Catégorie : La Comédie musicale

PIN UP GIRL – H. Bruce Humberstone (1944)

On pourrait considérer que la fantaisie inhérente à la comédie musicale s’accommode mal d’un contexte aussi grave que celui de la guerre. Mais pour les producteurs d’Hollywood, qui ont decidé d’encourager par leurs films l’élan collectif suscité par l’entrée en guerre des Etats-Unis en 1941, les films musicaux ne doivent pas faire exception à la règle. Comme les films policiers, les mélodrames et, bien sûr, les films de guerre, les comédies musicales doivent refléter l’épreuve que traverse le pays. C’est donc tout naturellement que la star Betty Grable se met à côtoyer dans Pin up Girl des officiers et des aviateurs en permission. Lorry, l’héroïne du film, fait – comme l’actrice elle-même – du bénévolat pour l’USO (United Service Organizations), association qui, dès 1941, offre des spectacles aux soldats, aux États-Unis et sur le front. De tels personnages sont courants dans la comédie musicale de l’époque, car chaque studio fait feu de tout bois pour soutenir l’effort de guerre, en incitant notamment le public à acheter des War Bonds. D’ailleurs, le générique de fin de Pin up Girl informe les spectateurs que ces bons de guerre sont disponibles dans leur salle de cinéma…

ONE HOUR WITH YOU (Une Heure près de toi) – Ernst Lubitsch (1932)

One hour with you est un parfait exemple de la manière dont Hollywood s’est longtemps amusé à représenter Paris : une cité où chacun consacre la majeure partie de son temps à l’amour, de préférence adultère. Avec son ironie habituelle, Lubitsch nous fait assister ici à un chassé-croisé amoureux que n’aurait pas renié Marivaux, et encore moins Labiche. Le cinéaste multiplie d’ailleurs les clins d’œil au théâtre : ses héros s’expriment parfois en vers, et il leur arrive de s’adresser directement au public. Mais bien sûr, ce qui l’intéresse surtout, c’est encore et toujours la tentation de la chair. One hour with you fourmille d’allusions à peine voilées aux désirs de chaque protagoniste (si l’on y regarde bien, même les soubrettes ont ici une vie amoureuse, et un domestique peut dire à son maître qu’il avait « tellement envie de le voir en collants »). Certains journaux déconseilleront donc de programmer un tel film dans les petites villes, en particulier le dimanche… Mais ces précautions ne seront bientôt plus nécessaires : le code Hays se verra en effet renforce en 1934, et les « audaces » d’un film comme One hour with you disparaitront pendant trente ans du cinéma hollywoodien.

BUSBY BERKELEY : DES LÉGIONS DE DANSEUSES

Produits d’une imagination débridée, les extravagantes et colossales mises en scène dansées de Busby Berkeley font à jamais partie du grand rêve hollywoodien des années 30. Seuls quelques esprits chagrins crièrent au mauvais goût devant les ballets de Berkeley. Le comble du ridicule semblant être atteint, selon eux, par les monuments d’extravagance potagère et fruitière que Carmen Miranda arbore en guise de bibi dans The Gang’ s all Here (Banana Split, 1943). Mais Busby Berkeley se moquait bien du bon… ou du mauvais goût !

THE HARVEY GIRLS (Les Demoiselles Harvey) – George Sidney (1946)

Lors de son voyage vers Sandrock, où elle doit épouser un beau jeune homme contacté par petite annonce, Susan Bradley sympathise avec un groupe de femmes qui se rendent elles aussi dans cette bourgade afin d’y travailler dans le nouveau restaurant Harvey. Mais arrivée à destination, Susan découvre que le « beau jeune homme » ne correspond pas du tout aux descriptions de ses lettres… Pur produit de la Freed Unit, le film de George Sidney offre à Judy Garland l’un de ses rôles les plus populaires. ainsi qu’un Oscar de la meilleure chanson. Genèse d’un western musical.

