Réunissant les noms de Gabin, Bardot, Feuillère et Autant-Lara, cette adaptation d’un roman de Simenon avait tout d’un succès annoncé. Le résultat sera à la hauteur des espérances, et le film figure aujourd’hui parmi les classiques du cinéma français.


Dans un intérieur bourgeois, une jeune femme à la longue chevelure blonde et aux reins cambrés s’appuie contre un bureau, la jupe outrageusement relevée : face à elle, un quinquagénaire élégant la fixe. Cette image, l’une des plus célèbres du cinéma français des années 1950, est si frappante que, près d’un demi-siècle plus tard, tout le monde la connaît encore (le plus souvent sans avoir vu le film dont elle est extraite). Certes, la scène où Brigitte Bardot, toutes séductions dehors, s’efforce de séduire l’avocat joué par Jean Gabin nous paraît aujourd’hui moins audacieuse qu’au public de 1958. À l’époque, ce passage provoqua les foudres des associations catholiques et bien-pensantes – comme la plupart des films de Claude Autant-Lara, d’ailleurs. Aux yeux de ces bonnes âmes, En cas de malheur présente en outre l’inconvénient de cumuler les sources de scandale : car non seulement le scénario signé par Aurenche et Bost regorge de situations « scabreuses », mais son actrice principale est elle-même l’incarnation de la débauche. En 1958, le tollé provoqué par la nudité de Brigitte Bardot dans Et Dieu créa la femme n’est pas encore calmé, et voilà qu’En cas de malheur vient remettre le feu aux poudres avec une (brève) apparition de l’actrice dans le plus simple appareil. Comme on s’en doute, les différents appels au boycott constitueront une publicité rêvée pour le film, et aboutiront à l’effet inverse, au grand dam des puritains.


Lorsque Jean Gabin annonce en 1958 son intention de tourner un second film sous la direction de Claude Autant-Lara, son entourage s’en trouve quelque peu surpris. Car les deux hommes ne se sont guère appréciés, deux ans plus tôt, sur le plateau de La Traversée de Paris. Gabin trouve le cinéaste colérique, et de son côté, Autant-Lara n’a jamais caché qu’il considérait Gabin comme un comédien limité. Seulement voilà, ledit comédien a le don d’attirer les foules, ce qui ne peut déplaire à un réalisateur… Quant à Gabin, il a trois bonnes raisons de surmonter ses réticences et de se lancer dans ce nouveau projet. La première tient à son goût prononcé pour l’univers de Georges Simenon : à l’époque, l’acteur a déjà tourné quatre films inspirés de l’œuvre de l’écrivain, dont La Marie du port, pour lequel il a acquis lui-même les droits d’adaptation. Et après En cas de malheur, il en tournera encore cinq autres, devenant ainsi le comédien ayant le plus souvent incarné au cinéma des personnages issus de l’imagination du romancier belge.


La seconde motivation qui pousse Gabin à accepter ce projet, c’est la perspective de retrouver une comédienne avec qui il a eu l’occasion de travailler en… 1934 ! Cette année-là, l’acteur avait tenu le rôle de Ponce Pilate dans Golgotha (de Julien Duvivier). Il s’était trouvé parfaitement ridicule dans son uniforme de consul romain, mais ce désagrément avait été compensé par le plaisir de donner la réplique à Edwige Feuillère, qui jouait sa femme. Gabin avait alors pris l’habitude d’appeler sa partenaire « Ma’ame Ponce », habitude qu’il conservera toute sa vie. De son côté, l’actrice se montre tout aussi ravie de retrouver Gabin, ainsi que Claude Autant-Lara, qui l’a déjà dirigée dans Le Blé en herbe. Dans ses mémoires, Edwige Feuillère reviendra avec humour sur un épisode peu flatteur du tournage. La production a en effet engagé trois chauffeurs pour véhiculer les comédiens principaux d’En cas de malheur : deux d’entre eux s’avèrent parfaits, mais celui de Gabin conduit sa Mercedes « comme un dingue » ce qui énerve l’acteur au plus haut point. Le régisseur du film vient donc un jour voir Edwige Feuillère, et lui annonce tout de go : « Voilà ce que j’ai décidé: je vous donne la Mercedes – vous y gagnez – et je reprends la Citroën avec le chauffeur, qui est prudent, lui, et sans histoires : aucun risque d’accident avec lui ! Et je réceptionne mon Gabin bien d’aplomb, dans sa bonne humeur… ». Ce à quoi l’actrice réplique avec philosophie : « Et vous me donnez le dingue !.. » Fort heureusement, cette « rétrogradation dans la hiérarchie des vedettes », comme elle la qualifie elle-même, ne l’empêchera pas de garder un bon souvenir d’En cas de malheur. [Collection Gabin – Eric Quéméré – août 2006]


