Les Actrices et Acteurs

ELLES CRÈVENT L’ÉCRAN !

Après les vamps des années 1930 et les beautés fatales des années 1940, la décennie suivante voit le triomphe des actrices dotées de généreuses mensurations ; mais leur vogue sera, pour nombre d’entre elles, éphémère.

Si l’on repense à Jean Harlow, par exemple, on constate que le phénomène de la blonde explosive ne date pas des années 1950, mais sa prolifération sur les écrans, au cours de cette période, constitue un fait sans précédent. Hollywood s’est toujours intéressé au sexe, mais le moralisme rigide des années 1930 et 1940 et l’inflexible poigne de fer du code Hays ont considérablement bridé ce penchant.

Avec l’évolution du climat moral américain, qui se dirige lentement mais sûrement vers la révolution sexuelle, le code Hays ne pouvait que ralentir son action répressive. L’irruption triomphante de la blonde explosive au cours des années 1950 est imputable à trois facteurs : la libération des mœurs, la télévision… et Jane Russell (qui était… brune).
La télévision ayant réussi, dès le début de la décennie, à monopoliser le marché du spectacle « familial », l’industrie avait dû, pour rester concurrentielle, s’orienter, d’une part, vers les superproductions à grand spectacle et l’écran géant et, d’autre part, vers un type de production totalement à contre-pied de celle de la télévision : puisque le petit écran ne pouvait se permettre de traiter de la violence et du sexe, le marché était libre pour le cinéma.

La revanche des « bombes sexuelles »

En 1941, Howard Hughes – auquel sa fortune autorisait tous les caprices – tourne un western avec Jane Russell beauté capiteuse aux imposantes proportions : The Outlaw (Le Banni). En fait, le film est entièrement axé sur le buste de Jane Russell et, accessoirement, sur ses jambes et sur les différents moyens de déshabiller l’actrice. La présence dans le film de Billy le Kid, de Doc Holliday et de Pat Garrett est presque un prétexte. Après sa sortie en 1943, et comme on pouvait le prévoir, le film est mis à l’index, après les protestations des ligues de vertu et de longs débats judiciaires. Il ne pourra être distribué que trois ans plus tard et, bien entendu, tout le monde voudra voir l’objet du scandale : du jour au lendemain, Jane Russell devient un sex-symbol. Alors que Hollywood se demande encore si cette formule est la bonne, la révolution sexuelle gagne toute l’Amérique. Le magazine Playboy est devenu l’organe officiel de cette révolution et la mode new-look – seins agressifs, taille de guêpe et jupes fendues, succédant aux poitrines plates des androgynes des années 1930 – devient l’uniforme officiel. Après trois siècles de puritanisme, l’Amérique découvre le sexe ! Dès que Hollywood sent le vent tourner, les femmes les plus provocantes accourent dans les studios.

Leurs films sont surtout, ou du moins veulent être, comiques avec souvent une tendance commune à renverser les rôles. Par sa sexualité agressive, ce nouveau type de femme affirme son pouvoir : celui de commander et de dominer les hommes. Le tour de poitrine prenant désormais le pas sur le jeu dramatique, les scénarios doivent s’adapter à toute une gamme de talents des plus limités. Parmi les blondes explosives des années 1950, la plupart ne sont que des actrices médiocres, voire calamiteuses, mais toutes parviennent fort bien à faire écarquiller les yeux des spectateurs et à susciter l’envie chez les spectatrices.

Après The Outlaw Jane Russell tourne dix-sept films en dix ans, autant de gros succès commerciaux. Parmi ceux-ci, on retiendra Gentlemen Prefer Blondes (Les hommes préfèrent les blondes, 1953) et The Revolt of Mamie Stover (Bungalow pour femmes, 1956). Jane s’attire l’admiration des spectatrices par sa capacité à utiliser son sex-appeal sans rien perdre de sa dignité. Arborant une perpétuelle expression de froide indifférence (les méchantes langues affirmant que c’est la seule dont elle soit capable), Jane Russell apparaît dès lors comme le symbole de la lutte pour l’égalité des sexes qui deviendra bientôt le cheval de bataille de la révolution sexuelle.

L’incomparable !

