Les Actrices et Acteurs

JAMES STEWART

Interprète des valeurs et des idéaux de l’Amérique profonde, James Stewart a prouvé également qu’il était capable de s’adapter à des rôles d’une grande modernité. Sa carrière est marquée par une collaboration féconde avec les meilleurs cinéastes de Hollywood. 

Une voix légèrement éraillée, une démarche plutôt gauche, une expression d’une douceur extrême, alliée à une conscience professionnelle scrupuleuse : telle est l’image, parfaitement caractéristique d’une Amérique simple, sérieuse et provinciale, que James Stewart laissera sans doute à la postérité. C’est à la fin des années 1930, entre 1937 et 1940, que celui que ses admirateurs appelaient affectueusement « Jimmy », devait s’imposer à l’écran, notamment avec deux films dans lesquels Frank Capra sut tirer le meilleur parti de sa sympathique personnalité : You Can’t Take it with You (Vous ne l’emporterez pas avec vous, 1938) et Mr. Smith Goes to Washington (M. Smith au Sénat, 1939). De cette première période particulièrement féconde datent également Seventh Heaven (L’Heure suprême, 1937), de l’excellent réalisateur Henry King, The Shop around the Corner (Rendez-vous, 1940) d’Ernst Lubitsch et surtout l’éblouissant The Philadelphia Story (Indiscrétions, 1940) de George Cukor

Après la guerre, c’est en voulant rester fidèle à l’éthique vertueuse et optimiste qu’il avait incarnée, qu’il tournera, encore avec Frank Capralt’s a Wonderful Life (La Vie est belle, 1946), dans lequel il joue le rôle d’un homme sauvé de la faillite par ses concitoyens. Malheureusement ce film, chargé de réminiscences de l’époque du New Deal, n’eut guère de succès. L’Amérique avait beaucoup changé, et la vision du monde chère à Capra paraissait sans doute bien surannée. Le même sort fut réservé au film qui lui fit suite, Magic Town (1947) de William Wellman

Le colonel James Stewart 

Né le 20 mai 1908 à Indiana, en Pennsylvanie, James Maitland Stewart n’avait jamais caché son attachement à l’idéal conservateur de la classe moyenne américaine, celle que l’on appellera la « majorité silencieuse ». Républicain convaincu, il avait donné toute la mesure de son patriotisme, pendant la Seconde Guerre mondiale, en combattant dans l’aviation de bombardement. On lui doit une technique de vol en formation particulièrement efficace, et c’est avec le grade de colonel et la Distinguished Flying Cross qu’il avait fini la guerre. Il aimera toujours à interpréter, à l’écran, des héros entièrement dévoués à la cause du public ou de la nation, comme le policier de The F.B.I. Story (La Police fédérale enquête, 1959), ou le lieutenant-colonel d’aviation de Strategic Air Command (1955). Quant à son rôle préféré, il est probablement resté relui du vainqueur de l’Atlantique dans The Spirit of St. Louis (L’Odyssée de Charles Lindbergh, 1957) de Billy Wilder

Après l’échec de Magic Town et de The Philadelphia Story, la carrière de James Stewart subit une importante évolution, et l’éternel jeune homme aux convictions naïves et solidement enracinées laisse bientôt la place à des personnages plus complexes et plus modernes. Dans Call Northside 777 (Appelez Nord 777, 1948) de Henry Hathaway, il incarne un chroniqueur judiciaire tout en dureté et en droiture, qui entreprend d’innocenter un pauvre bougre accusé de meurtre. Mais c’est surtout avec Rope (La Corde, 1948) d’Alfred Hitchcock, que le comédien témoigne de la richesse de son talent, et de son aptitude à se renouveler : il est impressionnant, en effet, dans le rôle d’un professeur favorable au nazisme, et dont les idées poussent deux étudiants à commettre un crime gratuit. 