Au Festival de Venise, fin août-début septembre 1958, En cas de malheur suscita le scandale et fut traîné dans la fange, souvent au nom de l’autre film français en compétition qui, pourtant, disaient les spectateurs choqués, traitait également un sujet audacieux : Les Amants de Louis Malle, au nom de leur pseudo-modernisme, justifièrent par conséquent, dans une certaine mesure, la mine dégoûtée des pharisiens qui profitèrent de l’occasion pour exprimer leur mépris à l’égard de Brigitte Bardot, considérée comme l’incarnation d’une obscène médiocrité alors qu’elle manifestait seulement, en avant de son époque, la grâce naturelle du corps et de sa force désirante. Ces réactions devant un personnage et une interprète que l’on qualifiait de « pervers » ne constituaient, il me semble, qu’un alibi de la part de bourgeois touchés au vif et qui devinaient très bien qu’en effet, Bardot, à l’ écran, pervertissait leur hypocrite ordre moral. Obliques lorgneurs des appétissantes rondeurs de cette jeune femme d’allure libérée, ils se retournèrent contre elle afin de refouler mieux leurs propres désirs, salissant l’inatteignable (pour eux) objet sexuel pour mieux l’abolir du champ de leur conscience et non le poétiser dans un imaginaire troublant. Ainsi rassurés, ils crièrent à la bêtise, à l’ordure, au lieu d’y voir une revendication de la santé, du bonheur de vivre.


A New York, dans Love is my Profession (titre anglais d’En cas de malheur), la séquence de B.B. sortant nue de la douche fut supprimée, puis rétablie dès que la Cour suprême des Etats-Unis eût accepté, non sans combats de procédure judiciaire. La projection de la version intégrale de L’Amant de Lady Chatterley de Marc Allégret ; car, signe de libéralisme (économique plutôt que moral l) on ne pouvait pas autoriser en Amérique d’adaptation de D. H. Laurence (dont la réputation continue d’alarmer les puritains) sans autoriser également celle de Simenon.


La mise en scène du récit dispose deux situations n’entretenant apparemment aucun rapport l’une avec l’autre, et simultanées : tandis que la télévision diffuse un reportage commenté pompeusement au sujet de la visite de la Reine Elisabeth d’Angleterre à Paris, Yvette, une fille de petite vertu s’affole en songeant au hold-up qu’elle vient d’accomplir stupidement avec une copine. Ailleurs, dans les beaux quartiers, un couple de grands bourgeois, le célèbre avocat GobiIlot et son épouse, se prépare à participer aux festivités officielles de la République française recevant avec allégresse la Monarchie britannique.


Sur le fond de liesse populaire, l’intrigue se noue et se développe de façon très logique : Yvette vient demander à Maître Gobillot de la défendre. Elle lui propose gentiment de le payer en nature. Il refuse l’offre ; mais il accepte la défense, par gentillesse ou pour, de tortueuses raisons libidineuses qu’il n’ose pas s’avouer franchement. Il gagne le procès par des moyens peu honorables, en particulier en utilisant les services d’un faux témoin. Puis, avec la complicité de son épouse, il fait d’Yvette sa maîtresse, l’installe dans un douillet appartement, lui paie les services d’une jeune bonne et se permet un luxe de débauches assez bien gratiné. Mais un amoureux continue de tourner autour d’Yvette : Gobillot est jaloux. Yvette veut tenter de concilier son bonheur de femme entretenue avec celui de son bon plaisir de personnne écervelée. Ça finira mal.


