Baby Face est un film Pré-Code (*) de 1933 avec Barbara Stanwyck, et George Brent dans les rôles principaux. On retrouve également dans les seconds rôles le très jeune John Wayne. Il existe 2 versions de ce film : la version censurée diffusée dans les cinémas à l’époque et la version non censurée « director’s cut » si on peut dire. C’est bien entendu, cette dernière version qui donne tout son sens au film. La version censurée enlève tout le caractère sulfureux de l’oeuvre voir même une compréhension de certaines scènes. Le film est une oeuvre d’importance dans l’immense filmographie d’Alfred E. Green.

En pleine Prohibition, Liliane « Baby Face » Powers (Barbara Stanwyck) est serveuse dans le speakeasy miteux d’une ville-usine, Son père, qui la force à coucher avec ses clients rustres et brutaux, décède lors de l’explosion de sa distillerie. Fuyant alors pour New York, Lily est engagée dans une banque dont elle gravit les échelons en utilisant sans scrupule les hommes comme marchepieds vers la réussite…

Bien entendu, cette volonté de s’en sortir pour une jeune femme qui veut être indépendante était inacceptable pour la censure de l’époque. Et ce sont ces scènes que l’on interdira et pourtant bien avant la mise en place du code Hays. Par contre, la caméra s’attarde longuement sur les formes de Barbara Stanwyck, n’hésite pas à montrer une jarretière, des contacts physiques non désirés.

Censuré pour ses insinuations sexuelles, ce chef-d’œuvre de l’ère Pré-Code est le portrait d’une femme forte et magnifique, luttant avec ses armes dans l’Amérique impitoyable de la Grande Dépression. Barbara Stanwyck interprète remarquablement cette Liliane qui se transforme en garce professionnelle pour tenter d’échapper à la misère. Baby Face a été présenté au London Film festival en 2005 et classée parmi les 100 meilleurs films de tous les temps par le Time Magazine.

Ainsi ce type de plan sur les jambes de Barbara Stanwyck est très rare dans le cinéma d’après 1934, on ne le retrouvera que très rarement dans le cinéma américain d’avant 1968. Peut-être dans The Postman Always Rings Twice et encore car dans cette version du Facteur, le but du plan était d’annoncer l’entrée d’une femme dans la pièce (Lana Turner). Ici le spectateur sait que l’actrice est présente, et le plan ne sert qu’à mettre en avant sa féminité.


Je ne vais pas vous raconter toute l’histoire du film, pour ceux qui ne l’ont pas vu. Mais disons que notre héroïne arrivera à s’en sortir matériellement et peut être finalement aussi moralement. Le film était clairement scandaleux pour l’époque car il énonçait des vérités sur une société américaine sans pitié et sans morale et montrait les personnages masculins comme esclaves de leur passion, même au plus haut niveau de la hiérarchie sociale. J’aurais tendance à penser que presque 80 ans après, peu de choses ont changé. C’est bien ce qui fait de ce film un classique du cinéma US. On peut également se demander rétrospectivement ce que le cinéma américain aurait été, s’il n’y avait pas eu de Code Hays. La censure a-t-elle empêchée le tournage de films réalistes comme celui-ci ou a-t-elle permis de développer l’aspect glamour et l’intellectualisme qui manque tant à Hollywood aujourd’hui ? On ne le saura jamais.


Ce film produit par la Warner Bros est une réponse à la MGM à Red-Headed Woman (La Femme aux cheveux rouges, 1932), un autre Hollywood Pre-Code film avec Jean Harlow avec un thème similaire.La grande dépression a eu un effet dévastateur sur l’industrie du film à l’époque, et de nombreux employés du studio ont volontairement accepté des baisses de salaire pour aider à la production de ce film. Mis à part sa représentation d’une prédatrice sexuelle féminin, le film est remarquable pour la relation fraternelle de Lily avec son amie féminin (employée afro-américain) Chico.

Parce que la version originale du film a été rejetée par le Bureau de la censure État de New York en Avril 1933, le film a été adouci par différentes coupes. Les producteurs ont également ajouté de nouvelles images et prévue une nouvelle fin qui montre que Lily a changé, et qu’elle est maintenant heureuse de vivre un style plus modeste. En Juin 1933, le Bureau de la censure de New York a adopté la version révisée.



La version non censurée est restée perdu jusqu’en 2004. La version restaurée est présentée au Festival du Film de Londres en Novembre 2004. En 2005, Baby Face a été jugé « culturellement, historiquement ou esthétiquement importants » et choisi pour être conservé à la Bibliothèque du Congrès des Etats-Unis. [Hélène Frappat – Forbidden Hollywood – Les Trésors de la Warner (2013)]

(*) Pré-Code : Au début des années 1920, avant qu’Hollywood impose le respect d’un code de censure régissant la production de films, l’attitude libertaire de l’époque se reflétait au cinéma. Nudité, adultère, prostitution ou encore références à la mafia fleurissent sans contraintes sur les écrans. En 1934, l’établissement d’un bureau spécial de censure met fin à l’ère Pré-Code…
Les extraits

CINÉMA ET CENSURE : LE PRÉ-CODE
Les scandales qui secouèrent Hollywood dans les années 1920 déclenchèrent une violente réaction puritaine, qui atteint son point culminant avec l’entrée en vigueur du code Hays en 1934.






RED DUST (La Belle de Saïgon) – Victor Fleming (1932)
Red Dust (La Belle de Saïgon) est le deuxième d’une série de six films que Jean Harlow et Clark Gable ont tournés ensemble. Leur couple est le noyau fascinant d’une œuvre où la jungle est entièrement reconstituée en studio, la mise en scène utilisant deux éléments récurrents, associés à la saison des moussons – les pluies diluviennes et les accès de fièvre que redoutent les colons – pour construire la dramaturgie érotique qui est le vrai sujet du film.

FEMALE – Michael Curtiz, William A. Wellman, William Dieterle (1933)
Female propose une défense vibrante de l’égalité des sexes, et même d’une forme d’interchangeabilité de leurs fonctions, sur le plan du travail, autant que sur des rapports de séduction. Mais ce film de 1933 développe également une critique violente et rigoureuse (on y retrouve le style politique de Wellmam), des objectifs de rentabilité du capitalisme, dès lors que ses normes productivistes et sa poursuite permanente d’accroissement du profit déteignent sur la vie intime, sexuelle et amoureuse des individus qui y sont engagés.
- LIFEBOAT – Alfred Hitchcock (1944)
- I DIED A THOUSAND TIMES (La Peur au ventre) – Stuart Heisler (1955)
- BARBARA STANWYCK
- ALL ABOUT EVE (Ève) – Joseph L. Mankiewicz (1950)
- [AUTOUR DE « L’IMPOSTEUR »] HOLLYWOOD S’EN VA-T-EN GUERRE
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