan séquence de plus de trois minutes qui cadre successivement la bombe – des bâtons de dynamite -, l’assassin en train de la mettre dans la voiture, Vargas et sa femme, Linnekar et sa compagne Zita, la caméra semblant se jouer des immeubles, passant d’une rue à une autre, cadrant des figurants en un ballet virtuose, en un fascinant exercice de style. Le tournage se déroule sans problèmes, mais le prémontage déplaît aux dirigeants de l’Universal qui décident alors de faire remonter le film sous la direction d’Ernest Nims, l’un des responsables de la production, et de faire tourner des séquences supplémentaires par Harry Keller, l’un des cinéastes habituels de la firme. Charlton Heston et Janet Leigh, prêts à refuser de participer à ces nouvelles scènes, découvrent que leurs contrats ne leur laissent aucun choix. Ils constatent d’ailleurs que Keller – réalisateur de films intéressants comme The Unguarded Moment, Quantez et The Female animal – est, sans posséder le génie de Welles, un excellent technicien. Welles a compris que, de toute façon, l’Universal ne lui permettrait pas de réaliser lui-même ces nouvelles scènes. Il part au Mexique poursuivre l’aventure de son Don Quichotte, en Louisiane interpréter, sous la direction de Martin Ritt, The Long hot summer (Les Feux de l’été) puis, en décembre 1957, pour l’Italie.

Le film est distribué dans une première version de 93 minutes. Par la suite, une version plus complète, de 108 minutes, est retrouvée. Elle a l’avantage de posséder des scènes nouvelles et des morceaux de scènes qui ne figuraient pas initialement, mais qui ne sont pas nécessairement de Welles mais également de Harry Keller. Parmi ces nouvelles scènes, une conversation entre Quinlan et Vargas sur le rôle et la nature de la police, une autre entre Vargas et sa femme – cette séquence-là est de Keller -, l’explication donnée par Menzies à Susan de la blessure à la jambe de Quinlan, une brève scène entre le veilleur de nuit et Vargas, et le moment où Menzies est « branché » avec l’aide de Vargas, à la fin. Interrogé sur les rapports qui existent entre le roman originel et son scénario, Welles déclarait : « Mon Dieu ! Je n’ai jamais lu ce roman ; je n’ai lu que le scénario de l’Universal. Le roman a peut-être un sens, mais le scénario était ridicule. Tout se passait à San Diego et non sur la frontière mexicaine, ce qui change tout à fait la situation. La raison qui m’a poussé à faire de Vargas un Mexicain est d’ordre politique, je voulais montrer comment Tijuana et les villes frontières sont corrompues par toutes sortes de micmacs plus ou moins publicitaires sur les relations américaines ; c’est là la seule raison. »

La vérité est un peu plus complexe car le résultat final bénéficie tout à la fois du roman de Whit Masterson, du scénario original de Paul Monash, trop souvent oublié, et évidemment de celui de Welles. Sans vouloir exagérément rentrer dans les détails, on peut noter que, dans le roman, l’assassinat du début, la machination du policier pour faire accuser le fiancé de la fille de la victime et les rapports entre les différents policiers sont déjà parties intégrantes de l’action. Le scénario de Monash diffère du roman en rendant responsable du meurtre de Linnekar le jeune garçon soupçonné par Quinlan – auquel il donne déjà raison, avant même que Welles ne s’intéresse au film – et en développant le rôle de la famille Grandi. Le scénario se termine – déjà, aussi — par une « épitaphe » laudatrice de Quinlan.

Totalement revu par Welles, le nouveau scénario développe d’une manière assez curieuse les relations entre Vargas et Quinlan, les posant avant tout sur le thème de l’antagonisme racial. Les deux policiers finissent d’ailleurs par se ressembler en plusieurs points. L’un et l’autre sont des fanatiques de la loi et de l’ordre, prêts à tout sacrifier pour les faire régner. Quinlan n’hésite pas à fabriquer des preuves lorsqu’il n’en possède pas pour légitimer ses « intimes convictions », le paradoxe voulant ici que ce soit lui qui ait raison et que Je jeune Mexicain qu’il a fait inculper avec de fausses preuves soit réellement l’assassin. De son côté, Vargas sacrifie son voyage de noces et la sécurité de sa propre femme, Susan, à la haine qu’il porte à la famille Grandi qu’il est prêt à rendre responsable de tous les maux. L’égoïsme de Vargas et le fait que Quinlan soit, à la fin, trahi par Menzies, son propre ami, manipulé par Vargas, contribuent à rendre plus ambiguës les relations entre Quinlan et Vargas.