Autant-Lara, Aurenche et Bost ont déplacé le centre d’intérêt du roman de Simenon (dirigé sur Gobillot) sur le comportement insaisissable d’Yvette, croustillante putain respectueuse aux envies capricantes. Ils ont eu raison, puisque le personnage d’Yvette semble composé sur mesure pour Brigitte Bardot. Et les relations Yvette-Gobillot atteignent une sorte de fraîcheur naïve dans l’immoralité cependant que dans le sens Gobillot-Yvette, au contraire, elles manifestent la corruption cachée sous le rituel social comme les blattes sous une dalle de marbre. La violence du récit, pourtant, est déséquilibrée par la faible réalité de Mazetti, l’étudiant amoureux que joue Interlenghi.


Techniquement, l’œuvre est toujours maîtrisée par le cinéaste qui recherche l’efficacité narrative plus que l’envoûtement. Il est, d’ailleurs, excellement servi par le découpage et par les dialogues, incisifs et particulièrement réussis lorsqu’il s’agit des conversations de Gobillot avec son épouse : Ils se comprennent à demi-mot, à demi-phrase, et l’on sent entre ces deux êtres une redoutable complicité face au monde., a son rituel face aux contingences, aux secrets qui ne se trahissent à l’improviste, un instant déculpabilisés, que dans l’intimité des échanges charnels.


Comme toujours, Gabin est tout d’un bloc ; ses expressions trop assurées parviennent mal à nous laisser deviner la passion qui ronge ce quinquagénaire et les appels du vice qui le taraudent, ce comportement à double sens qu’Yvette éprouve dans la révolte en lui criant avec dégoût : « Tu n’as pas de moralité ». Brigitte Bardot, au contraire, exprime plus en nuance la dualité de sa propre situation psycho-sociale. Femme-enfant effrontée, appât et proie, sensuelle et calculatrice, elle sait mettre les atouts dans son jeu pour gagner la possibilité de se mouvoir dans la jungle bourgeoise au gré de son humeur en butinant le plaisir de fleur en fleur. Son mythe, né deux ans plus tôt dans Et Dieu créa la femme (1956) de Roger Vadim gagne ici, brusquement, une densité que nous retrouverons dans La Vérité (1960) de Clouzot, mais rarement ailleurs. Malgré Simone de Beauvoir et quelques autres, l’importance de ce mythe et de ce qu’il annonçait confusément fut négligée, escamotée sous les ricanements à l’époque ; et l’on peut lire avec intérêt l’analyse qu’en donne Françoise Audé pour en saisir avec retard la signification [cf. Ciné-modèles, cinéma d’elles, Ed. L’Age d’Homme, Lausanne 1981].


En cas de malheur eut, malgré tout, d’intelligents défenseurs au premier rang desquels je citerai François Truffaut. Dans Arts (16 septembre 1958) il consacre un long article à ce film qu’il considère comme l’un des meilleurs d’Autant-Lara : « … Le thème n’est pas nouveau, c’est celui de Nana, de La Chienne, l’amour d’un homme mûr, installé dans la vie, pour une fille trop jeune et trop légère qui représente J’éternel féminin. Si je cite La Chienne, c’est en pensant à l’admirable préambule par lequel Renoir présentait son film à l’aide de marionnettes qui se bâtonnaient : « C’est l’éternelle histoire : elle, lui et l’autre… » Truffaut prend de bonnes références chez Renoir, mais il ne voit pas que Bardot et son personnage refusent « l’éternel féminin » (cette invention du mâle propriétaire de la femelle) afin d’introduire de manière intuitive sous la figure classique de l’existence conjugale codifiée par le théâtre de boulevard, une timide négation. Nous assistons là, peut-être, à l’une de ces escarmouches d’avant-garde, multiples et vaincues au cours des siècles, et qui tout a coup annonce le combat mieux organisé, promis sans doute à la victoire du féminisme à l’aube de l’an 2000.


