Les Actrices et Acteurs

JERRY LEWIS ET DEAN MARTIN

Il est des associations bizarres et fructueuses : celle du suave séducteur Dean Martin et du pitre gagman Jerry Lewis est une des plus réussies du genre. Environ tous les dix ans, l’Amérique se toquait d’un nouveau tandem comique. A Abbott et Costello, les vedettes d’Universal, succédèrent, de 1946 à 1956, Jerry Lewis et Dean Martin, qui rapportèrent des sommes fabuleuses à la Paramount. A la radio, à la télévision, dans les boîtes de nuit et au cinéma, leur dynamisme et leurs bouffonneries déclenchaient des avalanches de rire, et, dans le monde entier, constituaient le divertissement n° 1 du samedi soir. Les 17 films qu’ils firent ensemble avant de se séparer définitivement en 1956 leur apportèrent la consécration internationale.

Le play-boy et le cabotin

Né à Steubeville, dans l’Ohio, en 1917, Dino Crocetti, un Italo-Américain de la deuxième génération, fut tour à tour livreur de whisky de contrebande, barbier, boxeur et imitateur de Bing Crosby et de Tony Martin. Né en 1926 à Newark, dans le New Jersey, au sein d’une famille de comédiens, Joseph Levitch suivit ses parents, Rhea et Danny « Lewis », dans les tournées qu’ils effectuaient pour le circuit Borscht ; c’est ainsi qu’il chanta sur scène dès l’âge de cinq ans. Ouvreur de cinéma, puis mime, il mit au point un numéro de lip-synh (pantomime synchronisée sur un air célèbre) avec lequel il eut un grand succès. En 1946, à la suite d’un malentendu, Jerry Lewis et Dean Martin se retrouvèrent ensemble sur la scène du Club 500 d’Atlantic City. Le tour de chant du crooner, « agrémenté » par les facéties et les grimaces simiesques de l’affreux Jerry (il faisait gicler l’eau de Seltz, laissait tomber des assiettes, en souriant de toutes ses grandes dents), connut un triomphe immédiat si bien que toutes les boîtes de nuit américaines et les chaînes de télévision se disputèrent le nouveau tandem, et qu’un producteur de la Paramount, Hal Wallis, s’empressa de lui offrir un contrat de cinq ans à 10 000 dollars par semaine.

Après avoir débuté dans My Friend Irma (Ma bonne amie Irma, 1949), Martin et Lewis enchaînèrent avec toute une série de parodies des grands genres cinématographiques (films de guerre, d’aventures maritimes ou sportives, westerns…), comme l’avaient fait avant eux tous les comiques, de Laurel et Hardy aux Marx Brothers, et dans lesquelles Jerry Lewis intégrait, à l’occasion, quelques trouvailles personnelles. S’étant composé le personnage de l’avorton calamiteux, mi-chouchou à sa maman, mi-collégien fugueur, Lewis se faisait tour à tour bousculer et consoler par un Dean Martin cynique et flegmatique, qui séduisait les filles et fredonnait des romances telles que « Tonda Wonda », « Hoy », « Inamorato », « Simpatico », ou « That’s Amore », tandis que son copain dormait dans des réfrigérateurs ou flirtait avec la plus vilaine fille du lot.

La rencontre avec Taurog et Tashlin

Après cette série de films, conçus selon des recettes éprouvées par des professionnels efficaces mais impersonnels comme Hal Walker et George Marshall, le tandem, dont le succès ne faisait que croître, rencontra deux excellents réalisateurs, Norman Taurog et Frank Tashlin, qui, comprenant fort bien les qualités propres aux deux acteurs, concoctèrent pour eux des projets sur mesure – en particulier Tashlin, qui avait travaillé à la Warner avec les plus grands maîtres du gag de dessins animés : Tex Avery, Chuck Jones et Bob Clampett. Tashlin, tenant de la parodie débridée et de la grosse farce, donnait une image apocalyptique de l’Amérique provinciale livrée à un consumérisme effréné, droguée de télévision et de sexe.

Taurog fit quatre films avec le tandem Lewis-Martin, et Tashlin, deux ; par la suite, Taurog fit deux films avec le seul Lewis, et Tashlin, six. Frank Tashlin enseigna toutes les ficelles du métier de réalisateur à Jerry Lewis, avide de tout connaître sur les aspects techniques du cinéma. En fait, il n’aspirait qu’à passer à la réalisation. Il s’y essaya très tôt en tournant des films d’amateur pastichant les grands classiques contemporains, avec le concours de ses amis Tony Curtis, Janet Leigh, Jeff Chandler et Dean Martin lui-même. Ces films ont pour titre : Fairfax Avenue, parodie de Sunset Boulevard (1950) ; A Spot in the Shade, d’après A Place in the Sun (1951) ; A Streetcar Named Repulsive, d’après A Streetcar Named Desire (1950) ; The Reinforcer, d’après The Enforcer (1951).

En les adaptant avec beaucoup d’intelligence au tandem Martin-Lewis, Taurog puisa dans les classiques de la comédie : Nothing Sacred (1937), de William Wellman, devint Living It Up (C’est pas une vie, Jerry, 1954) et The Major and the Minor (1942) de Billy Wilder, You’re Never too Young (Un pitre au pensionnat, 1955). Ayant dirigé un grand nombre d’acteurs-enfants, de Jackie Cooper à Mickey Rooney, Taurog traitait Martin et Lewis comme des gamins, allant jusqu’à habiller ce dernier en garçonnet.

