Histoire du cinéma

1940-1945 : UN ESSOR SURPRENANT

Sous l’Occupation, le cinéma français, qui connait un surprenant essor, recueille quelques-uns de ses plus grands triomphes, et voit apparaitre une nouvelle génération d’auteurs de talent.

En dépit des contraintes idéologiques et économiques et de la tutelle vigilante de la censure – et après une année 1941 plutôt hésitante – le cinéma français va connaître dès 1942 un prodigieux essor. Après trois ans de silence, Carné et Prévert présentent au public un conte médiéval énigmatique, glacial et raffiné, Les Visiteurs du soir (1942), histoire d’un amour plus fort que la mort et que le diable (l’inoubliable Jules Berry, méphistophélique à souhait) vient troubler. Le metteur en scène et le scénariste n’ont certainement pas prévu que leur œuvre deviendrait le manifeste d’une renaissance du cinéma français. Et pourtant leur film, même s’il a vieilli aujourd’hui, va rendre espérance et dignité à un art national au moment où le besoin s’en faisait le plus sentir. Ils ouvriront la voie à Cocteau et Delannoy : L’Eternel Retour (1943), transposition moderne du mythe de Tristan et Iseut, sera un grand succès.

La production se poursuit

Confirmant ce renouveau, on pourrait citer au moins deux films fantastiques fort intéressants, La Main du diable (1942), de Maurice Tourneur et Le Baron fantôme (1942), de Serge de Poligny, où joue Cocteau, qui signe les dialogues. On doit également à Poligny La Fiancée des ténèbres (1944), que l’on ne découvrira qu’après la Libération, de même que La Cage aux rossignols (1944), de Jean Dréville. Mentionnons encore un drame très noir d’Albert Valentin, Marie-Martine (1942), dont le scénario et les dialogues sont dus à Jean Anouilh. Avec son chef-d’œuvre, Douce (1943), féroce satire sociale qui sera censurée, Autant-Lara fait mieux que tenir les promesses du Mariage de Chiffon (1941) et de Lettres d’amour (1942).
D’autres metteurs en scène vont pouvoir poursuivre leur œuvre sans rencontrer trop d’obstacles. Sacha Guitry (qui sera arrêté en 1944 sous l’accusation de collaboration malgré son refus de travailler pour la Continental) affirme son talent d’acteur-réalisateur dans deux films romantiques comme Le Destin fabuleux de Désirée Clary (1942) et La Malibran (1943), ou dans un sujet contemporain avec Donne-moi tes yeux (1943). Abel Gance dédie au maréchal Pétain Vénus aveugle (1941), qu’il fait suivre d’une adaptation trop raisonnable du Capitaine Fracasse (1942). Avec six films en quatre ans, Christian-Jaque reste l’un des cinéastes les plus prolifiques de l’Occupation ; si Carmen (1943) n’offre pas grand intérêt, La Symphonie fantastique (1942), consacrée à la vie de Berlioz, n’est pas sans qualités ; sur un scénario de Mac Orlan, Voyage sans espoir (1943) ressuscite avec bonheur le réalisme poétique d’avant-guerre. Mais son œuvre la plus marquante sera Sortilèges (1944), Ce curieux film, dont Prévert a écrit le scénario, ne sortira qu’après la Libération. Avec six films également, la carrière d’Henri Decoin s’annonce aussi féconde. Outre Premier Rendez-vous (1941) et Les Inconnus dans la maison (1942), il faut retenir L’Homme de Londres (1943), une autre adaptation de Simenon, avec une bonne reconstitution d’atmosphère. Les deux premiers films d’André Cayatte, La Fausse Maîtresse (1942) et Au Bonheur des dames (1943) sont respectivement adaptés de Zola et de Balzac. Puis c’est Pierre et Jean (1943), beaucoup plus réussi, inspiré de l’œuvre de Maupassant.

