Les Actrices et Acteurs

WILLIAM HOLDEN

William Holden est un modèle de conscience professionnelle. La sobriété de son jeu lui a permis, sous la direction des meilleurs cinéastes, d’incarner des personnages complexes et toujours nuancés.

Survenue le 16 novembre 1981 à Santa Monica, en des circonstances qui n’ont jamais été parfaitement élucidées, la mort de William Holden a laissé un grand vide dans le cinéma américain. En effet, cet acteur, qui avait accédé aux plus grands rôles à force de persévérance et de talent, avait personnifié mieux que quiconque les vertus élémentaires d’une classe moyenne qui, sous des apparences un peu ternes, recélait des convictions idéologiques et religieuses solides, ainsi que de grandes capacités de dévouement. Discret jusqu’à l’effacement, mais habité par une conscience professionnelle peu commune, William Holden laissait volontiers, à l’apogée de sa carrière, ses partenaires se tailler la part du lion si les nécessités de l’action le commandaient. Ce fut notamment le cas avec Le Pont de la rivière Kwaï (The Bridge on the River Kwai, 1957), où les scènes les plus fortes revinrent à Alec Guinness et Sessue Hayakawa.

Cette modestie, qui obéissait chez lui à un idéal d’intégrité personnelle, lui aura été en définitive très profitable. La sobriété de son jeu lui a permis d’incarner des personnages tout en nuance et en complexité, et d’associer son nom à un nombre assez impressionnant d’excellents films : peu d’Oscars furent aussi mérités que celui qu’il obtint pour son interprétation dans Stalag 17 (1953) de Billy Wilder. Enfin, William Holden sut admirablement vieillir. A la fin de sa vie, alors qu’il partageait son existence entre Hollywood et son ranch du Kenya, où il se consacrait à la préservation de quelque trois cents espèces animales, il disait : « Je n’ai certainement pas envie de rajeunir. Plus vous vieillissez, plus vous gagnez en savoir. Votre capital de connaissance ne cesse de s’agrandir. »

De son vrai nom William Franklin Beedle, William Holden est né le 17 avril 1918 à O’Fallon, dans l’Illinois. Remarqué par un talent scout de la Paramount, alors qu’il jouait, avec le groupe théâtral du Pasadena Junior College, une pièce consacrée à Pierre et Marie Curie, il est engagé à l’essai pour une période de six mois, moyennant une rémunération hebdomadaire de 50 dollars. Il n’a guère plus de vingt ans lorsqu’on lui offre la possibilité de donner la réplique à Barbara Stanwyck dans L’Esclave aux mains d’or (Golden Boy, 1939) de Rouben Mamoulian, ce dont il s’acquitte très correctement. Jusqu’en 1942, il pourra dès lors perfectionner son jeu dans des rôles de jeunes premiers qui ne lui permettront pas encore de connaître la célébrité, mais qui lui vaudront une indéniable considération professionnelle.

La guerre va cependant interrompre sa progression. Requis pour jouer dans de petits films d’instruction militaire, William Holden éprouvera, à sa démobilisation, quelques difficultés à s’imposer, et devra se contenter, jusqu’à la fin des années 1940, de films sans grand relief. La chance survient toutefois en la personne de Billy Wilder, qui lui propose d’interpréter le personnage de Joe Gillis dans l’admirable Boulevard du Crépuscule (Sunset Boulevard, 1950), aux côtés de Gloria Swanson et d’Erich von Stroheim. William Holden y fera une création remarquable, conférant une saisissante réalité au scénariste désargenté qui, cyniquement, devient le gigolo de la vieille star déchue.

Si cette peinture véritablement terrifiante du déclin des gloires hollywoodiennes n’a pas recueilli un grand succès commercial, elle aura permis à William Holden, en revanche, de donner toute la mesure de son talent. Sa simplicité naturelle va lui attirer la sympathie des metteurs en scène les plus exigeants, qui apprécieront son authenticité dans l’expression des sentiments les plus subtils. William Holden sera ainsi très convaincant dans Comment l’esprit vient aux femmes (Born Yesterday, 1950) de George Cukor, dans Stalag 17 de Billy Wilder dans La Lune était bleue (The Moon is Blue, 1953), d’Otto Preminger, dans La Tour des ambitieux (Executive Suite, 1954) de Robert Wise, dans Sabrina (1954), encore de Wilder ou dans ces bouleversant et délicats mélodrames, de 1955, que sont La Colline de l’adieu (Love Is a Many Splendored Thing) de Henry King et Picnic de Joshua Logan.

Acteur désormais des plus cotés, William Holden est alors loin d’avoir épuisé ses possibilités. Après Le Pont de la rivière Kwaï de David Lean, et Les Cavaliers (The Horse Soldiers, 1959) de John Ford, il saura gagner encore en épaisseur et en densité dramatiques. Au tout début des années 1960, il contribue puissamment à la réussite de deux chefs-d’œuvre méconnus : Trahison sur commande (The Counterfeit Traitor, 1962) de George Seaton, et surtout Une Histoire de Chine (Satan Never Sleeps, 1962) de Leo McCarey.