Avec Anthony Mann 

Si la première période de James Stewart peut être identifiée aux films de Frank Capra. la seconde, elle, est largement associée aux admirables westerns qu’il a interprété sous la direction d’Anthony Mann. Acharné à la poursuite de l’assassin de son père dans Winchester ’73 (1950), chef d’un convoi de pionniers dans Bend of the River (Les Affameurs, 1952), chasseur de primes dans The Naked Spur (L’Appât, 1953), cow-boy indompté dans The Far Country (Je suis un aventurier, 1954), assoiffé de vengeance dans L’Homme de la plaine (The Man from Laramie, 1955), James Stewart donne à ses personnages une étonnante réalité. Vêtu d’une veste usée jusqu’à la corde, volontiers hirsute, désespérément solitaire, il excelle véritablement à donner une épaisseur humaine à l’errance pathétique de héros confrontés à d’inexpiables tourments personnels. Et pourtant, quelque chose demeure indéniablement, dans ces subtiles compositions, du « Jimmy » Stewart idéaliste et volontaire d’autrefois. Anthony Mann exploite à merveille les aspects les plus séduisants de l’acteur, son regard qui semble éternellement étonné, afin de nuancer le cynisme de ses personnages et d’en atténuer l’agressivité. 

Pendant le tournage, souvent pénible, de ces westerns, la conscience professionnelle de James Stewart a forcé l’admiration de tous les techniciens. Toujours soucieux d’apprendre et de mieux faire, il n’hésitait jamais à prendre des risques, que ce soit pour tourner une scène de bagarre sous les sabots des chevaux, ou pour traverser un mur de flammes. Et ce n’est qu’après un entraînement épuisant qu’il passa maître dans l’art de manier le Colt ou la Winchester. L’authenticité des films d’Anthony Mann lui est, à cet égard, largement redevable. 

Un procès scabreux 

Après Frank Capra, après Anthony Mann c’est Alfred Hitchcock, avec qui il avait déjà tourné Rope, qui va parachever la consécration du comédien. Sa physionomie ne laisse pas d’être savoureuse en effet dans l’univers à la fois cruel et ironique du grand cinéaste, comme l’attestent ces trois chefs-d’œuvre que sont Rear Window (Fenêtre sur cour, 1954), The Man Who Knew Too Much (L’homme qui en savait trop, 1956), et surtout l’extraordinaire Vertigo (Sueurs froides, 1958), film dans lequel il tient le rôle particulièrement original d’un détective affligé d’un traumatisme psychique et obsédé, jusqu’à la folie, par le souvenir d’un amour perdu. 

Mais le meilleur rôle que James Stewart ait tenu après la série des films d’Anthony Mann reste incontestablement celui de l’avocat dans le diabolique Anatomy of a Murder (Autopsie d’un meurtre, 1959), d’Otto Preminger. A la faveur d’un procès particulièrement scabreux et conduit de main de maître par le cinéaste, James Stewart redevient en quelque sorte le jeune provincial de ses débuts, épris de vérité et de justice. Mais le candide héros de la fin des années 1930, s’il n’a rien perdu de sa foi, doit cette fois composer avec la perversité du monde et combattre Satan avec les propres armes de son adversaire. La scène fameuse au cours de laquelle il exhibe la petite culotte de Lee Remick, afin de disculper son client (Ben Gazzara) , est à cet égard très éloquente. 

L’ordre et la loi 

James Stewart aura eu la chance de tourner sous la direction des plus grands cinéastes : Capra, Mann, Hitchcock, Preminger et enfin John Ford. Avec ce dernier, le fils du petit quincaillier d’Indiana joue successivement dans Two Rode Together (Les Deux Cavaliers, 1961), The Man Who Shot Liberty Valance (L’homme qui tua Liberty Valance , 1962) et Cheyenne Autumn (Les Cheyennes, 1964). De ces trois œuvres, qui comptent parmi les plus belles du cinéaste, la seconde est peut-être celle qui lui offre le rôle le plus caractéristique. Qui d’autre que lui, en effet, pouvait mieux incarner le petit avocat venu enseigner aux rudes et individualistes pionniers de l’Ouest les vertus de l’ordre et de la loi ? Son interprétation est chargée d’une sincérité totale : James Stewart s’est manifestement identifié à ce personnage typiquement fordien et qui, de bien des points de vue, évoque ceux de ses premiers films (il y a, du reste, bien des ressemblances entre l’œuvre de Ford et celle de Capra). 