Cette dimension qu’apporte Bardot (plutôt que les auteurs, de Simenon à Autant-Lara) met en question le jugement de Truffaut lorsqu’il affirme : « En cas de malheur est devenu très exactement une pièce d’Anouilh…. » En revanche, nous ne pouvons que l’approuver quand il poursuit : « Il y a quelques années, la pureté de mes vingt ans aurait condamné un tel film en bloc, rageusement, et c’est avec un peu d’amertume. que je me surprends aujourd’hui à admirer, même partiellement, un film plus intelligent que beau, plus adroit que noble, plus rusé que sensible. Mais si j’ai mis de l’eau dans mon vin, Il faut convenir qu’Aurenche et Bost – et Autant-Lara – ont mis du vin dans leur eau et qu’ils sont devenus très forts. Si leurs noms doivent rester dans l’Histoire du Cinéma, ce sera moins pour avoir fait avancer le cinéma que pour avoir fait avancer le public… »


C’est moi qui souligne, car cette reconnaissance pourrait ouvrir un vaste débat sur la fonction de l’art. Les inventeurs de formes, incompris en leur temps, sont indispensables ; mais ceux qui font « avancer le public » (même si l’on peut douter, en considérant la crétinisation de nos sociétés dites modernes, qu’ils y parviennent vraiment) le sont aussi. Truffaut n’en était pas absolument persuadé (ce qu’il va devenir en réalisant des films) puisqu’il concluait à propos d’Autant-Lara : « Sa technique se décongestionne en même temps qu’elle se « déthéâtralise » ; son travail d’accélération sur Bardot et Gabin, de freinage sur Edwige Feuillère, est parfait. Autant-Lara avec La Traversée de Paris et ce film surclasse Henri-Georges Clouzot et René Clément, mais comme eux se ferme les portes de la poésie, donc du grand cinéma ». Glissons par-dessus la frontière vague qui s’ouvre sur « le grand cinéma » et remarquons seulement qu’en suivant Le Dernier métro, plus particulièrement la pièce de théâtre qui s’y monte, le décor, plus d’une fois, nous fait songer non à Stroheim ou Renoir, mais à Claude Autant-Lara lui-même. Curieuse ironie du sort ! [Claude Autant-Lara – Freddy Buache – Collection « cinéma vivant » – Ed. L’Age d’homme (1982)]


Dans sa brève carrière, Raoul Lévy (le producteur du film) aura le génie des confrontations hors du commun, comme celle de Gabin et Bardot selon le critique Georges Charensol « Une idée admirable de choisir pour partenaires de l’aventure le meilleur, le plus solide des interprètes masculins, Jean Gabin, et la plus maladroite, la plus fragile des interprètes féminines ! » Lévy a d’abord fait miroiter à Gabin un autre rôle, l’un de ses modèles, le grand résistant Jean Moulin dans un film de René Clément. Sans résultat, l’idée est restée lettre morte, le projet a été annulé ! Bonne nouvelle, entre-temps, Gabin a changé de sentiment envers Brigitte Bardot, « gamine » érigée au statut de phénomène planétaire, sex-symbol à la gloire sulfureuse fabriqué par Lévy et son ex-mari le cinéaste Roger Vadim : « J’étais pourtant terrifiée à la simple idée de tourner avec Edwige Feuillère et Jean Gabin », avoue Bardot. Le jour où Lévy lui parle pour la première fois de ce partenaire inattendu, non sans humour, elle lance : « Gabin ? C’est bien cet acteur du muet ? » Mis dans la confidence, le vieux lion n’a pas rugi, souriant à ce petit coup de « griffe» ! Toutefois, à la seconde lecture du script, il n’apprécie toujours pas son rôle, particulièrement immoral, surtout dans ses scènes avec Janine, la petite bonne campée par Nicole Berger.


