Hommage au génie du compositeur Irving Berlin, dont les chansons parsèment le film, There’s no business like show business (La Joyeuse parade) a également pour but de mettre en valeur les talents scéniques de Marilyn. Et ce, malgré les réticences de la star à se lancer dans un tel projet.

Une jupe échancrée et un haut de bikini bien ajusté : quand Marilyn apparaît, la température monte d’un coup. Le spectateur, endormi par des chansons vieillottes, se réveille en sueur. Cette fille vient d’une autre planète, d’un autre film : There’s no business like show business tente de recréer le vaudeville des années 1930 mais oublie que ce temps-là est bien fini. Ce que l’on veut à présent, c’est une femme en pantalon étroit, chantant lascivement sur son canapé son désir de paresse, ou reprochant aux hommes, toutes jambes dehors, de se fatiguer d’elle dès qu’ils ont obtenu ce qu’ils attendaient d’elle. Marilyn ne voulait pas de ce film, et elle se venge en lançant sa sexualité à la tête de l’univers puritain du musical hollywoodien. Cette femme-là, c’est une rebelle, une fille des fifties. Et ça se voit. [Ophelie Wiel – Télérama]
« There’s no business like show business » : le titre de la chanson finale résume assez bien le caractère absolument exceptionnel du métier de comédien, dans ses meilleurs aspects comme dans les pires. En 1954. Marilyn aurait sans doute plutôt insisté sur ces derniers. Alors que les sorties consécutives de Niagara, Gentlemen prefer blondes (Les Hommes préfèrent les blondes), How to Marry a Millionaire (Comment épouser un millionnaire) et River of No Return (La Rivière sans retour) ont fait d’elle la femme la plus acclamée au monde, elle n’a toujours pas voix au chapitre au sein d’une industrie traitant ses acteurs comme de véritables pantins. Liée à la Twentieth Century Fox par un contrat devenu obsolète au regard de son nouveau statut, mais que le studio se refuse évidemment à revoir, Marilyn se trouve dans une situation totalement schizophrénique : véritable reine à l’extérieur, elle redevient une modeste employée une fois passées les portes du studio. Mais tout en regimbant, Marilyn comprend que son intérêt réside, pour un temps encore, dans l’obéissance. Et qu’en attendant, « the show must go on », comme le dit un autre adage de sa profession…
A la suite de ses aînées Bette Davis et Katharine Hepburn, Marilyn Monroe est l’une des rares actrices d’Hollywood à s’être battue pour sortir du rôle de potiche que les studios entendaient lui faire tenir, à la ville comme à l’écran. C’est ainsi qu’en janvier 1954, elle se voit « suspendue » par la Fox pour avoir osé refuser le rôle principal de Heller in pink tights, projet qu’elle juge totalement inepte. Marilyn entend désormais avoir un droit de regard sur le contenu de ses films, et souhaite en outre renégocier sa rémunération, bien que Gentlemen prefer blondes ou River of No Return aient rapporté des fortunes à la Fox, elle continue en effet à toucher des salaires ridiculement bas !

Après d’âpres négociations, qui ne lui donnent finalement que peu de satisfactions, Marilyn accepte au printemps de réintégrer la Fox, qui de son côté renonce à la faire jouer dans Heller in Pink Tights. Mais Darryl Zanuck, grand manitou du studio, tient en revanche à ce qu’elle apparaisse dans sa nouvelle comédie musicale, There’s no business like show business. Une nouvelle fois déçue par le rôle qu’on lui destine, Marilyn accepte, à la condition de jouer ensuite dans le nouveau film de Billy Wilder, The Seven Year Itch (Sept ans de réflexion). Une autre raison, tenue secrète, l’incite également à se plier au diktat de Zanuck : devenus très amis, la star et le photographe Milton Greene ont en effet décidé de créer prochainement les Marilyn Monroe Productions, qui permettraient enfin à la comédienne d’avoir un contrôle total de ses films. Une perspective qui met du baume au cœur de Marilyn, et lui donne le courage de se lancer le 28 mai dans un tournage qui va s’avérer fort problématique…