Les films dans lesquels James Stewart tournera ensuite ne laisseront guère de traces dans la mémoire de ses admirateurs. Mais cet homme indéfectiblement attaché aux seules valeurs capables, selon lui, de fonder une société juste aura marqué le cinéma américain d’une empreinte profonde.  Sa vie privée est, en outre, à l’image de ses idées : chose vraiment rare à Hollywood, elle est exemplaire. 

Enfin, cet acteur résolument optimiste a prouvé qu’il pouvait s’adapter à des rôles complexes et ambigus : James Stewart est un clown bouleversant dans The Greatest Show on Earth (Sous le plus grand chapiteau du monde, 1952), de Cecil B. DeMille.  [La grande histoire illustrée du 7ème art – Editions Atlas (1983)]


THE SHOP AROUND THE CORNER (Rendez-vous) – Ernst Lubitsch (1940)
En 1939, Lubitsch parlait de la nécessité de faire des films en rapport avec  » le monde réel ». En 1940, il tourne sur quatre semaines et avec moins de 500 000 dollars The Shop around the corner, dont il dira : « Pour la comédie humaine, je n’ai rien produit d’aussi bon…  Je n’ai jamais fait non plus un film dans lequel l’atmosphère et les personnages étaient plus vrais que dans celui-ci » 

CALL NORTHSIDE 777 (Appelez Nord 777) – Henry Hathaway (1948)
L’usine à rêves d’Hollywood ne sait pas seulement adapter pour le grand écran des contes glamour pour adultes, elle sait aussi décrire ce qui se passe en marge de la société, preuve de la faculté d’adaptation des plus grands studios cinématographiques du monde. Call Northside 777 appartient à ces drames sociaux qui racontent des histoires de laissés-pour-compte. Son réalisme social minimaliste fascine par sa complexité inhabituelle : à côté d’emprunts aux films de gangsters, de détectives, de tribunaux et de reporters, des stratégies quasi documentaires veillent à l’authenticité et à la crédibilité du récit.

ROPE (La Corde) – Alfred Hitchcock (1948)
Un soir d’été, dans leur appartement new-yorkais, deux riches étudiants étranglent un de leurs amis pour se donner des sensations et pour mettre en pratique la philosophie de leur ancien professeur. Rope représente une étape importante dans la carrière d’Alfred Hitchcock : c’est son premier film en couleur, le premier aussi qu’il maîtrise totalement, puisqu’il en est le producteur exécutif. Amateur de défis, il choisit de s’imposer des contraintes de réalisation qui l’obligèrent à des prouesses.

REAR WINDOW (Fenêtre sur cour) – Alfred Hitchcock (1954)
Immobilisé dans son appartement avec une jambe cassée, le photographe L.B. Jefferies observe ses voisins, leur prêtant des vies imaginaires, jusqu’à ce qu’un cri dans la nuit le persuade que l’un d’eux est un meurtrier. Avec Rear Window, Hitchcock montre qu’il peut être dangereux d’épier ses voisins. Dans ce thriller haletant, une curiosité bien naturelle – et sans doute compréhensible – envers la vie des autres plonge James Stewart et Grace Kelly dans un cauchemar de meurtre et de suspense. 

THE MAN WHO KNEW TOO MUCH (L’Homme qui en savait trop) – Alfred Hitchcock (1956)
En vacances au Maroc, une famille américaine, les McKenna, se trouve mêlée à une histoire d’assassinat qui l’entraîne dans une sombre affaire d’espionnage, dont les fils la conduiront jusqu’à Londres. Le remake hollywoodien de The Man who Knew too Much (film réalisé en Angleterre en 1934) a bénéficié d’un gros budget pour la couleur et la distribution, avec notamment James Stewart et Doris Day dans les rôles principaux. Alfred Hitchcock réalisa un nouveau grand thriller au suspense habilement mené, qui devint le plus gros succès commercial de l’année.

VERTIGO (Sueurs froides) – Alfred Hitchcock (1958)
Vertigo (Sueurs froides) est le meilleur film d’Hitchcock, et même l’un des meilleurs jamais tournés. Pourtant, lors de sa sortie, sa qualité de chef-d’œuvre ne fut pas tout de suite reconnue par le public et la critique. Bien qu’il soit centré sur un meurtre, ce n’est pas à proprement parler un film policier mais, selon les mots de son auteur, « une histoire d’amour au climat étrange ».



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