THE GANG’S ALL HERE (Banana split) – Busby Berkeley (1943)

On a souvent écrit que l’audace du numéro dans lequel Carmen Miranda chante « The Lady in the Tutti Frutti Hat » a valu à The Gang’s all here (Banana split) d’être interdit en Amérique latine : les bananes géantes tenues à mi-corps par les chorus girls auraient été jugées bien trop suggestives… En réalité il n’en fut rien, mais le numéro n’en reste pas moins l’un des plus fameux créés par l’étonnant Busby Berkeley. En 1943, le cinéaste-chorégraphe a depuis longtemps marqué les esprits par ses bataillons de danseuses formant des kaléidoscopes humains, et par ses mouvements de caméra vertigineux. Mais l’exotisme bon enfant que lui apporte cette fois Carmen Miranda, conjugué à la puissance expressive du Technicolor qu’il utilise pour la première fois, semblent avoir totalement débridé Busby Berkeley, qui atteint dans The Gang’s all here des sommets d’inventivité. On est ici en plein dans ce que les Américains nomment « Extravaganza », ce mélange de grand spectacle et de kitsch absolu. La séquence finale du film, d’une grande originalité pour l’époque, préfigure même certaines expérimentations des années 1960… Doté en outre d’un casting réjouissant, et d’une excellente bande originale signée Warren et Robin, Banana Split fait partie des monuments méconnus du genre musical.

SOMETHING TO SING ABOUT (Hollywood Hollywood) – Victor Schertzinger (1937)

Satire de l’industrie du rêve, ce film de 1937 fait de James Cagney un danseur à succès tenté par une carrière à l’écran. Un rôle qui n’est pas sans rappeler son propre parcours. Le film, qui est une satire sur les faiblesses de l’industrie cinématographique, s’est effondré dans les salles de cinéma, provoquant la fermeture récente du Grand National indépendant (Poverty Row), qui avait considérablement dépassé son budget pour faire le film, en fermant ses portes en 1940. Quand, à 80 ans, on a demandé à James Cagney lequel de ses films – en dehors de Yankee doodle dandy (Le Joyeuse parade) – qu’il aimerait revoir, c’est le film qu’il a choisi.

ON THE TOWN (Un Jour à New York) – Stanley Donen et Gene Kelly (1949)

En 1949, le producteur Arthur Freed décide de donner leur chance à deux chorégraphes, Gene Kelly et Stanley Donen, pour réaliser un film moderne et stylisé. Si le premier est déjà un artiste confirmé, le second n’a pas vingt-cinq ans quand le tournage commence. C’est sûrement sa jeunesse, alliée à la nouveauté du propos, qui permet au tandem de sortir des sentiers battus pour innover. Les chansons se fondent dans une action réaliste, elles expriment les sentiments des personnages, et peuvent aussi les emmener dans des décors imaginaires… Autant d’extravagances pour l’époque, et qui font encore mouche aujourd’hui. Grâce à la musique de Leonard Bernstein et Roger Edens, et aux paroles d’un duo plein d’avenir, Adolph Green et Betty Comden, le film nous emporte d’un bout à l’autre de New York à un rythme endiablé. Du Musée d’Histoire Naturelle, avec son squelette de dinosaure, à l’Empire State Building, de la Statue de la Liberté à Chinatown, le public du monde entier découvre dans le film le vrai visage de Big Apple. Avec, pour guides, trois matelots en permission qui n’ont que 24 heures pour découvrir Manhattan, et l’amour. Laissez-les donc vous embarquer vous aussi pour tout « Un jour à New York ».

LES MUSICALS DE LA MGM

L’âge d’or de la comédie musicale hollywoodienne, celle qui réussit l’accord parfait entre action, musique et danse, est à jamais lié à un sigle : MGM et à un nom : Arthur Freed, le grand promoteur du genre. « Nous comptons plus d’étoiles que le ciel», telle était l’orgueilleuse devise de la MGM, et si l’on considère le nombre de vedettes – de Greta Garbo à Mickey Rooney – que la firme avait sous contrat à la fin des années 30, on peut dire qu’elle était à peine exagérée. Pourtant, la MGM ne sut pas toujours tirer le meilleur parti de son exceptionnelle « écurie ».