Dès le départ, l’aventure de There’s no business like show business n’a en effet pas grand-chose de « joyeux ». Le scénariste Lamar Trotti meurt d’un infarctus avant d’avoir pu achever le script, qu’Henry et Phoebe Ephron se chargeront de terminer. Espérant surfer sur les récents succès de Marilyn, Zanuck leur demande d’intégrer à l’histoire un nouveau personnage, celui de la pulpeuse Vicky. En résulte un casting singulier, dans lequel Marilyn affronte en la personne d’Ethel Merman ou Donald O’Connor des artistes de music-hall chevronnés, auprès de qui elle craint de paraître terriblement gauche… Heureusement, la jeune femme a obtenu de pouvoir engager ses coachs habituels : elle retrouve ainsi la répétitrice Natasha Lytess, le chorégraphe Jack Cole et le professeur de chant Hal Schaefer, avec qui elle va travailler d’arrache-pied. Mais Marilyn n’est pas encore remise de la bronchite attrapée en Corée lors de sa visite aux G.I’s., et ses angoisses la poussent à prendre des somnifères qui la font arriver en retard, et dans un état comateux, sur le plateau. Comme l’a déclaré plus tard Natasha, le soir, Marilyn allait bien. Elle répétait formidablement ses scènes mais le matin suivant, elle avait complètement oublié son texte. « Tu ne peux pas imaginer combien je suis malheureuse », disait-elle à son coach.

Contrairement à ce qu’elle voudrait faire croire lorsqu’elle déclare aux journaux que « les joueurs de base-ball font de bons maris », Marilyn est loin d’être heureuse avec Joe Di Maggio. Durant les mois qui ont précédé le tournage, la nouvelle mariée s’est essayée au rôle de femme au foyer au sein de sa belle-famille à San Francisco. Mais à présent qu’elle a repris le chemin des studios, son mari enrage de la voir si indépendante. Surtout, ce latin impulsif supporte mal que sa femme constitue aux yeux des autres hommes un tel objet de désir. Ce qui ne manque pas de créer du grabuge lorsqu’il rend visite à Marilyn sur le plateau, précisément le jour où elle tourne la séquence de Heat wave : à peine vêtue d’une jupe largement fendue et multipliant les poses aguicheuses, l’actrice se livre là au numéro le plus provocant de toute sa carrière ! Furieux, Joe finit par quitter le plateau en rabrouant Marilyn qui, bouleversée, fera une chute au cours de la prise suivante… En fait, la mésentente du couple est de plus en plus patente, et l’on parle même de violences conjugales. On comprend dès lors que Marilyn s’autorise au cours de ce pénible tournage une amourette avec Hal Schaefer, dont la douceur la console un temps des brutalités de Joe.

Au final l’aventure de There’s no business like show businessrestera l’un des pires souvenirs de Marilyn. D’autant plus qu’à la sortie du film, certains critiques s’offusquent de l’indécence de I‘actrice, dans des numéros qu’elle n’a pourtant pas conçus elle-même ! D’autres journaux soulignent heureusement que la nouvelle star de la Fox se tire plutôt bien de cet exercice délicat. Le plus beau compliment venant du prestigieux compositeur Irving Berlin, qui déclare que Marilyn a doté ses chansons, pourtant interprétées par les plus grands noms du jazz, d’une suavité nouvelle… Mais pour Marilyn, le plus important est d’avoir honoré cette commande de la Fox, avant de se lancer dans un projet qu’elle devine décisif : The Seven Year Itch. [Éric Quéméré – Les Légendes d’Hollywood – Marilyn Monroe dans La Joyeuse Parade – 2004]


LA COMÉDIE MUSICALE
La comédie musicale a été longtemps l’un des genres privilégiés de la production hollywoodienne, et probablement le plus fascinant . Né dans les années 1930, en même temps que le cinéma parlant, elle témoigna à sa manière, en chansons, en claquettes et en paillettes, de la rénovation sociale et économique de l’Amérique. Mais c’est dix plus tard, à la Metro-Goldwyn-Mayer, que sous l’impulsion d’Arthur Freed la comédie musicale connut son véritable âge d’or, grâce à la rencontre de créateurs d’exception (Vincente Minnelli, Stanley Donen) et d’acteurs inoubliables (Fred Astaire, Gene Kelly, Judy Garland, Cyd Charisse, Debbie Reynolds). Par l’évocation de ces années éblouissantes à travers les films présentés, cette page permet de retrouver toute la magie et le glamour de la comédie musicale.

