Des braqueurs tuent un vigile avant de prendre la fuite avec leur butin, un inspecteur infiltré surveille la maîtresse de l’un deux, mais l’amour entre en jeu, et il est coincé entre gangsters et policiers ; sa vie est alors en danger. Richard Quine réalise ce face à face entre un flic et une femme fatale avec beaucoup d’astuce et aidé par de brillants dialogues d’après une nouvelle de Thomas Walsh et Bill S Ballinger. Kim Novak fait ici ses débuts à l’écran aux côtés de Fred MacMurray, qui dix ans plus tôt tombait tombait dans le piège infernal de Phyllis Dietrichson (Barbara Stanwick) dans Double indemnity (Assurance sur la mort)
Premier film de Kim Novak mis en scène par Richard Quine qui lui donnera l’un de ses plus beaux rôles six ans plus tard dans Strangers When We Meet (Liaisons secrètes), Pushover (Du plomb pour l’inspecteur) est aussi le premier grand film de Kim Novak, alors âgée de vingt et un ans. Au départ, le film n’était pour la Columbia, qui le produisait, qu’une œuvre de série B, dotée d’un budget de cinq cent mille dollars et destinée avant tout à compléter un double programme. Les contraintes budgétaires interdisaient au producteur Jules Schermer d’avoir recours à une actrice connue, la présence de Fred MacMurray ayant déjà crevé – à hauteur de soixante mille dollars – le budget du film… Dianne Foster, un moment pressentie, fut finalement refusée, et Schermer, après un essai concluant filmé par Quine lui-même, choisit Marilyn Novak, la future Kim… « Ce n’était pas une véritable actrice lorsque nous avons commencé le tournage. Le visage était magnifique. Le corps superbe. Elle était photogénique. Mais elle était incapable de montrer la moindre émotion. Nous avons alors décidé de limiter son dialogue au minimum. Lorsque vous ne jouez pas, vous êtes forcé de réagir et c’est ce sur quoi nous comptions.» Mécontent du scénario de Roy Huggins dont la fin ne le satisfaisait pas, Schermer emprunte à un de ses précédents films – Framed (Traquée) de Richard Wallace dont Glenn Ford et Janis Carter étaient les vedettes – plusieurs détails de l’intrigue, et notamment une partie de la fin. Comme dans Double Indemnity, de Billy Wilder, Fred MacMurray retrouve le rôle d’un homme prêt à abandonner ses principes moraux pour l’amour d’une femme. À l’opposé du couple sympathique formé par Phil Carey et Dorothy Malone, celui que compose Fred MacMurray et Kim Novak symbolise la corruption et la compromission. Paul Sheridan trahit la police et cause la mort d’un de ses collègues, et Lona n’hésite pas à dénoncer son ancien amant (Wheeler) à celui qui l’a remplacé… Richard Quine développe habilement l’ambiguïté de ce couple à la fois attachant et déjà maudit, et on se souvient de la superbe scène où Kim Novak se laisse embrasser par Fred MacMurray après l’avoir giflé. [Le film noir – Patrick Brion – Editions de la La Martinière (2004)]