NIGHT AND DAY (Nuit et jour) – Michael Curtiz (1946)

Après Till the clouds roll by (La Pluie qui chante), film consacré à Jerome Kern, et Words and Music (Ma vie est une chanson), évocation du tandem formé par Rodgers et Hart, nous continuons notre exploration d’un genre très en vogue à Hollywood dans les années 40 et 50 : la « vraie fausse » biographie de compositeur. Cette fois, c’est le brillant Cole Porter qui est à l’honneur. En choisissant de donner au film le titre d’une de ses plus célèbres chansons (Night and Day), la Warner mise – avec raison – sur la grande popularité de celui qui a déjà signé à l’époque de nombreux spectacles à succès. Si le public des théâtres new-yorkais ne représente évidemment qu’une infime proportion de la population américaine des années 40, le reste du pays n’en connaît pas moins les mélodies de Cole Porter, devenues pour beaucoup des standards à la radio. Nuit et jour fait donc la part belle à ces « tubes », qu’il s’agisse de Begin The Beguine, Just One Of Those Things ou My Heart Belongs To Daddy. Comme Irving Berlin, Porter s’avère aussi doué pour les paroles que pour la musique et ses compositions à l’humour sophistiqué et aux nombreux sous-entendus lui confèrent une place à part dans le monde de la musique. Une place que les innombrables reprises de ses chansons lui ont permis de conserver jusqu’à nos jours…

TILL THE CLOUDS ROLL BY (La Pluie qui chante) – Richard Whorf (1946)

Le 27 décembre 1927, Jerome Kern assiste à la première de son spectacle Show Boat. À la fin de la représentation, qui s’avère un triomphe, le compositeur se fait conduire à une réception donnée en son honneur. Mais sur le chemin, il demande à son chauffeur de faire un détour pour revoir le quartier où, jeune homme, il est venu un jour frapper à une porte, le cœur battant… Véritable vitrine du savoir-faire de la MGM en matière de comédie musicale, ce film retrace de manière très libre la carrière de Jerome Kern. Retour sur l’un des grands succès de 1946.

JUDY GARLAND

Judy Garland à l’instar d’un James Dean ou d’une Marilyn Monroe, est entrée trop tôt dans la légende du cinéma. Personnalité fragile et dépressive, elle n a pas pu surmonter les profondes crises qui entraînèrent sa fin prématurée. Par sa carrière exceptionnelle commencée dès sa plus tendre enfance aussi bien que par sa mort précoce, à quarante-sept ans à peine, Judy Garland est devenue un mythe du monde du spectacle. Perfectionniste et tourmentée, elle fut la victime de son propre succès, payant de sa santé et, pour finir, de sa vie l’adulation qu’elle suscita. Sans la moindre pitié. elle fut, toute sa vie durant, jetée en pâture au public avide de tout savoir sur elle.

BATHING BEAUTY (Le Bal des sirènes) – George Sidney (1944)

Esther Williams n’a encore joué que deux petits rôles quand la MGM lui donne la vedette de cette comédie musicale aquatique. Il faut dire que la jeune fille est jolie, bonne comédienne, mais surtout championne de natation. Elle campe donc une nageuse qui enseigne dans un collège. Un musicien est amoureux d’elle. Malgré son imprésario, qui n’accepte pas leur liaison, il se fera engager dans l’école pour être près d’elle. L’intrigue, squelettique, n’offre aucun intérêt. Qu’importe ! Ce Bathing beauty est un grand succès. La grâce de Williams, son sourire éclatant malgré les efforts, la beauté des figures exécutées par plusieurs dizaines de nageuses au rythme d’une mélodie entraînante, dans des décors oniriques et colorés, les pitreries sympathiques de Red Skelton enchantent le public. L’avenir de la belle naïade est tout tracé. Pendant une dizaine d’années, elle enchaîne plongeon sur plongeon dans des comédies dont l’histoire prétexte ne sert qu’à introduire des ballets spectaculaires minutieusement réglés. Avec sa mise en scène kitsch et son atmosphère gentiment surannée, Bathing beauty reste un plaisir des yeux. [Gérard Camy – Télérama.fr]