LE NÉO-NOIR, UN GENRE CONSCIENT DE SES RACINES (par Douglas Keesey)

Dans « film noir », noir a le sens de « sinistre », « redoutable » et « sombre »  comme l’évoque la célèbre citation de Raymond Chandler : « Les rues étaient sombres d’autre chose que la nuit.» Le « néo-noir » constitue un genre hautement auto référentiel et très au fait des conventions d’intrigue, des types de personnages et des techniques courantes associés aux films noirs du passé.

PLEIN SOLEIL – René Clément (1960)

Ce meurtre de sang-froid n’est que le prélude à la mission que Tom s’est fixée : une mascarade risquée, susceptible d’être découverte au moindre faux pas. Il contrefait la voix de Philippe, imite sa signature, se sert de sa machine à écrire. Par prudence, il change constamment d’hôtels et évite de rencontrer les connaissances de Philippe. Son plan est presque parfait, mais c’est sans compter avec l’ami de Philippe, Freddy Miles (Billy Kearns), qui perce à jour le double jeu et le paie à son tour de sa vie. Se débarrasser du cadavre n’est pas une mince affaire. Mais Tom s’en tire admirablement, réussissant à faire croire que le meurtrier est Philippe Greenleaf qui se serait ensuite suicidé.  

CAPE FEAR (Les Nerfs à vif) – J. Lee Thompson (1962) 

Les scènes pleines de tension du réalisateur J. Lee Thompson rendent à merveille l’angoisse paranoïaque de la famille terrifiée : quand Nancy (Lori Martin), la fille de Bowden, sort de l’école et voit arriver au loin l’ex-détenu, elle est prise de panique et se cache dans la cave de l’école – toujours, semble-t-il, poursuivie par Cady. Mais quand Nancy, morte de peur, réussit au dernier moment à s’échapper par une fenêtre, le spectateur comprend enfin que l’homme qui semble la poursuivre n’est autre que le concierge – tandis que la jeune fille court dans la rue pour se jeter tout droit dans les bras de Cady.

THE LONG GOODBYE (Le Privé) – Robert Altman (1973)

Comme souvent, le cinéaste réalise deux films en un. Il accorde autant d’importance à l’intrigue qu’au contexte, à l’arrière-plan sociologique. Le film grouille de personnages secondaires hauts en couleur, de répliques hilarantes et de gestes inquiétants. Génialement filmé, avec une utilisation inventive de l’écran large, une photographie magnifique et un accompagnement musical inoubliable, The Long goodbye est à ranger, avec certains titres de Peckinpah, Fleischer ou Huston de la même époque, parmi les meilleurs films américains des années 70. D’une mélancolie infinie, le chef-d’œuvre d’Altman dresse le double portrait d’un homme en porte-à-faux avec son époque et d’une civilisation aseptisée, endormie par les drogues douces et la soudaine richesse.

VISAGES FAMILIERS DU CINÉMA FRANÇAIS (partie 2)

Simone Signoret fut une des premières jeunes actrices à s’imposer comme vedette au lendemain de la Libération. Figurante et secrétaire du journaliste Jean Luchaire sous l’Occupation elle décrocha quelques petits rôles, avant d’être lancée par les films d’Yves Allégret, son premier mari, Les Démons de l’aube (1945) et surtout Dédée d’Anvers (1947) qui fit d’elle une grande vedette, dans un rôle pourtant assez conventionnel de fille de maison close, emploi qu’elle tint plusieurs fois dans sa carrière.

UN CINÉMA DE SCÉNARISTES

La nouvelle vague crut faire triompher le cinéma d’auteur, défendu pendant des années par les Cahiers du Cinéma, et qu’on avait découvert vers 1945, avec l’orgueilleuse proclamation qui couronnait un générique fameux (celui de Citizen Kane, 1940) : « My name is Orson Welles ». On y avait alors entendu la revendication complète de l’œuvre par son auteur, l’affirmation d’une paternité absolue et sans partage sur la totalité du film et non pas seulement sur sa « mise en scène » comme l’indiquaient d’habitude la plupart des génériques de l’époque.