Les « cinq Donahue », formé par Molly (Ethel Merman), Terence Donahue (Dan Dailey) et leurs trois enfants, sont des vedettes de music-hall. L’arrivée de Vicky (Marilyn Monroe), une chanteuse de cabaret dont Tim (Donald O’Connor) tombe amoureux, menace la cohésion du groupe. Après avoir tenté de l’évincer, les parents décident d’intégrer Vicky au nouveau spectacle qu’ils préparent.

Heat Wave est une chanson qui a été interprétée en 1933 par la chanteuse afro-américaine Ethel Waters qui partage l’affiche avec une distribution blanche – Clifton Webb, Helen Broderick et Marilyn Miller – dans la revue de Broadway As Thousands Cheer. Dans cette revue qui met en scène les articles d’un journal, la chanson est introduite avec le chapeau titre du journal « Josephine Baker Still the Rage of Paris » : elle chantera aussi Harlem on My Mind et, sous la manchette « Unknown Negro Lynched by Frenzied Mob » (« Noir non identifié lynché par une foule furieuse »), Supper Time. Dans Heat Wave, le couplet évoque une canicule en provenance de la Martinique ; il véhicule aussi un sous-entendu sexuel avec les jeux de mots « she certainly can cancan » ou « she started the heat wave by letting her seat wave » (« elle a déclenché la canicule en remuant son arrière-train »). Dans Irving Berlin’s American Musical Theater ; Jeffrey Magee évoque un changement de paroles pour une version radiophonique. Cela devient « she started the heat wave by letting her feet [pieds] wave ». C’est bien cette dernière version qui est employée dans le film. Comme la radio, le cinéma ne peut accepter une suggestion érotique. Il faudra attendre Marilyn Monroe dans There’s No Business Like Show Business pour retrouver le caractère non seulement sexuel de la chanson, mais aussi racial, avec des danseurs d’origine sud-américaine. [Le Musical Hollywoodien – Histoire, Esthétique, Création – N. T. Binh et José Moure – Ed. Les Impressions Nouvelles (Caméras subjectives) 2021]
La scène d’anthologie
Dans Gentlemen prefer blondes et How to Marry a Millionaire Marilyn avait déjà fait preuve d’une gronde aptitude à l’autodérision. There’s no business like show business lui donne une nouvelle occasion d’explorer ce registre, en particulier dons une scène se situant dans la première partie du film ; celle où l’ambitieuse Vicky, qui espère la visite dons sa loge d’un influent producteur, ouvre en fait la porte à l’artiste Tim Donahue. La manière dont Marilyn, encore seule face au miroir, commence par essayer différentes mimiques plus charmeuses les unes que les outres, annonce les ruptures de ton par lesquelles la comédienne va habilement passer ou cours de la séquence. D’abord agacée par l’irruption de l’encombrant séducteur interprété par Donald O’Connor, Vicky adopte ensuite envers lui une ironie mordante. Puis, lorsque le producteur frappe enfin à la porte, elle se précipite pour lui ouvrir, tous charmes dehors. Avec quelle maestria Marilyn oscille alors entre séduction et contrariété de découvrir que l’importun Tim Donahue est en réalité une vedette de la scène ! Et avec quelle habileté elle retourne la situation à son avantage, en jouant sur les deux tableaux! Lorsqu’elle lui claque la porte ou nez, non sons l’avoir mouché une dernière fois, Donald O’Connor d’ordinaire si prolixe – en reste médusé… Marilyn est décidément à l’aise dons la comédie, genre qu’elle considérait malheureusement comme mineur, alors même qu’elle a contribué à lui donner certains de ses meilleurs fleurons. [Éric Quéméré – Les Légendes d’Hollywood – Marilyn Monroe dans La Joyeuse Parade – 2004]
L’histoire
L’histoire s’ouvre en 1919 et relate les hauts et les bas de la carrière de Terence et Molly Donahue. Au fil des ans, les Donahue concilient une vie de famille stable et la réussite professionnelle. Leurs enfants, Steve, Katy et Tim, rejoignent le spectacle l’un après l’autre, et ils finissent par être connus comme les cinq Donahue. Cependant, à mesure que les enfants grandissent, ils répondent à d’autres appels. Steve, par exemple, s’inscrit dans un séminaire catholique pour devenir prêtre. Plus tard, Tim tombe amoureux d’une artiste à succès, Vicky Parker, et lui et sa sœur Katy acceptent de se joindre à son spectacle en tant que seconds rôles. Cependant, Tim et Vicky se brouillent, et il abandonne le spectacle. Malgré les efforts de la famille pour le retrouver, l’endroit où se trouve Tim reste un mystère. Pendant ce temps, Katy commence à sortir avec Charlie Gibbs, le grand parolier de la série, et ils finissent par se marier – lors d’une cérémonie célébrée par Steve, qui vient d’être ordonné prêtre. Ainsi, les cinq Donahue ne sont plus, jusqu’à ce que des mois plus tard, lors d’un gala de charité à la soirée de clôture du célèbre théâtre Hippodrome de New York. Alors que Molly chante la chanson-titre du film à guichets fermés, Steve arrive dans les coulisses à l’improviste, suivi de Tim, en uniforme de marin américain. Là, il se réconcilie avec Vicky et sa famille, et pour la première fois depuis des années, les cinq Donahues se réunissent pour le final.
Programme musical (Sélection)
Written by Irving Berlin
Performed by Ethel Merman, Dan Dailey, Donald O’Connor, Mitzi Gaynor, Johnnie Ray, and chorus
Written by Irving Berlin
Performed by Marilyn Monroe
Written by Irving Berlin
Performed by Marilyn Monroe
Written by Irving Berlin
Performed by Donald O’Connor and Marilyn Monroe
Danced by Donald O’Connor
Written by Irving Berlin
Performed by Marilyn Monroe, Mitzi Gaynor and Donald O’Connor
Written by Irving Berlin
Performed by Ethel Merman
« Alexander’s Ragtime Band«
Written by Irving Berlin
Performed by Ethel Merman, Dan Dailey, Donald O’Connor, Mitzi Gaynor and Johnnie Ray
« There’s No Business Like Show Business »
Written by Irving Berlin
Performed by the cast