Au départ, l’intrigue de Pushover ressemble à celle de Double indemnity : pour se procurer de l’argent une fraîche et belle blonde amène un homme à trahir sa profession et ses collègues. Les héros des deux films sont tous deux vulnérables, apparemment intelligents, mais en fait très imprudents. Ils cachent leur caractère romantique derrière un cynisme de surface et doivent scinder leur personnalité en deux puisqu’ils sont à la fois criminels et enquêteurs.
Dix ans après avoir joué le rôle de Walter Neff dans Double indemnity Fred Mc Murray incarne ici un Paul Sheridan qui lui ressemble, certes, mais que les années n’ont pas épargné. Walter Neff était un homme élégant, séduisant, ambitieux qui réussissait dans son travail et avait de la répartie. Paul est plus lent ; son visage bouffi trahit une vie inactive et peu gratifiante, de même d’ailleurs que son imperméable froissé. Walter était non seulement séduit par Phyllis mais aussi par le jeu excitant qui consistait à escroquer la compagnie d’assurance dont tous les rouages lui étaient connus. Pour Paul, seule Leona compte, et l’argent est une façon de se défendre contre la différence d’âge. Au poste de police, lorsque Rick, le jeune collègue de Paul, assis devant la fenêtre lui dit : « L’argent c’est bien, mais ce n’est pas cela qui fait tourner le monde », Paul réplique avec un léger rire auto-ironique : « Tu crois ?… Quand j’étais gosse je m’étais juré d’avoir plein de fric », Le rêve de l’enfant n’en est pas moins resté dans la tête de l’homme.
Comme Phyllis Dietrichson et Walter Neff, Paul et Leona sont sexuellement fascinés l’un par l’autre : les mises en scène de leurs moments d’intimité se ressemblent beaucoup. Pourtant, les scènes d’amour dans Pushover sont beaucoup moins érotiques que celles de Double indemnity malgré, ou peut-être à cause de la sexualité naïve de Leona remplaçant la luxure sophistiquée de Phyllis. En outre, Paul et Leona n’exprimeront pas leur frustration, ou leur rage sexuelle, par la trahison réciproque. Au contraire. Paul prend la richesse pour une garantie de fidélité. Face à la police Leona l’exhorte à oublier l’argent mais c’est en vain ; il a transféré dans le butin son obsession de la femme. Il ne réalisera que trop tard, une fois tombé, le visage contre terre : « Ce n’était pas l’argent qui était important, n’est-ce pas ? ». Bien que Leona soit une véritable femme fatale, au sens noir du terme, ses ambitions se fourvoient et elle souffre de son inexpérience, alors que Phyllis était une meurtrière froide et calculatrice. D’ailleurs, Leona ne manipule pas Paul, bien qu’au début il l’en accuse. Il est évident qu’elle a peu de pouvoir sur lui dans la mesure où il contrôle tous les éléments de leur complot ; elle se contente de suivre sans discuter les quelques directives simples qu’il lui donne et ne fait preuve d’indépendance qu’au moment où Paul lui reproche d’accepter les faveurs de Wheeler. Partant alors en guerre avec véhémence contre la misère, elle se détourne brusquement, puis dit, cadrée dans un plan moyen : « L’argent n’est pas sale, seulement les gens ». A l’arrière-plan, le visage de Paul marque son dégoût évident pour Wheeler tout en laissant présager sa rupture prochaine avec la loi et l’ordre social.



