LES FILS DE LA NUIT
Vampires, monstres créés par de diaboliques savants, loups-garous, mutants, toute cette effroyable engeance s’échappa des studios hollywoodiens au cours des années 1930 pour terroriser des millions de spectateurs ravis.
Vampires, monstres créés par de diaboliques savants, loups-garous, mutants, toute cette effroyable engeance s’échappa des studios hollywoodiens au cours des années 1930 pour terroriser des millions de spectateurs ravis.
En Europe comme à Hollywood, des fantômes très freudiens envahissent les écrans. Emanations du subconscient collectif, ange et démons incarnent les angoisses et les incertitudes des années d’après-guerre.
La guerre est à la porte : Quand sort Frères corses, Robert Siodmak est plongé dans la réalisation de ce qui sera son plus grand succès public en France, Pièges. Ce film marque les débuts de Maurice Chevalier dans le registre dramatique : de retour dans les studios cinématographiques après deux ans d’absence, « Momo » a décidé d’abandonner son canotier et le vaudeville du Casino de Paris pour un rôle sérieux et exigeant : celui d’un directeur d’une boîte de nuit accusé à tort de meurtre (ce qui lui permet quand même d’interpréter deux chansons célèbres : « Elle pleurait comme une Madeleine » et « Mon amour »).
Criss Cross (Pour toi j’ai tué, 1949) associe un grand nombre des thèmes du film noir : l’obsession ou l’amour « fou » qui provoque la perte des amants fugitifs ; la narration à la première personne entrelacée avec une structure en flash-back ; un cambriolage complexe au cœur de l’intrigue ; une simple trahison. The Killers (Les Tueurs, 1946), autre film de Robert Siodmak, présente une juxtaposition d’éléments similaire sous la forme narrative suivante : un enquêteur cherche à comprendre pourquoi un homme s’est laissé abattre sans opposer la moindre résistance et reconstitue son histoire à partir d’entretiens évoqués dans des flash-back. Tout comme dans Criss Cross, le sort du héros (incarné par Burt Lancaster dans les deux cas) dépend d’une femme fatale et d’une trahison après un casse.
Comment un cycle de films américains est-il devenu l’un des mouvements les plus influents de l’histoire du cinéma ? Au cours de sa période classique, qui s’étend de 1941 à 1958, le genre était tourné en dérision par la critique. Lloyd Shearer, par exemple, dans un article pour le supplément dominical du New York Times (« C’est à croire que le Crime paie », du 5 août 1945) se moquait de la mode de films « de criminels », qu’il qualifiait de « meurtriers », « lubriques », remplis de « tripes et de sang »…
Née en 1929 de la fusion de la RCA et de la chaîne de cinémas Keith-Albee-Orpheum, la RKO va se hisser rapidement au rang des « majors companies », mais cessera ses activités en 1956.
Héritiers des films de gangsters des années 30 et des films noirs des années 40, les thrillers des années 50 sont marqués par un réalisme impitoyable, notamment dans l’expression de la violence. A l’aube des années 50, le cinéma policier américain porte en lui un double héritage. La construction dramatique des films de gangsters des années 30, fondée sur le principe classique qui veut qu’au bouleversement d’un certain ordre des choses succède l’instauration d’un ordre plus juste et plus solide, reste la référence de nombreux scénaristes. Mais ces films, qui retraçaient selon ce schéma l’ascension et la chute d’un malfaiteur, continuent d’exercer leur influence dans leur manière de décrire l’univers criminel des grandes villes américaines, ainsi que dans leur façon de faire culminer l’action dans certains types de séquences : poursuites de voitures, fusillades.
Le monde du Noir est fondamentalement un monde de cauchemar. Il est rempli d’étranges synchronismes, d’événements inexpliqués et de rencontres de hasard, créant un enchaînement qui entraîne ses malheureux protagonistes vers une fin annoncée.
Phantom Lady est le premier « film noir » hollywoodien de Robert Siodmak. Le futur réalisateur des Tueurs trouve avec l’histoire de William Irish un thème exemplaire : un innocent injustement condamné à mort, des témoins qui mentent, une jeune femme courageuse menant sa propre enquête, et parallèlement, un criminel aussi séduisant qu’impitoyable.
Comme nombre de policiers français des années 50, Touchez pas au grisbi puise directement aux sources du film noir, genre officiellement né à Hollywood en 1941. Le point sur une petite révolution sans laquelle on ne saurait comprendre le film de Jacques Becker.
Un passé mystérieux, un amour qui dure jusqu’à la mort, un destin auquel on ne peut échapper : The Killers mérite bien d’être considéré comme un film noir par excellence. Mais avec son héros dont la fin tragique est exposée dès le début par des flash-back, le spécialiste du genre Robert Siodmak exige beaucoup de son public, d’autant que l’on s’identifie volontiers à ce boxeur débonnaire dont la seule erreur, visiblement, n’a été que de s’éprendre de la mauvaise femme…
Les héros du film noir sont souvent des êtres hantés par leur passé. De fait, ce poids du passé est sans doute l’un des thèmes majeurs du genre. Dans le classique de Robert Siodmak The Killers (Les Tueurs, 1946), basé sur la nouvelle d’Ernest Hemingway, le personnage principal, Swede (Burt Lancaster), attend avec résignation d’être tué par deux voyous, sachant que son passé a fini par le rattraper…
Comme The Killers (Les Tueurs), mis en scène deux ans plus tôt par Robert Siodmak et produit par le même Mark Hellinger, Criss Cross (Pour toi, j’ai tué) décrit des personnages littéralement damnés et incapables d’échapper à leur destin. Ni Anna (Yvonne de Carlo), qui a tenté en trahissant les uns et les autres de se sauver elle-même, ni Steve (Burt Lancaster), éternel « looser » d’une Amérique florissante, ni Slim (Dan Duryea), le mauvais garçon au smoking blanc, ne parviendront à fuir la malédiction qui semble les poursuivre. Les deux premiers seront abattus par le troisième, futur prisonnier d’une police dont les sirènes annoncent déjà l’arrivée. Une fois de plus, c’est un monde nocturne que peint Siodmak, un monde dans lequel la police – symbolisée par Pete Ramirez – n’est pas plus sympathique que ceux qu’elle combat en pratiquant les mêmes compromissions et les mêmes trahisons. Alors que souvent le film noir oppose à cette société corrompue et corruptible la tendresse désespérée d’un couple traqué, Criss Cross est un constat tragique, à l’image de son héros trahi.
Martin Rome a été blessé au cours d’un échange de coups de feu avec un policier qu’il a abattu. Cloué sur son lit d’hôpital, il est soupçonné par le lieutenant Candella d’un autre meurtre, assorti d’un vol de bijoux. Comme Rome, Candella vient de Little Italy, le quartier new-yorkais des immigrés italiens. Cry of the City (La Proie) fait partie des polars semi-documentaires dont s’enorgueillissait alors la 20th Century Fox.
La trame de cette œuvre longtemps considérée comme perdue, revêt une importance non négligeable dans la filmographie de Siodmak. Les dernières images renvoient à un genre de récit bien défini : la déchéance pathétique d’un aventurier, suite de tableaux teintés de romantisme maritime à la Corto Maltese. En vérité, il s’agit d’autre chose. Mollenard se compose de deux parties très différentes, l’une, chinoise, sertie comme une envahissante parenthèse dans l’autre. Cette juxtaposition indispensable au propos nuit cependant à l’unité stylistique du film.