MARILYN MONROE
Mélange explosif de candeur et de sensualité débordante, Marilyn Monroe est une actrice proche du génie. Sous le maquillage et les atours, elle restait une « petite fille ». Elle ne ressemblait à personne…







Selon les archives, la Fox s’attendait à un bénéfice de 2 millions de dollars, mais a subi une perte de près de 950 000 dollars. Il est également important de noter que Johnnie Ray n’a jamais retravaillé pour la 20th Century Fox et n’est jamais apparu dans un autre film produit par un grand studio de cinéma aux États-Unis ou dans un autre pays, bien que sa musique ait eu plus de succès à l’étranger qu’aux États-Unis.

GENTLEMEN PREFER BLONDES – Howard Hawks (1953)
Ce premier rôle de Marilyn dans une comédie musicale lui permit de révéler l’incroyable potentiel artistique qu’elle avait en elle: jouer, chanter, danser… Elle mit un tel cœur à démontrer ces qualités, et dépensa une telle énergie à les travailler que ce film est resté célèbre.

LET’S MAKE LOVE (Le Milliardaire) – George Cukor (1960)
Le titre original de cette comédie musicale, Let’s make love, signifie Faisons l’amour ! Si l’amour a effectivement une belle part dans Le Milliardaire, le tournage du film fut pourtant semé d’embûches de toutes sortes, et les critiques se montrèrent bien injustes à sa sortie.

THE SEVEN YEAR ITCH (Sept ans de réflexion) – Billy Wilder (1955)
Après avoir réalisé Sabrina en 1954, Billy Wilder enchaîne avec une commande de la compagnie Fox à laquelle Paramount l’a loué : The Seven year itch (Sept ans de réflexion), adaptation d’une pièce à succès de George Axelrod. Dans ce film , Marilyn Monroe incarne l’essence même de ce mélange unique de sexualité et d’innocence qui l’a caractérisée tout au long de sa carrière. La célébrité de ce film tient à son interprète et à la scène de la bouche de métro où sa robe se relève haut sur les cuisses.
- THE LONG NIGHT – Anatole Litvak (1947) / LE JOUR SE LÈVE « refait » et « trahi »
- EDWIGE FEUILLÈRE : LA GRANDE DAME DU SEPTIÈME ART
- LA POLITIQUE DU CINÉMA FRANÇAIS
- THE GARMENT JUNGLE (Racket dans la couture) – Vincent Sherman (1957)
- THE RACKET (Racket) – John Cromwell (1951)







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