Clouzot, Becker, Bresson

Au sein de la nouvelle génération d’auteurs qui apportent alors un souffle nouveau au cinéma français, trois grands noms se détachent : Clouzot, Becker et Bresson. Clouzot a fait ses débuts de réalisateur avec un policier, L’assassin habite au 21 (1942), une réussite honorable. En 1943, il va réaliser le film qui restera sans doute son chef-d’œuvre, Le Corbeau, l’une des œuvres qui marquera le plus profondément cette époque par son pessimisme amer et violent.
En même temps que Clouzot, Jacques Becker fait également ses débuts avec un policier, Dernier Atout (1942). Un film extrêmement brillant qui connaît un vif succès commercial. Cet ancien assistant de Renoir adopte un style réaliste où se mêlent les influences du cinéma français d’avant-guerre et du film policier américain. Avec Goupi mains-rouges (1943), il s’essaye avec bonheur à la fresque paysanne dans le goût naturaliste. Quant à Falbalas (1944), achevé au moment de la Libération ce sera le premier film de sa célèbre série de « sujets parisiens».
Dès sa première œuvre, Les Anges du Péché (1943), Robert Bresson se révèle comme un investigateur subtil et racinien de l’âme humaine, avec le concours précieux d’un dialoguiste de génie : Jean Giraudoux. S’affirmant dès lors comme l’un des plus authentiques créateurs du cinéma français, il poursuit son éblouissante carrière, toujours en solitaire avec Les Dames du bois de Boulogne (1944), une adaptation austère d’un épisode de « Jacques le Fataliste» de Diderot, avec des dialogues de Cocteau.

En attendant la Libération

Jean Grémillon poursuit une œuvre qui reste dans la meilleure tradition du « réalisme poétique ». Si Lumière d’été (1942), vigoureux acte d’accusation contre l’hypocrisie des classes dirigeantes, inquiète la censure, Le ciel est à vous (1943), qui exalte l’héroïsme désintéressé d’un couple d’aviateurs, sera considéré comme le symbole des valeurs nationales – aussi bien par Vichy que par la Résistance.
Il faudrait encore citer l’excellent Comte de Monte-Cristo (1942) en deux époques, de Robert Vernay, ou l’inégal Léo Joannon avec Le Camion blanc (1942) et Le Carrefour des enfants perdus (1943), qui révéla Serge Reggiani. Ou encore L’aventure est au coin de la rue (1943), de J. Daniel-Norman, qui sera l’un des derniers grands succès de l’Occupation. Il serait également injuste d’oublier deux films de Marc Allégret, Félicie Nanteuil (1942) et Lunegarde (1944).
A la Libération s’achève enfin le tournage des Enfants du paradis, la réussite sans doute la plus exemplaire de cette époque. 220 films, 82 réalisateurs, dont 20 débutants, tel est le bilan positif du cinéma français d’août à juillet 1944.

LE CINÉMA FRANÇAIS SOUS L’OCCUPATION
Dès 1940, les Allemands entendent contrôler l’industrie cinématographique de la France occupée, et, surtout, favoriser l’exploitation de leurs propres films. Le cinéma français connaîtra pourtant une exceptionnelle vitalité. En juin 1940, après les quelques semaines de combats qui suivirent ce que l’on a appelé « la drôle de guerre », les Allemands occupent Paris, Le gouvernement du maréchal Pétain s’installe à Vichy, au sud de la Loire, et la France, coupée en deux, peut apparaître désormais comme un élément de l’ »Europe nouvelle » en cours d’édification…

LES RISQUES DE L’OCCUPATION
En continuant à tourner dans la France occupée, les cinéastes s’exposaient à des risques divers : encourir les foudres de la censure national-socialiste, ou au contraire se voir accusés de « collaboration ».

LE CINÉMA FRANÇAIS DE L’APRÈS-GUERRE
Tout de suite après la guerre, le cinéma français sembla revenir à ses thèmes traditionnels. Mais de nouveaux auteurs et de nouveaux ferments laissaient déjà présager le changement décisif qui allait intervenir.

Quelques affiches

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