Les films d’André Cayatte ont symbolisé tout ce que détestaient les jeunes cinéastes de la nouvelle vague et tout ce contre quoi avait lutté l’équipe des Cahiers du Cinéma pendant des années. Avec André Cayatte, en effet, l’art du cinéma se ramène à une simple mise en images d’un scénario et ne se distingue pas, en substance, du théâtre. Ancien scénariste lui-même, il aime à travailler avec des acteurs chevronnés et ne dédaigne pas d’utiliser les vedettes chères au grand public. Sa mise en scène ne répugne pas aux effets dramatiques les plus éprouvés, et les sujets qu’il aborde sont toujours traités en fonction de leur impact immédiat sur le public. André Cayatte ne travaille pas pour le plaisir des esthètes, c’est le moins que l’on puisse dire, mais pour l’édification des foules. Il y a toujours eu chez lui une véritable rage de convaincre.




Né à Carcassonne en 1909, licencié en droit, André Cayatte est entré en relation avec le monde du cinéma en plaidant dans une affaire de falsification de sujet. Il jouissait déjà, alors, d’une certaine notoriété dans la république des Lettres, publiant des articles et des romans dont certains ont d’ailleurs retenu l’attention de la critique. En 1930, avec le poète René Char, il avait fondé la revue Méridiens. Ses films garderont toujours une empreinte littéraire et théâtrale, et il ne semble pas que Cayatte, à l’instar, du reste, de la plupart des réalisateurs français de sa génération, ait jamais réfléchi sur les possibilités du septième art en tant qu’expression spécifique. C’est précisément ce que lui reprocheront les jeunes-turcs de la nouvelle vague, marqués par l’exemple de Renoir, de Cocteau et de Bresson.




« Il faut voir qu’il y avait un côté idéologique dans tout ça, Cayatte était un représentant de la gauche engagée, faisait des films de témoignages, des films sociaux, des films à thèse a t-on dit – une étiquette qu’il réfutait. Il est certain que Truffaut qui, à l’époque, était de droite, dans une vision élitiste et formaliste du cinéma, plutôt esthète, ne pouvait que rejeter ce cinéma-là. » Noël Herpe




Son premier film, La Fausse Maîtresse (1942), est tourné pendant l’Occupation; il est produit par la Continental, ainsi que ses trois films suivants, dont on peut retenir Pierre et Jean (1943) et Au Bonheur des dames (1943), d’après Maupassant. Fort de cette expérience, il tente ensuite, avec Le Chanteur inconnu (1946), un intéressant essai de caméra subjective, puis une transposition dans l’époque contemporaine de l’histoire de Roméo et Juliette, Les Amants de Vérone (1949). Le succès ne viendra toutefois qu’avec ses films suivants.




A partir de Justice est faite (1950), en effet, André Cayatte se souvient qu’il a d’abord été un avocat, et il va s’ingénier à appliquer à ses films les techniques classiques du prétoire. Il se fait alors une spécialité des sujets controversés, tirant profit de son passé de scénariste et s’entourant de solides professionnels comme Charles Spaak. Les limites de la justice, la peine de mort, la stupidité de la guerre, tels seront, entre autres, les thèmes de ce cinéaste qui, non sans une indéniable conviction, va s’attacher désormais à dénoncer les horreurs de la « barbarie sociale ». S’ils ne soulèvent guère l’enthousiasme des cinéphiles exigeants des films comme Nous sommes tous des assassins (1951), Avant le déluge (1953), Le Dossier noir (1955) ou Le Passage du Rhin (1960) vont susciter des débats passionnés dans la presse, dans les commissions de censure, et parfois même dans les tribunaux. A cet égard, André Cayatte aura incontestablement marqué de sa présence le cinéma français des années 1950, ce qui ne sera plus le cas après l’avènement de la nouvelle vague.




« Le cinéma de Cayatte reste du bon cinéma, il n’est en rien manichéen, il implique le spectateur, le titre n’est pas pour rien : « Nous sommes tous des assassins ». Cayatte interroge le spectateur, lui demande de se mettre à la place du personnage, de voir ce qu’il ferait lui. C’est déjà un questionnement, c’est rare à l’époque. Ensuite, lorsqu’on voit qu’un nouveau sondage dit que 57% des Français sont pour la peine de mort, Cayatte lui, était contre la peine de mort – ce sont donc des sujets qui sont extrêmement passionnants, et d’autre part, c’était un très bon directeur d’acteurs. Il y a des performances d’acteurs remarquables dans ses films. » Michel Ciment




S’il cherche à renouveler son inspiration en puisant dans l’actualité, comme pour Mourir d’aimer (1971), Cayatte n’en demeure pas moins un cinéaste terriblement académique, dont les démonstrations ne convainquent plus guère. Il laissera le souvenir d’un homme sincère qui, pour avoir voulu être un auteur, n’en aura pas moins représenté, aux yeux de la jeune génération, la pire manière d’envisager la création au cinéma.


- LIFEBOAT – Alfred Hitchcock (1944)
- I DIED A THOUSAND TIMES (La Peur au ventre) – Stuart Heisler (1955)
- BARBARA STANWYCK
- ALL ABOUT EVE (Ève) – Joseph L. Mankiewicz (1950)
- [AUTOUR DE « L’IMPOSTEUR »] HOLLYWOOD S’EN VA-T-EN GUERRE
Catégories :Les Réalisateurs