Les meilleurs films que Tashlin réalisa pour le duo furent les deux: derniers : Artists and Models (Artistes et modèles, 1955) et Hollywood or Bust (Un vrai cinglé de cinéma, 1956) ; dans ce film, les deux partenaires doivent traverser une Amérique peuplée de pulpeuses pin-up pour débarquer dans un Hollywood pris de folie. Dans Artists and Models, on voit Lewis, vorace lecteur de bandes dessinées, affronter, déguisé en souriceau, une inquiétante femme chauve-souris (en fait une voisine travestie). A cette époque, Lewis et Martin bénéficiaient de fabuleux contrats d’un montant de 5 millions de dollars par an !

Des gags et… des problèmes

Rétrospectivement, la plupart des comédies interprétées par Dean Martin et Jerry Lewis semblent élémentaires, triviales et truffées de stéréotypes, mais elles sont aussi pleines de chansons et de jolies filles et offrent ce mélange infaillible de loufoquerie et de musiques langoureuses que l’on attendait alors de ce genre de divertissement. Elles plaisaient à tout le monde et déridaient petits et grands. Qui aurait pu résister à Jerry Lewis en athlète de collège débile, en marin hypocondriaque allergique au sexe faible ou dévorant avec délice un unique haricot ?

Frank Tashlin continua tout seul dans cette voie, mais il eut moins de succès que son élève quand celui-ci passa à la réalisation. La compagnie, considérant Martin et Lewis comme un bien inaliénable, leur enjoignit de mettre un terme à leurs incessantes querelles, qui étaient presque toujours du même ordre : l’un des deux comédiens travaillait beaucoup (Jerry), tandis que l’autre ne faisait pratiquement rien (Dean). Tous deux étaient nantis d’une nombreuse famille et se faisaient construire une luxueuse résidence ; tous deux avaient des épouses acariâtres qui se chamaillaient sans cesse.

Le divorce

Finalement, ce fut la rupture. Martin en avait assez de n’être que le faire-valoir de son ambitieux partenaire. Lewis, qui faisait le siège de Stan Laurel pendant les dernières années du grand comique pour apprendre les secrets de celui qu’il admirait, a raconté comment, s’étant mutuellement confié l’histoire de leur vie, les deux acteurs s’étaient découvert de nombreux points communs. Tous deux, perfectionnistes et tentés par l’envie d’écrire et de passer derrière la caméra, étaient affligés d’un partenaire paresseux qui ne songeait qu’à profiter de l’existence et à jouer au golf.

Le tandem se sépara en 1956. Jerry Lewis réalisa ses ambitions en mettant en scène ses propres films, très admirés en Europe et surtout en France (notamment par le critique Robert Benayoun) pour leurs satires cocasses des mœurs américaines. Parmi les meilleurs, citons : The Bellboy (Le Dingue du palace, 1960), Ladie’s Man (Le Tombeur de ses dames, 1961), The Nutty Professor (Docteur Jerry et Mister Love, 1963), et The Patsy (Jerry, souffre-douleur, 1964).

Dean Martin poursuivit sa carrière avec des rôles dramatiques et incarna l’agent secret Matt Helm tout en devenant le plus célèbre hédoniste et amateur de vins du « clan » de Las Vegas (Frank Sinatra, Sammy David Jr., Shirley MacLaine, Peter Lawford, etc.). [La grande histoire illustrée du 7ème art – Editions Atlas – 1982]


HOLLYWOOD REVIENT AU CINÉMA D’ÉVASION
Pour les Américains, les années 1950 correspondent à une période de confort et de tranquille prospérité. C’est cette image sécurisante que Hollywood allait véhiculer dans toute une série de comédies brillantes.


SOME CAME RUNNING (Comme un torrent) – Vincente Minnelli – 1958
Réflexion sur l’inexorabilité du temps, le dérisoire des rêves et des passions, l’absurdité de la vie sociale, la fulgurance de l’instant et la tentation de la folie (jeu et alcool), Some came running (Comme un torrent) est le chef-d’œuvre de Minnelli. Frank Sinatra, Dean Martin et surtout Shirley Mac Laine apportent à l’univers de l’auteur un sang nouveau et une authentique vigueur.

BELLS ARE RINGING (Un Numéro du tonnerre) – Vincente Minnelli (1960)
Ce n’est pas sans nostalgie que l’on peut parler de Bells are ringing : ne s’agit-il pas de la dernière comédie musicale de Minnelli pour la Metro, de sa dernière collaboration avec Arthur Freed, du dernier « musical » produit par Freed, donc de la fin d’une époque ?


DEAN MARTIN et JERRY LEWIS

1 réponse »

  1. En 1976, Frank Sinatra a réussi à les réunir et à les « réconcilier », mais ce n’est vraiment qu’après le décès d’un des fils de Dean Martin en 1987 que les deux amis se sont enfin retrouvés ! Lorsque Dean partit à son tour, Jerry Lewis a toujours exprimé que « son ami, son frère » lui manquait énormément…

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