La Comédie musicale

PAL JOEY (La Blonde ou la Rousse) – George Sidney (1957)

Le chanteur de music-hall Joey Evans est un séducteur impénitent qui a la réputation de créer des tas d’ennuis à ceux qui l’emploient. Débarquant à San Francisco, il parvient à se faire engager dans un cabaret, où il entreprend de conquérir une jeune danseuse, mais cet homme ambitieux et sans scrupule va également tenter de séduire une femme du monde qui pourrait l’aider à monter son propre établissement.  Sortie en 1957, cette comédie musicale de George Sidney bénéficie de la présence de trois grandes stars (Rita HayworthFrank Sinatra – Kim Novak), ainsi que d’une bande originale entièrement signée Richard Rodgers et Lorenz Hart.  

Le titre original du film de George Sidney, Pal Joey, perd nettement de son ironie dans sa version française, La Blonde ou la Rousse, choisi sans doute pour s’accorder à notre goût supposé pour les triangles amoureux. Mais Pal Joey, qu’on pourrait traduire par « mon copain Joey », souligne en fait que le héros du film (et plus encore celui du spectacle dont il est adapté) n’a en réalité rien de sympathique. S’il peut déployer tous ses charmes, c’est pour obtenir des autres ce qu’il souhaite, que ce soit du travail, de l’argent, ou du sexe. La Columbia a beau avoir adouci autant que possible l’amoralité du personnage, le film n’en détone pas moins au milieu des comédies musicales de la fin des années 1950, qui dans l’ensemble restent pleines de bons sentiments. On peut sans doute y voir le signe de la mutation qui mènera au déclin du genre au cours de la décennie suivante… Mais qu’on se rassure : si cette œuvre au ton amer n’a pas grand-chose d’une comédie, elle reste néanmoins très musicale. Sa somptueuse bande originale comprend une dizaine de chansons écrites dans les années 1930 par Richard Rodgers et Lorenz Hart, magnifiquement réorchestrées par Nelson Riddle, l’arrangeur attitré de Frank Sinatra. [Comédie Musicale – La Blonde ou la rousse – Eric Quéméré – n°37]

Inspiré des « lettres » écrites par John 0’Hara et signées « Your Pal Joey », le Pal Joey original fut monté à Broadway en 1940 avec Gene Kelly (Joey), Vivienne Segal (Vera), Leila Ernst (Linda) et June Havoc (Gladys) et repris en 1952 avec Vivienne Segal et Harold Lane. Harry Cohn, le patron de la Columbia, en acheta les droits cinématographiques, espérant ensuite le tourner dans la foulée de Cover Girl avec de nouveau – Gene Kelly et Rita Hayworth. Victor Saville devait réaliser le film sur un scénario de Lesser Samuels mais Gene Kelly, désormais sous contrat à la Metro-Goldwyn-Mayer, ne pouvait plus être récupéré. Diverses solutions furent, avant et après l’hypothèse Kelly-Hayworth, envisagées. James Cagney puis Cary Grant auraient pu jouer le rôle de Joey alors que celui de Vera fut fictivement attribué à Bebe Daniels, Gloria Swanson, Irene Dunne, Grace Moore, Ethel Merman, Gladys Swarthout et MarIene Dietrich. Cette dernière insista – lorsqu’on lui parla du projet – pour que Frank Sinatra personnifie Joey Evans.

Intervint ensuite Billy Wilder qui proposa MarIon Brando pour le rôle de Joey et Mae West pour celui de Vera. Les multiples propositions de Brando empêchèrent le projet qui ne se concrétisa donc qu’en 1957, Rita Hayworth joua le personnage de Vera alors qu’initialement c’est celui de Linda qui lui était dévolu dix ans plus tôt, Sinatra interprétant Joey, George Sidney, qui avait déjà dirigé Kim Novak dans The Eddy Duchin Story et Jeanne Eagels, se retrouve face aux deux plus célèbres actrices de la Columbia, la vedette d’hier (Rita Hayworth) et celle d’aujourd’hui (Kim Novak). Ceux qui craignaient – ou espéraient – que le tournage ne devienne un affrontement entre les deux actrices furent vite déçus. Rita Hayworth et Kim Novak furent deux remarquables camarades de travail. Déprimé par Chicago où se passait à l’origine l’intrigue et qu’il trouvait une ville minable, George Sidney décida de transporter l’histoire à San Francisco afin de lui donner le «chien» indispensable. Il dut cependant affronter le froid et le brouillard…  [La comédie musicale, du Chanteur de Jazz à Cabaret – Patrick Brion – Editions de La Martinière (1993)]