Orson Welles s’est toujours défendu d’avoir voulu rendre sympathique Quinlan. « Moi, disait-il, je crois en tout ce que dit le personnage joué par Heston. Ce que dit Vargas, je pourrais le dire moi-même. Il parle en homme élevé selon la tradition libérale classique, qui est absolument mienne, Donc, l’angle sous lequel il faut prendre le film est que, quoi que dise Vargas, il est mon porte-parole. Aussi, vaut-il mieux voir un meurtrier libre que la police autorisée à abuser de son pouvoir. Pour moi, Quinlan est l’incarnation de tout ce contre quoi je lutte, politiquement et moralement parlant. Je suis contre Quinlan parce qu’il veut s’arroger le droit de juger.»

À la fin du film, pourtant, Tanya (Marlene Dietrich), parlant au policier Schwartz, lui dit à propos de Quinlan : « C’était un homme. Mais quelle importance peut avoir ce qu’on dit de quelqu’un ? »  Marlène Dietrich a elle-même reconnu : « Je pense que je n’ai jamais dit une ligne aussi bien que la dernière du film. » La manière dont Welles – âgé de quarante-deux ans au moment du tournage, en 1957 – interprète Quinlan demeure à l’origine de cette ambiguïté. Comme Charles Foster Kane, comme Macbeth, comme Arkadin, comme Falstaff, Hank Quinlan est quelqu’un à qui l’on peut beaucoup pardonner car c’est un homme hors du commun, un de ces héros shakespeariens dont la démesure les fait échapper aux normes classiques et les rend – malgré tout – fascinants.

De tous les films de Welles, Touch of evil est sans aucun doute le plus noir, le plus cauchemardesque, encore plus kafkaïen que ne le sera Le Procès. La petite ville de Los Robles, une de ces bourgades frontières à mi-chemin entre les États-Unis et le Mexique, symbolise la corruption et la pourriture, physique et morale. On y assassine à la dynamite une puissance locale et sa compagne, on cherche à y vitrioler un policier et, à quelques kilomètres, le motel où se réfugie Susan est le lieu d’un véritable ballet diabolique où se mêlent la xénophobie, le sexe et la drogue. L’apparition de Mercedes McCambridge et de ses deux compagnes établit d’un coup qu’elle est lesbienne, une « butch » qui avoue à propos de ce qui menace la blonde Janet Leigh : « Le plaisir ne fait que commencer » puis « Laissez-moi rester ! Je veux regarder ! ». Quelques mois après Touch of evil, Janet Leigh s’arrêtera pour son malheur au Bates Motel dans Psychose, d’Alfred Hitchcock, la présence de la même actrice établissant soudain de curieux liens entre ces deux films, renforcés par le fait que le veilleur de nuit halluciné campé par Dennis Weaver peut avoir influencé Hitchcock dans sa manière de diriger Anthony Perkins.

En dépit de la violence oppressive, de l’atmosphère malsaine des scènes du motel et de la véritable inquiétude engendrée par la présence de ce gang de blousons noirs criminels, Touch of evil ne sembla pas avoir particulièrement choqué ni les censeurs de l’époque ni les dirigeants de l’Universal, plus enclins à reprocher au film de Welles son style que sa violence… [Le film noir – Patrick Brion – Editions de la La Martinière (2004)]



Avec Touch of evil, Welles clôture avec logique la période du film noir classique. Il pousse également à son paroxysme le thème central de ces films, à savoir le doute sur la capacité de l’homme à appréhender la réalité au monde moderne. Les perspectives extrêmes et le recours à un objectif déformant à grand angle renforcent l’impression d’excentricité qui se dégage de personnages parfois parodiques. Les travellings au rythme effréné et la profondeur de champ exceptionnelle rendent difficile l’orientation visuelle et révèlent l’absurdité de toute quête de vérité. Los Robles, ville frontalière miteuse, devient le symbole d’un monde chaotique où les frontières entre le bien et le mal sont depuis longtemps estompées. À la fin du film, lorsque Quinlan, allongé dans les marécages souillés par les ordures, meurt d’une balle tirée par son seul ami, il échappe à une condamnation morale manifeste. Comme le fait remarquer judicieusement son ancienne maîtresse Tanya (Marlene Dietrich) : « C’était un homme bien particulier. »

