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ALEXANDRE TRAUNER

En 1937, Alexandre Trauner se voit en effet confier les décors de Drôle de drame, film écrit par son ami Jacques Prévert. Carné, dont c’est la seconde réalisation, s’avère si enthousiasmé par le travail de Trauner qu’il ne voudra plus d’autre décorateur ; celui-ci va donc participer coup sur coup aux chefs d’œuvre que sont Quai des brumes, Hôtel du Nord et Le Jour se lève. Dans chacun de ces films, les magnifiques décors construits en studio contribuent tellement à l’expressivité de l’ensemble que Trauner sera considéré comme l’un des créateurs de cette fameuse école désignée sous le nom de « Réalisme poétique » ; au même titre que le scénariste Prévert, ou les cinéastes Carné et Grémillon.

Autour du Jour se lève : UN DES JALONS MAJEURS DE L’HISTOIRE DU CINÉMA par Jacques B. Brunius

Carné suivait simplement la leçon de Méliès, de Clair et bien d’autres lorsque pour Le Jour se lève, au lieu de choisir un immeuble existant dans Boulogne-Billancourt, il tournait dans un décor. Il suffit de jeter un coup d’œil sur la maquette, ou sur une photo de l’admirable décor de Trauner, pour constater que Carné avait raison : aucun immeuble réel n’aurait pu être aussi expressif ni aussi vrai que cette quintessence de banlieue industrielle.

LE MÔME CARNÉ

Lorsque Carné et Gabin décident de retravailler ensemble quelques mois plus tard, l’acteur suggère d’adapter Martin Roumagnac, un roman dont il vient d’acheter les droits. Mais, s’inclinant devant le refus de Prévert et Carné, il se lance avec eux dans le projet du Jour se lève. Pour la seconde fois, l’accord sur le plateau entre le comédien et le cinéaste est parfait. Malheureusement, la guerre va mettre provisoirement un terme à leur collaboration, et leurs retrouvailles en 1946 donneront lieu à une regrettable incompréhension. Gabin commence en effet par proposer à nouveau le projet de Martin Roumagnac à Carné et Prévert, lesquels n’ont pas changé d’avis dans l’intervalle.

LE JOUR SE LÈVE – Marcel Carné (1939)

Que Prévert, que Jeanson écrivent pour de telles images leurs plus beaux dialogues, leurs meilleures mots d’auteur; que Maurice Jaubert joue de ses thèmes musicaux les plus lancinants; qu’un opérateur comme Eugen Shuftan, qu’un décorateur comme Alexandre Trauner révèlent le fantastique du quotidien; que Jean Gabin, Michèle Morgan, Arletty ou Viviane Romance aiment et meurent; et le « réalisme poétique » impose au monde l’image du cinéma français. En 1938, aux portes des cinémas : Quai des brumes et Hôtel du Nord (Carné), La Rue sans joie (Hugon), Prisons sans barreaux (Moguy), L’Etrange monsieur Victor (Jean Grémillon), La Maison du Maltais (Pierre Chenal), Une Java (Claude Orval), Campement 13 (Jacques Constant), Le Ruisseau (Maurice Lehmann), le meilleur et le pire. Marlous et putains, entraîneuses et mouchards, proxénètes et barbeaux, tueurs et insoumis, tout ce beau monde des faits divers n’échappe pas à une certaine sophistication. L’esprit du boulevard conserve un écho dans les bas-fonds, et l’étalage de ces vies mornes et désespérées fascine à tel point le public que Serge Veber peut écrire: « En dehors du rayon aux cocardes, dès qu’un film présente des héros sans défauts, ni tares, ni vices, il les présente devant des salles à moitié vides ». 