Marilyn Monroe est une bombe sexuelle d’un genre bien différent. A lui seul, son nom évoque toute l’époque des blondes explosives : c’est son succès insolent à la 20th Century-Fox, dans les années 1950, qui contraint les autres studios à créer toute une pléiade de succédanés : Kim Novak, Jayne Mansfield, Mamie Van Doren, Anita Ekberg. Douce, conciliante et toujours gaie, Marilyn Monroe possède une candeur et une ingénuité qui lui attirent tous les suffrages. Elle peut, quand elle le veut, se révéler très sexy, mais les tourments de sa difficile vie privée sont si connus du public que ses attitudes les plus provocantes ne suscitent bien souvent que le désir de la protéger.

Dans ses rôles les plus aguichants – The Seven year itch (Sept Ans de réflexion, 1955), Some like it hot (Certains l’aiment chaud, 1959) et, bien sûr, Gentlemen Prefer Blondes, Marilyn Monroe parvient toujours au happy end. Qui souhaiterait la blesser ou lui enlever ses illusions ? Dans Gentlemen Prefer Blondes, l’attrait qu’exerce son personnage (Lorelei) n’est pas simplement charnel : elle bénéficie d’un scénario intelligent qui laisse volontiers place à la satire et lui permet de savoureuses réparties, et elle se tire avec beaucoup de brio de sa confrontation avec la brune Jane Russell.

Tout au long de sa carrière, Marilyn conservera ce caractère primesautier et mutin. Bus Stop (Arrêt d’autobus, 1956) et The Misfists (Les Désaxés, 1961) lui donneront des rôles plus proches du stéréotype de la blonde ravageuse, mais ces deux films, plus graves et plus sérieux, ne plairont guère au public. Dans ces deux films, comme dans sa vie privée, Marilyn souffre plus d’aimer que d’être aimée : les spectateurs auraient souhaité qu’il en soit autrement pour elle.

Fades sosies

Le principal avatar de Marilyn Monroe dans les années 1950 est Jayne Mansfield, une blonde aux mensurations extravagantes, cantonnée dans les rôles d’idiote, qui ne parvient, malgré toute sa bonne volonté, qu’à rendre caricatural tout ce que Marilyn Monroe fait avec grâce et naturel. Sa carrière ne dure que quelques années, interrompue d’ailleurs par une fin tragique. Le public vient voir ses films pour rire de ses excès et de son manque de talent, mais elle réussit néanmoins à s’imposer dans le film que l’on peut considérer comme l’archétype du genre : The Girl Can’t Help it (La Blonde et moi, 1956). Elle y campe une aspirante chanteuse de rock’n’roll, bien peu motivée en fait car sa véritable ambition est de se marier, d’avoir un foyer et de faire des enfants. Dans une scène particulièrement mémorable, elle plaque deux bouteilles de lait sur sa poitrine et, un peu plus tard, elle se lamente – à la grande joie du public : « Tout le monde me prend pour une fille facile. Personne ne se rend compte que je suis parfaitement équipée pour la maternité. » Will Success Spoil Rock Hunter ? (La Blonde explosive, 1957), réalisé comme le précédent par Frank Tashlin, sera, dans le genre, encore plus réussi.

Au moins, Jayne Mansfield tourne des films qui se veulent comiques : ce n’est pas le cas de Mamie Van Doren. Cette autre copie de Marilyn Monroe apparaît, pendant les années 1950, dans une vingtaine de films conçus dans l’idée de donner au public l’occasion de se « rincer l’œil », dans les limites permises par le code Hays. Ses caractéristiques sont la langueur et l’insensibilité, sans oublier une poitrine si volumineuse que ses vêtements semblent avoir du mal à la contenir. Sa notoriété ne dépassera guère l’Amérique et, en France, elle est pratiquement inconnue.

En 1958, elle interprète un film qui aura un certain succès : High School Confidential (Jeunesse droguée). C’est un produit destiné à profiter du tout nouveau marché que constitue le jeune public. La moitié de l’intrigue tient dans la légende d’une photo publicitaire: « La troublante tante Gwen s’efforce de séduire son neveu, un buveur de lait. » L’autre moitié ne mérite pas qu’on en parle.

Les déesses de l’érotisme européen

Si Jayne Mansfield se complaît dans les mauvais calembours, si Mamie Van Doren incarne le péché, les bombes d’importation européenne apportent aux premiers témoins de la révolution sexuelle américaine la saveur continentale, sous la forme des trois plus belles femmes du monde : Brigitte Bardot, Sophia Loren et Anita Ekberg.