Dans le rôle de Hank Quinlan, Welles fait une de ses performances les plus convaincantes. Son énorme ventre, sa claudication, ses yeux mi-clos et son goût pour les cigares et les sucreries, tout contribue à construire un personnage à la fois effrayant et minable mais qui peut pourtant émouvoir lorsqu’il exprime sa nostalgie pour la femme qu’il a perdue quelques années auparavant. Tanya, la diseuse de bonne aventure et Menzies, son adjoint, témoignent qu’il peut aussi inspirer de l’affection et du dévouement. Les personnages secondaires sont également essentiels pour étayer l’atmosphère sombre du film ; l’obscène et vulgaire Grandi avec ses cheveux plaqués et huileux ; sa bande de jeunes sadiques dont une lesbienne ; le gardien de nuit débile du motel à l’élocution confuse et au discours incohérent. Welles fait de Quinlan une figure imposante et énergique dont le visage reflète l’ancienne mais intense angoisse provoquée par le mystérieux meurtre de sa femme ainsi que la corruption fatale qui va le détruire. L’image de Quinlan titubant dans la rivière boueuse et pleine de détritus pour y mourir est lin moment à la fois grotesque et tragique, souligné par l’épitaphe de Tanya : « Ca c’était un homme ». [Film Noir 100 All-Time Favorite – Paul Duncan, Jürgen Müller – Edition Taschen – (2013)]



Welles s’est surpassé pour démontrer qu’il demeurait un artiste crédible, capable d ‘attirer le public. Après des années de fumisteries autodestructrices et quelques bégaiements créatifs, ce modeste thriller de série B permit au génie de faire son retour dans le cinéma. Voilà un homme dont le premier film, Citizen Kane, changea pour toujours la grammaire cinématographique, et qui offre au film noir sa syntaxe : la ténébreuse quête de vérité sur des terres où l’ambiguïté morale fait loi, l’acceptation cynique de la corruption par le pouvoir, le style visuel anti-conventionnel et avant-gardiste. Avec Touch of evil, le plus influent des réalisateurs contemporains se retrouvait à travailler pour le producteur Albert Zugsmith, qui allait enchaîner sur des chefs-d’œuvre tels que Sex kittens go to college et The Incredible sex Revolution.

Après avoir passé la plus grande partie des années 1950 en exil en Europe, Welles retourna en Amérique, paranoïaque, alcoolique et avec le fisc aux fesses : il était donc obligé de faire l’acteur pour des raisons alimentaires. Zugsmith lui proposa le rôle de Quinlan, et Welles, qui manœuvrait pour faire son come-back chez les majors, répondit qu’il reprendrait le script, mettrait en scène et jouerait juste pour son seul cachet d’acteur. Il transforma un film supposé mettre en valeur Charlton Heston (qui venait de terminer The Ten commandments en une espèce d’auto-flagellation assez ubuesque.

En effet, la corruption de Quinlan fait écho à la propre disgrâce de Welles. Comme Quinlan, Welles mena une carrière faite de concessions, dans laquelle son flair fantastique, et une ostentation flagrante furent perçus comme du travail d’orfèvre très élaboré. Comme Quinlan, il s’entoura de béni-oui-oui qui adulaient son brio, aussi artificiel soit-il. Comme Quinlan, il mentait scandaleusement sur quiconque osait critiquer ses méthodes de travail ou ses habitudes personnelles.

Regarder Touch of evil revient à boire du vin millésimé juste avant qu’il ne tourne au vinaigre. C’est entêtant, fort en goût et plein de personnalité, tout en laissant un arrière-goût un peu nauséeux. La réalisation est enivrante, parfois magnifique, mais quand on sait que ce film conclut la carrière hollywoodienne d’Orson Welles, on reste sur une douloureuse gueule de bois. Alors qu’il aurait pu être l’artiste le plus original du siècle, Welles gâcha son talent, à cause de son ego et de ses ambitions incontrôlables, en productions intéressantes mais décevantes. C’était un sacré bonhomme, mais finalement à quoi bon dire ça ? [Dark City, Le monde perdu du film noir – Eddie Muller – Rivages Ecrits / Noirs (2015)]


ORSON WELLES
C’est grâce à quelques hommes comme Orson Welles que le cinématographe est resté un art, à une époque où il menaçait de n’être plus qu’une industrie. Souvent incomprise, parfois mutilée, son œuvre demeure aujourd’hui un exemple esthétique et moral pour les créateurs dignes de ce nom.