Dans le premier film, William Holden est un homme d’affaires suédois qui, pendant la Seconde Guerre mondiale, commerce avec les Allemands, s’attirant la réprobation de son entourage. En réalité, le héros travaille pour le compte des Alliés, profitant de ses fréquents voyages en Allemagne pour les renseigner. Ce passionnant tableau de l’Allemagne en guerre, fort éloigné des conventions hollywoodiennes, tourne à la tragédie, William Holden jouant avec une dignité poignante ce personnage pris au piège des passions idéologiques et nationales, et condamné à la plus cruelle des solitudes.

Mais le rôle le plus difficile et le plus profond de sa carrière, William Holden devait le trouver dans Une histoire de Chine, film qui fut parfaitement incompris en son temps. C’est en effet l’histoire d’un prêtre catholique qui, en pleine guerre civile chinoise, rejoint une mission et se heurte à l’intolérance de l’armée rouge, tandis que son cœur se trouve partagé entre sa vocation sacerdotale et les sentiments que lui inspire une jeune Chinoise. Le récit, qui devait s’achever par le sacrifice du prêtre, fut malheureusement dénaturé par les producteurs, Leo McCarey s’étant vu retirer la direction du film cinq jours. avant la fin du tournage. Il n’en demeure pas moins que la foi naïve du grand cinéaste illumine le film de bout en bout, et que William Holden assume avec une sincérité absolue ce rôle que tout autre acteur que lui aurait sans doute rendu grotesque.

Tout en s’adonnant à ses passions favorites telles que l’écologie, l’anthropologie et l’archéologie, William Holden allait poursuivre, de la fin des années 1960 jusqu’à sa mort, une carrière exemplaire. Cette dernière période avait débuté avec La Horde sauvage (The Wild Bunch, 1969) de Sam Peckinpah, bientôt suivi de Deux Hommes dans l’Quet (Wild Rovers, 1971), où, sous la direction inspirée de Blake Edwards, il était un vieux cow-boy que le démon de la liberté précipitait dans le gouffre de la tragédie. Sa lucidité professionnelle, alliée à une conscience courageuse et sereine de son vieillissement, lui permit ensuite de jouer avec une extrême élégance le quinquagénaire qui, dans le très surprenant Breezy (1973) de Clint Eastwood, tombait sous le charme d’une adorable nymphette sans se ridiculiser. C’est tout son poids, tout son capital d’expérience humaine et toute son intelligence que William Holden apportait dans ce conte sensible et clairvoyant.

A cinquante-huit ans, William Holden n’a sans doute plus rien à prouver. Et pourtant, en 1976, il trouve encore le moyen de nous impressionner avec Network de Sidney Lumet. Cette fable virulente sur les mass media est certes fort loin d’être un chef-d’œuvre. Mais William Holden y donne avec une distance pathétique l’image d’un type d’Américain en voie de disparition. C’est que l’univers cinématographique qui l’a révélé est, lui aussi, en train de mourir, et tel est précisément le thème du film qu’il tourne ensuite avec son vieux complice Billy Wilder, l’impitoyable et cependant nostalgique Fedora (1978). L’acteur y est toujours aussi juste et aussi économe de ses moyens, comme il le sera encore, pour la dernière fois, dans S.O.B. (1981) de Blake Edwards. [La grande histoire illustrée du 7ème art – Editions Atlas (1983)]


SUNSET BOULEVARD (Boulevard du crépuscule) – Billy Wilder (1950)
Un homme flotte sur le ventre dans une piscine ; les policiers tentent maladroitement de repêcher le cadavre. Le début de Sunset Boulevard est l’un des plus déstabilisants et en même temps des plus brillants de l’histoire du cinéma. Joe Gillis (William Holden), un petit scénariste sans succès, y raconte comment sa rencontre avec l’ancienne star du muet Norma Desmond (Gloria Swanson) l’a conduit à sa perte.

BORN YESTERDAY (Comment l’esprit vient aux femmes) – George Cukor (1950)
Belle, blonde et sotte, Billie est la petite amie d’un homme d’affaire puissant mais véreux. Celui-ci profite de l’ignorance de sa compagne pour la compromettre dans des affaires louches, jusqu’à ce qu’elle découvre la vérité grâce à un journaliste engagé pour lui apporter un semblant d’éducation. Judy Holliday remporta l’oscar de la meilleur actrice en 1950 pour sa très drôle et brillante prestation dans le rôle de Billie, qu’elle interpréta aussi bien au théâtre qu’au cinéma.

THE BRIDGE ON THE RIVER KWAI (Le Pont de la rivière Kwaï) – David Lean (1957)
Le colonel anglais Nicholson et ses hommes sont faits prisonniers par l’armée japonaise, dans la jungle birmane. Ils doivent obéir au sanguinaire colonel nippon Saito et construire un pont sur la rivière Kwaï pour assurer la liaison entre Bangkok et Rangoon… Cette superproduction guerrière, loin de se complaire dans les clichés d’usage, ­radiographie scrupuleusement la folie destructrice qui ronge le cœur des hommes.


1 réponse »

  1. sobriété dans son jeu mais pas avec la bouteille 😉

    Fin ddes années 60 on le retrouve dans un film de Terence Young, l’arbre de Noël ou il joue avec le grandissime Bourvil. Le rôle d’un père qui voit son fils mourir lentement

    Film poignant

    J’aime

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