Le problème posé par l’adaptation de ce spectacle à succès est que son intrigue a toutes les chances de rebuter les représentants du Code Hays. La scénariste Dorothy Kingsley se voit donc chargée de la rendre moins scabreuse : l’opportuniste Joey s’avère ainsi plus sympathique ; Vera Simpson, qui était dans la pièce une femme mariée, devient une honorable veuve ; et la fin de l’histoire est rendue plus optimiste. De même, plusieurs des chansons de Rodgers et Hart sont jugées trop explicites : certaines sont donc escamotées, d’autres en partie réécrites – c’est le cas du célèbre Bewitched, Bothered and Bewildered. Pour compenser, quatre grands succès du tandem se verront ajoutés au film, bien qu’ils ne figurent pas dans le spectacle original : There’s a Small Hotel, My Funny Valentine, I Didn’t Know know what time it was et The Lady Is a Tramp, une satire de la haute société, habilement utilisée comme un camouflet adressé à Vera…

Un autre camouflet – réel celui-là – est d’avoir confié le rôle de Vera, « la femme mûre », à Rita Hayworth. Âgée de 38 ans au moment du tournage, l’actrice a en fait trois ans de moins que Frank Sinatra. Mais Harry Cohn, qui a fait d’elle la star numéro 1 de la Columbia, veut lui faire payer le fait d’être restée absente des écrans depuis quatre ans pour se consacrer à sa vie privée. Pire encore, Rita Hayworth a obtenu de mettre fin à son contrat, et Pal Joey doit être son dernier film pour le studio. Furieux, Cohn pousse la vengeance jusqu’à lui donner pour rivale dans le film la jeune Kim Novak, dont tout le monde sait à Hollywood qu’elle est la remplaçante d’Hayworth au sein de la Columbia… Les deux actrices (qui sont doublées pour les chansons) s’entendent malgré tout très bien sur le plateau, et le tournage se déroule sans histoire, d’avril à juin 1957. Sorti en salles à l’automne suivant, Pal Joey atteindra vite les premières places du box-office, et vaudra à Sinatra un Golden Globe.

PAL JOEY (La Blonde ou la Rousse) – George Sidney (1957)
L’histoire

Désargenté mais charmeur, Joey Evans (Frank Sinatra) réussit à se faire engager à San Francisco où il vient d’arriver, au Club 626 que dirige Mike Miggins (Hank Henry). Il fait la connaissance de la blonde Linda English (Kim Novak) dont il devient l’ami. Participant à une soirée de charité, il découvre que Vera Simpson (Rita Hayworth), l’hôtesse des lieux, est en réalité une ex-strip-teaseuse. Il lui demande de faire son ancien numéro, espérant ainsi augmenter la valeur des dons reçus. Vera s’exécute et effectue une ébauche de strip-tease… Intriguée par l’audace de Joey, Vera décide de se rendre au Club 626 pour le voir chanter. Elle finit même par vouloir ouvrir une boîte de nuit dont Joey serait la vedette. Linda souffre de voir les relations de Joey et de Vera devenir de plus en plus précises. Vera découvre de son côté que Linda n’est pas seulement pour  Joey une camarade de travail. Elle exige alors que la jeune femme parte. Joey tente de forcer Linda à partir d’elle-même en lui révélant qu’il voulait lui faire faire un numéro de strip-tease et non de chant. Linda est ulcérée mais, par amour pour Joey, elle accepte d’effectuer un numéro de striptease. Joey interrompt lui-même le numéro. Vera décide alors de licencier toute la troupe et de ne jamais ouvrir « Chez Joey », Linda demande à Vera de revenir sur sa décision, lui offrant de partir si elle l’exige. Vera accepte et rejoint Joey à qui elle propose le mariage. Joey refuse et demande inversement à Linda de partager sa vie.

Programme musical (sélection)
There’s A Small Hotel
Music by Richard Rodgers
Words by Lorenz Hart
Performed by Frank Sinatra
Zip
Music by Richard Rodgers
Words by Lorenz Hart
Performed by Rita Hayworth (partially dubbed by Jo Ann Greer)
Bewitched, Bothered and Bewildered
Music by Richard Rodgers
Lyrics by Lorenz Hart
Performed by Rita Hayworth (partially dubbed by Jo Ann Greer)
Also reprised by Frank Sinatra
My Funny Valentine
Music by Richard Rodgers
Words by Lorenz Hart
Performed by Kim Novak (dubbed by Trudy Stevens)
What Do I Care For a Dame
Music by Richard Rodgers
Lyrics by Lorenz Hart
Performed by Frank Sinatra, Rita Hayworth, Kim Novak, Barbara Nichols and Ensemble

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