Brigitte Bardot est la seule qui fasse vraiment une concurrence dangereuse à Marilyn Monroe auprès du public américain. Elle a le même don pour la comédie, le même esprit primesautier dans un corps de femme, et réussit, comme elle, à susciter l’érotisme le plus provoquant par les seuls mouvements de son corps. Et Dieu créa la femme (1956) la lance dans le monde entier et l’impose comme la plus redoutable mangeuse d’hommes.

Le sex-appeal de Sophia Loren est bien différent. Capable d’humour, de passion, d’élégance, d’abandon et de cordialité, elle garde un petit quelque chose de populaire, comme si l’on pouvait, à tout moment, la rencontrer dans une rue italienne. Sans être, du moins à cette époque, une grande actrice, c’est une véritable professionnelle capable de s’appliquer avec le plus grand sérieux à ce qu’elle entreprend sans jamais sacrifier sa débordante sensualité Boy on a Dolphin (Ombres sur la mer, 1957), où elle interprète une pêcheuse sous-marine, et The Passion (Orgueil et passion, 1957), histoire de partisans espagnols luttant contre Napoléon, sont les films les plus caractéristiques de sa période de sex-symbol, époque où elle arborait des robes généreusement décolletées.

Comme Sophia Loren, Anita Ekberg est doté d’un beau visage bien structuré, il faut cependant avouer que ce n’est pas lui qui attire d’emblée le regard. Sa carrière débute en 1951 par une candidature au titre de Miss Univers, mais sa réputation de sex-symbol, si le physique du rôle ne lui manque pas lui vient d’une seule interprétation : la star hollywoodienne parodique dans La Dolce Vita (1960) de Federico Fellini. Sous la robe noire moulante de Sylvia. Anita Ekberg donne vie au personnage de cette femme de rêve qui cessera bientôt d’exister En fait, cette femme – pas plus qu’Anita Ekberg elle-même – n’a jamais réussi à s’imposer, sinon sur la pellicule et dans l’imagination des spectateurs.


MARILYN MONROE
Mélange explosif de candeur et de sensualité débordante, Marilyn Monroe est une actrice proche du génie. Sous le maquillage et les atours, elle restait une « petite fille ». Elle ne ressemblait à personne…

KIM NOVAK
Promue par Harry Cohn parce que Darryl F. Zanuck ne voulait pas lui prêter Marilyn Monroe ! Même si l’essentiel de sa carrière se déroula après 1955, Kim Novak est l’une des dernières « créatures » de l’ancien  système des studios. Ses rôles dans Picnic (J955) et Vertigo (Sueurs froides, 1958) ont fait rêver des générations de cinéphiles. La manière dont la beauté froide de Kim Novak vibre devant la caméra reste probablement un mystère même pour les cinéastes !


GENTLEMEN PREFER BLONDES – Howard Hawks (1953)
Ce premier rôle de Marilyn dans une comédie musicale lui permit de révéler l’incroyable potentiel artistique qu’elle avait en elle: jouer, chanter, danser… Elle mit un tel cœur à démontrer ces qualités, et dépensa une telle énergie à les travailler que ce film est resté célèbre.

THE SEVEN YEAR ITCH (Sept ans de réflexion) – Billy Wilder (1955)
Après avoir réalisé Sabrina en 1954, Billy Wilder enchaîne avec une commande de la compagnie Fox à laquelle Paramount l’a loué : The Seven year itch (Sept ans de réflexion), adaptation d’une pièce à succès de George Axelrod. Dans ce film , Marilyn Monroe incarne l’essence même de ce mélange unique de sexualité et d’innocence qui l’a caractérisée tout au long de sa carrière. La célébrité de ce film tient à son interprète et à la scène de la bouche de métro où sa robe se relève haut sur les cuisses.

BUS STOP (Arrêt d’autobus) – Joshua Logan (1956)
S’il ne lui valut pas même une nomination aux Oscars, le rôle de Cherie reste aujourd’hui encore considéré comme l’une des meilleures prestations de Marilyn, dans un film qui marquait en outre la prise d’indépendance de la star vis-à-vis des pontes d’Hollywood.