DRÔLE DE DRAME – Marcel Carné (1937)

Drôle de Drame sort le 20 octobre 1937, au cinéma Le Colisée aux Champs-Élysées, le même jour que Regain de Marcel Pagnol. À l’affiche également quelques mètres plus loin Carnet de de Bal de Julien Duvivier et Gueule d’amour de Jean Grémillon. Avec le recul, l’année 1937 se révèle l’une des plus riches de notre histoire cinématographique. Marquée également par les sorties de Faisons un Rêve de Sacha Guitry, de La Grande Illusion de Jean Renoir et de Pépé le Moko de Julien Duvivier. Drôle de Drame réunit l’une des plus belles distributions du moment, Françoise Rosay, Michel Simon, Louis Jouvet, Jean-Louis Barrault, Jean-Pierre Aumont, sous l’autorité d’un des plus fameux tandems du cinéma français, on le sait, Jacques Prévert écrit, Marcel Carné réalise.

HÔTEL DU NORD – Marcel Carné (1938)

« Dans un hôtel situé sur le bord du Canal Saint-Martin à Paris, on célèbre une communion. Les propriétaires et clients de l’établissement fêtent l’événement autour d’un repas chaleureux. Un couple de jeunes amoureux (Pierre et Renée) s’installe dans une des chambres. Au cours de la nuit, un coup de feu retentit… » C’est ainsi que démarre l’intrigue d’Hôtel du Nord, merveilleux film d’ambiance dont le personnage principal est bien entendu cet hôtel du canal parisien. Sur un scénario de Jean Aurenche et des dialogues de Henri Jeanson, Marcel Carné décrit avec autant de minutie que de passion les hommes et les femmes qui logent dans l’hôtel ou ses environs. Au milieu des décors imaginés par Trauner, on croise un patron paternaliste, un policier raciste, de jeunes amoureux naïfs, un éclusier cocu, et un mac accompagné de sa protégée.

MARCEL CARNÉ 

Marcel Carné illustre parfaitement cette école – ou cette tendance – dite du « réalisme poétique », qui marqua si profondément le cinéma français de la fin des années 30. Une tendance dont on retrouve l’influence dans les domaines les plus divers de la vie artistique, et qui donnera aux œuvres de cette période troublée de l’avant-guerre une atmosphère tout à fait caractéristique. Pour sa part cependant, Carné préférait parler de « fantastique social », reprenant ainsi une expression de Pierre Mac Orlan.

1940-1945 : UN ESSOR SURPRENANT

Sous l’Occupation, le cinéma français, qui connait un surprenant essor, recueille quelques-uns de ses plus grands triomphes, et voit apparaitre une nouvelle génération d’auteurs de talent. En dépit des contraintes idéologiques et économiques et de la tutelle vigilante de la censure – et après une année 1941 plutôt […]

L’AIR DE PARIS – Marcel Carné (1954)

A l’automne 1953, le nouveau film de Marcel Carné, Thérèse Raquin, reçoit un excellent accueil. C’est donc avec confiance que le réalisateur se lance avec le scénariste Jacques Viot dans un nouveau projet : l’histoire d’un entraîneur de boxe qui jette son dévolu sur un jeune ouvrier pour en faire son poulain. Carné est à l’époque un passionné de boxe et, comme il l’expliquera dans son autobiographie, l’arrière-plan social d’une telle intrigue lui plaît également: « Ce qui m’intéressait – en plus de l’atmosphère particulière du milieu – c’était d’évoquer l’existence courageuse des jeunes amateurs qui, ayant à peine achevé le travail souvent pénible de la journée, se précipitent dans une salle d’entraînement pour « mettre les gants » et combattre de tout leur cœur, dans le seul espoir de monter un jour sur le ring… ». Malheureusement, les producteurs de l’époque voient les choses d’un autre œil, estimant que les films sur la boxe n’intéressent pas le public. Après moult refus, Carné finit tout de même par signer avec Robert Dorfmann, heureux producteur de Jeux interdits et de Touchez pas au grisbi, qui se trouve être lui aussi un grand amateur de boxe..

JEAN GABIN : COUP DE CŒUR

Estimant que l’on n’est jamais si bien servi que par soi-même, Gabin a souvent acquis lui-même les droits de romans qui pouvaient lui offrir de belles compositions, c’est ainsi que sont nés des films aussi majeurs que La Bandera et Quai des brumes. C’est au début des années 30 que Gabin découvre avec enthousiasme La…