LE DIABLE AU CORPS – Claude Autant-Lara (1947)

«On a insulté le livre comme on insulte le film, ce qui prouve que le film est digne du livre. Il est fou de confondre les insectes qui véhiculent le pollen, avec les doryphores qui rongent la plante. Les critiques sont soumis comme nous à un mécanisme qui propage l’espèce. Un artiste qui se préoccupe d’art ressemble à une fleur qui mirait des traités d’horticulture. Nietzsche constate que les critiques ne nous piquent pas pour nous blesser, mais pour vivre. Je félicite l’équipe du Diable au corps de ne pas s’être pliée à aucune des règles des fabricants de fleurs artificielles. On aime les personnages, on aime qu’ils s’aiment, on déteste avec eux la guerre et l’acharnement public contre le bonheur. »

JOUR DE FÊTE – Jacques Tati (1949)

Tati n’a jamais caché son admiration pour le film de Jean Renoir Une partie de campagne (1936), et Jour de fête, sans être un hommage déclaré au grand cinéaste, renvoie, d’une certaine manière, au monde poétique et sensuel de l’œuvre de Renoir. En 1949, tourner un film entièrement en extérieurs était encore relativement insolite, mais Tati parvint admirablement à rendre la tranquille beauté du paysage campagnard, la grande chaleur de l’été, et la grâce un peu rude des paysans.

LE CINÉMA FRANÇAIS DE L’APRÈS-GUERRE

Parmi les cinéastes qui avaient abordé pour la première fois la réalisation sous l’occupation allemande, il faut rappeler les noms d’Yves Allégret, d’André Cayatte, de Louis Daquin et de Jean Faurez. En 1946, Allégret réalisa un film de guerre, Les Démons de l’aube. Ses films Dédée d’Anvers (1948) et Une si jolie petite plage (1949) se rattachent à la tradition du réalisme populiste d’avant-guerre et sont teintés d’un pessimisme qu’on retrouve dans Manèges (1950), réquisitoire contre l’hypocrisie, l’égoïsme et la cupidité de la bourgeoisie.

DE SHERLOCK HOLMES AU FILM NOIR

Dans les années 40 on vit apparaître sur les écrans le détective privé, solitaire, dur et très souvent en marge de la loi, chevalier sans peur dans un monde désormais dominé par la corruption. Ce personnage nouveau trouvera un terrain d’élection dans ce qu’on a baptisé « film noir ». […]

WILLIAM A. WELLMAN 

Au début des années 30, Wellman consolide sa position à Hollywood, tournant 17 films en trois ans pour la Warner. Ces œuvres dont la plus connue est The Public Enemy (L’Ennemi public, 1931), font encore l’unanimité aujourd’hui par leur étonnant modernisme et leur ton très personnel.

SCARFACE – Howard Hawks (1932)

Généralement considéré comme l’un des meilleurs films de gangsters, Scarface raconte l’histoire passionnante du contrôle brutal de Chicago par le crime organisé à l’époque de la Prohibition. Le lauréat d’un Oscar, Paul Muni, nous offre une performance électrisée dans le rôle de Tony Carmonte, un criminel ambitieux, dont la pulsion impitoyable est de devenir le grand patron du crime dans le ville. Réalisé par le légendaire Howard Hawks, Scarface est un film révolutionnaire, consacrant Paul Muni et George Raft grandes stars hollywoodiennes, tout en influençant l’ensemble des futurs films de gangsters.

RED DUST (La Belle de Saïgon) – Victor Fleming (1932)

Il s’agit d’opposer deux, femmes, donc deux figures du désir : la créature « sale et pourrie », comme Jean Harlow se définit elle-même (en y associant Clark Gable), et la femme d’un autre monde, ou tout simplement la femme du monde, être sophistiqué  et raffiné, mais surtout figure maternelle, vouée à soigner son « faible » mari (probablement impuissant), ou à subir le mélange d’idéalisation et de haine que lui renvoie le « vrai homme » qui la séduit dans la jungle.