Si dans Pushover on trouve une opposition entre deux personnages féminins, Leona et Ann, et deux personnages masculins, Paul et Rick, c’est l’attraction progressive et rationnelle d’Ann et de Rick qui fait ressortir l’aspect renégat de Paul. L’amour entre la femme qui travaille et le policier vaillant souligne les aspects positifs des valeurs sociales traditionnelles tout en illustrant l’aliénation croissante de Paul et Leona. Le ton moralisateur est malgré tout légèrement sapé par le voyeurisme dont Rick fait preuve en faisant littéralement du « lèche-vitrine» pour chercher la femme idéale. Quant à Ann, elle ne souffre pas non plus d’une psychologie trop conventionnelle puisque, juste après avoir été sauvée de Paul, qui la menaçait de son arme, elle se précipite non pas dans les bras de Rick, qui vient de tirer deux balles sur son ami, mais vers le blessé. [ Encyclopédie du film Noir – Alain Silver et Elizabeth Ward – Ed Rivages (1979)]

LE FILM NOIR
Comment un cycle de films américains est-il devenu l’un des mouvements les plus influents de l’histoire du cinéma ? Au cours de sa période classique, qui s’étend de 1941 à 1958, le genre était tourné en dérision par la critique. Lloyd Shearer, par exemple, dans un article pour le supplément dominical du New York Times (« C’est à croire que le Crime paie », du 5 août 1945) se moquait de la mode de films « de criminels », qu’il qualifiait de « meurtriers », « lubriques », remplis de « tripes et de sang »… Lire la suite
L’histoire
Le gang de Harry Wheeler (Paul Richards) fait un holdup dans une banque, tue un des surveillants et emporte 210.000 dollars. La petite amie de Wheeler, Leona (Kim Novak), rencontre Paul Sheridan (Fred MacMurray) à la sortie d’un cinéma et c’est, pour eux, le début d’une aventure. Elle ne sait pas qu’il est inspecteur de police. Le lieutenant Carl Eckstrom (E. G. Marshall) rapporte à son supérieur l’histoire de son collègue. Paul, Rick Mc Allister (Rick McAllister) et Paddy Dolan (Allen Nourse) sont donc chargés de surveiller l’appartement de Leona au cas où Wheeler viendrait chez elle. Ce soir-là Leona se rend en fait chez Paul qui l’a suivie. Découvrant ainsi qu’il est policier elle lui avoue que cela ne change rien à son amour pour lui. Elle lui suggère de s’arranger pour tuer Wheeler dans le cadre de son service et de partir avec elle en emportant l’argent volé. Paul, dégoûté, la quitte. Entre temps, Rick est séduit par Ann (Dorothy Malone), la voisine de Leona qui semble mener une existence sans histoire. Paul, à son retour, explique que Leona n’a pas cherché à contacter Wheeler. Après quelques jours de séparation, Paul complètement obsédé par Leona qui lui manque physiquement, la rencontre secrètement. Il accepte son plan et met au point tous les détails. Lorsque Leona reçoit un message annonçant l’arrivée imminente de Wheeler, elle entraîne Rick hors de chez elle. Paul tue Wheeler mais Paddy est témoin du meurtre. Ann s’aperçoit alors que Paul lance un signal depuis l’appartement de Leona avant de s’en aller. Rick revient sur les lieux et Eckstrom leur apprend que Wheeler a été aperçu dans les environs. Paul tue Paddy, qui est un témoin trop gênant, et kidnappe Ann pour couvrir sa fuite avec Leona. Mais Eckstrom et Rick ont compris le double jeu de Paul. Ils le pourchassent et finalement tirent sur Paul. Il est gravement blessé tandis qu’Ann est saine et sauve.

CES FEMMES FATALES
Du collant noir de Musidora à l’absence de dessous de Sharon Stone, l’accessoire ou son manque divinement souligné n’est jamais innocent et marque au fer rouge cette sublime pécheresse qui parcourt le cinéma, qu’il s’agisse du film noir hollywoodien qui en fit son égérie ou d’autres genres qu’elle hanta de son érotisme funeste. Car cette femme-là est fatale pour ceux qui l’approchent. Souvenirs de quelques figures mythiques entre Eros et Thanatos qui peuvent le payer cher dans un 7ème Art aux accents misogynes qui ne pardonnent pas.
Les extraits

DOUBLE INDEMNITY (Assurance sur la mort) – Billy Wilder (1944)
Billy Wilder choisit deux vedettes à contre-emploi. Barbara Stanwyck, l’héroïne volontaire et positive de tant de drames réalistes – et même de comédies – va incarner une tueuse, et Fred MacMurray, acteur sympathique et nonchalant par excellence, va se retrouver dans la peau d’un criminel.









KIM NOVAK
Promue par Harry Cohn parce que Darryl F. Zanuck ne voulait pas lui prêter Marilyn Monroe ! Même si l’essentiel de sa carrière se déroula après 1955, Kim Novak est l’une des dernières « créatures » de l’ancien système des studios. Ses rôles dans Picnic (J955) et Vertigo (Sueurs froides, 1958) ont fait rêver des générations de cinéphiles. La manière dont la beauté froide de Kim Novak vibre devant la caméra reste probablement un mystère même pour les cinéastes !

- THE LONG NIGHT – Anatole Litvak (1947) / LE JOUR SE LÈVE « refait » et « trahi »
- EDWIGE FEUILLÈRE : LA GRANDE DAME DU SEPTIÈME ART
- LA POLITIQUE DU CINÉMA FRANÇAIS
- THE GARMENT JUNGLE (Racket dans la couture) – Vincent Sherman (1957)
- THE RACKET (Racket) – John Cromwell (1951)
Catégories :Le Film Noir
Vu au cinéma de minuit de France 3, un film excellent, Kim Novak est sublime et l’histoire palpitante et fin très émouvante !
J’aimeJ’aime
Someone necessarily assist to make critically articles I would state. This is the very first time I frequented your website page and thus far? I amazed with the analysis you made to create this particular put up incredible. Great process!
J’aimeJ’aime