Les extraits

LE FILM NOIR
Comment un cycle de films américains est-il devenu l’un des mouvements les plus influents de l’histoire du cinéma ? Au cours de sa période classique, qui s’étend de 1941 à 1958, le genre était tourné en dérision par la critique. Lloyd Shearer, par exemple, dans un article pour le supplément dominical du New York Times (« C’est à croire que le Crime paie », du 5 août 1945) se moquait de la mode de films « de criminels », qu’il qualifiait de « meurtriers », « lubriques », remplis de « tripes et de sang »…


ON SET – TOUCH OF EVIL (La Soif du mal) – Orson Welles (1958)

CITIZEN KANE – Orson Welles (1941)
Depuis 1962, le sondage annuel du magazine Sight & Sound place Citizen Kane en tête des meilleurs films de l’histoire du cinéma. La légende de Citizen Kane vient en partie du fait que Welles avait vingt-quatre ans à l’époque, mais aussi du rapprochement évident entre Kane et le magnat de la presse William Randolph Hearst. Celui-ci remua ciel et terre pour interrompre la production du film puis, incapable d’en empêcher la sortie, il fit tout pour le discréditer. Mais au-delà de remue-ménage, Citizen Kane est une œuvre d’une importance majeure, pour maintes raisons…

THE LADY FROM SHANGHAI – Orson Welles (1947)
« Si j’avais pu prévoir où tout cela me mènerait, je ne me serais jamais lancé dans cette aventure… si j’avais gardé ma lucidité je veux dire. Mais dès que je l’ai vue, dès la première minute, mon esprit chavira, et il me fallut pas mal de temps pour retrouver la raison. »



Le polar noir

Dans le film noir, le rôle du policier est généralement de traquer le tueur ou d’empêcher le journaliste ou le détective privé de mener sa propre enquête. Cependant, certains films révèlent également la face obscure de la police, comme On Dangerous ground (La Maison dans l’ombre, 1952), dans lequel Robert Ryan incarne un flic ,brutal qui trouve la rédemption lorsqu’une jeune aveugle (Ida Lupino) lui ouvre les yeux. D’autres montrent des policiers si obsédés par leur travail qu’ils vont plus loin que leurs supérieurs ou la loi ne le permettent, comme Nocturne (1946), The Hunted (1948), Naked alibi (Alibi meurtrier, 1954) ou le fameux The Big combo (Association criminelle, 1955). Même un bon flic cherchera vengeance si on le pousse trop loin, comme on le voit dans The Big heat (Règlement de comptes, 1953) et Rogue cop (Sur la trace du crime, 1954), tous deux tirés de romans de William P. McGivern, dans lesquels un policier venge la mort d’un membre de sa famille. Il advient même que, corrompu par le pouvoir qu’ils détiennent, les dépositaires de la loi deviennent eux aussi des hors-la-loi. Dans I Wake up screaming (Qui a tué Vicky Lynn ?, 1941), le héros (Victor Mature) s’évade de prison pour prouver son innocence, mais est poursuivi par un inspecteur peu scrupuleux (Laird Cregar). Dans The Prowler (Le Rôdeur, 1951}, un policier (Van Heflin) séduit une femme au foyer (Evelyn Keyes), puis décide de tuer son mari. Dans Shield for murder (Le Bouclier du crime, 1954), le lieutenant Barney (Edmond O’Brien) abat un bookmaker et fait passer le meurtre pour de la légitime défense. Mais le flic ripou par excellence est Hank Quinlan (Orson Welles) dans Touch of evil (La Soif du mal, 1958). D’autant plus intéressant que Welles le rend plus humain, Quinlan fascine par son ambiguïté morale, thème exploré plus avant dans Coup de torchon (1981) et Bad Lieutenant (1992).




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