SOME LIKE IT HOT (Certains l’aiment chaud) – Billy Wilder (1959)
Nobody’s perfect ! (personne n’est parfait !). Et voilà gravée à jamais la plus célèbre réplique de dialogue du cinéma mondial avec les « Bizarre, bizarre » de Jacques Prévert ou les « Atmosphère, atmosphère ! » d’Henri Jeanson ! Cette phrase est le triomphe de l’équivoque et de l’ambiguïté, armes absolues de subversion pour Billy Wilder qui, dans ce jeu du chat et de la souris avec la censure (terme générique englobant toutes les ramifications morales et économiques d’un système social), va ici peut-être encore plus loin, avec plus d’audace, que dans The Seven yeay itch .

THE MISFITS (Les désaxés) – John Huston (1961)
Après son divorce, Roslyn rencontre Gay, un cow-boy désabusé qui lui propose de partir à la campagne. Une fois au vert, ils retrouvent Perce, un champion de rodéo aussi fêlé qu’eux. Roslyn comprend alors avec horreur que les hommes ne sont là que pour tuer des chevaux sauvages… Arthur Miller a composé la partition de cette tragédie pour son épouse, Marilyn Monroe, qu’il s’apprêtait à quitter. Autobiographie se confond ici avec autodafé. Alors que l’écrivain ne frémit plus devant sa femme mythique, il lui offre paradoxalement le plus beau rôle de sa vie.

EN CAS DE MALHEUR – Claude Autant-Lara (1958)
Réunissant les noms de Gabin, Bardot, Feuillère et Autant-Lara, cette adaptation d’un roman de Simenon avait tout d’un succès annoncé. Le résultat sera à la hauteur des espérances, et le film figure aujourd’hui parmi les classiques du cinéma français.

LA VÉRITÉ – Henri-Georges Clouzot (1960)
Tourné en pleine « bardolâtrie », La Vérité défraya la chronique. L’ogre Clouzot allait-il dévorer la star, qu’on venait de voir rieuse dans Babette s’en va-t-en guerre ? Après En cas de malheur, d’Autant-Lara, c’était son deuxiè­me grand rôle dramatique. Le succès fut à la hauteur du battage. Grand Prix du cinéma français, La Vérité décrocha un oscar à Hollywood.


CHERCHEZ LA FEMME !
Belle, cruelle et amorale, la femme fatale, personnage qui a toujours hanté l’imagination des hommes, a conquis sa place sur les écrans à la faveur du film noir des années 1940. Nombreux furent ceux qui se laissèrent prendre au piège de sa vénéneuse séduction…

LES BEAUTÉS FATALES DANS LE FILM NOIR
Il est surprenant de lire, ici et là, que le film Noir est un genre exclusivement masculin, alors que la motivation du comportement de ses personnages est souvent le désir sexuel et que les drames y sont provoqués à cause d’une femme à la sensualité dévorante ou bénéficiant d’une beauté exceptionnelle.

LES FEMMES DANS LE FILM NOIR
S’il y a beaucoup de femmes dans le film noir, la plupart n’existent qu’en tandem avec un partenaire masculin. De Double Indemnity (Assurance sur la mort) à Gun Crazy (Le Démon des armes), aussi dominatrice l’héroïne soit-elle, sans un homme d’une stature équivalente l’histoire ne tient pas. Pour qu’il y ait une femme fatale il faut un homme à détruire. Gilda (1946) et Nora dans Nora Prentiss (L’Amant sans visage, 1947) sont les personnages principaux. 

CES FEMMES FATALES
Du collant noir de Musidora à l’absence de dessous de Sharon Stone, l’accessoire ou son manque divinement souligné n’est jamais innocent et marque au fer rouge cette sublime pécheresse qui parcourt le cinéma, qu’il s’agisse du film noir hollywoodien qui en fit son égérie ou d’autres genres qu’elle hanta de son érotisme funeste. Car cette femme-là est fatale pour ceux qui l’approchent. Souvenirs de quelques figures mythiques entre Eros et Thanatos qui peuvent le payer cher dans un 7ème Art aux accents misogynes qui ne pardonnent pas.




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2 réponses »

  1. C’est vrai que les années 50 sont l’explosion des bombes dites sexuelles. Pourtant parallèlement ces femmes n’ont jamais autant refusé ce rôle et ont aspiré à autre chose. Certaines réussirent souvent des actrices européennes quand d’autres non avec en point d’orgue Marilyn Monroe pas su aller au delà.
    Il y a aussi des actrices comme Liz Taylor et Ava Gardner qui ont enflammé la pellicule dans de magnifiques rôles… mais c’est vrai elles sont brunes !

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