En tournage dans les studios de Joinville du 4 novembre 1957 au 4 février 1958, les choses ne sont pas simples ; d’abord, en l’absence de Bardot, en train de boucler le film de Vadim Les Bijoutiers du clair de lune, certaines scènes ne peuvent pas être tournées. Ensuite, il fallait s’y attendre, les rapports avec Claude Autant-Lara se dégradent vite, l’entente est peu cordiale, à couteaux tirés même, selon Jean Aurenche co-auteur du scénario avec Pierre Bost. Un jour, hors de lui, le cinéaste a mandaté un huissier pour faire constater le non-respect de ses répliques par l’acteur ! Tension vive car celui-ci n’a pas l’intention de se laisser déborder par un réalisateur « mauvais coucheur », peu réputé pour la souplesse de son caractère. Des témoins se sont fait écho de franches engueulades, d’échanges de noms d’oiseaux, rien ne va plus entre les deux caractériels. Heureusement, Bardot sitôt arrivée, Gabin se fait tout miel et ce, même quand il est confronté aux difficultés de sa partenaire à se concentrer. Car dès leur première scène dans son bureau d’avocat filmée au 17 bis quai d’Anjou, elle parait perturbée ; habituellement plus docile, un brin timide, délicieuse dans l’art de rompre la glace, elle perd pied et, malgré les efforts de sa maquilleuse Odette Berroyer pour la calmer elle ne parvient pas à dire son texte, se trompe une, deux, cinq fois, Ce jour-là, Autant-Lara montre un signe d’énervement caractéristique, triturant nerveusement sa casquette. « C’est alors que Gabin a été extraordinaire, raconte Bardot. Sentant mon angoisse, ma timidité, mon affolement, voyant que j’étais au bord de la crise de nerfs, il a fait exprès de se tromper à la prise suivante. Il a grommelé alors que « ça arrivait à tout le monde » ! Il a détendu l’atmosphère, et j’ai enfin pu dire mon texte sans me tromper. Merci Gabin ! »


Au fil des semaines, chacun a pris ses marques, le duo fonctionne parfaitement. Plus décontractée entre les prises, elle lui propose de rouler ses cigarettes comme avec son ancien pygmalion Roger Vadim -le nouveau s’appelle Gilbert Bécaud. De son côté, Gabin lui rapporte des sacs de pommes de son verger normand ! Ainsi, Gabin apprécie Bardot, bien qu’il soit spectateur de ses crises ; à plusieurs reprises, il va la chercher dans sa loge d’où elle refuse obstinément de sortir, dépressive, en permanence traquée par des hordes de journalistes, elle se heurte comme un oiseau en cage aux barreaux du piège doré où la gloire l’enferme. Edwige Feuillère, par contre, ne bénéficie pas du même traitement : à l’aube de la cinquantaine, au creux de la vague, la grande dame du cinéma a accepté le rôle secondaire de Viviane Gobillot, l’épouse.



Le soir du 24 décembre 1957, après le traditionnel pot de départ des studios offert par la production, toute l’équipe du film se sépare, le cœur empli de tristesse. Bardot regagne seule son appartement de l’avenue Paul-Doumer, Gabin s’en émeut. Il redoute aussi la difficile épreuve de la post-synchronisation en auditorium où, toujours selon Aurenche, des coups ont été échangés entre Gabin et Autant-Lara. Heureusement, en cette fin d’année 1957, Gabin retrouve Gilles Grangier et Audiard pour Le Désordre et la Nuit où ils lui ont confectionné un personnage de flic désabusé vaguement inspiré d’un roman de Jacques Robert, auteur qualifié par eux de « bellâtre de salon » et de « petite frappe andalouse » ! [Jean Gabin inconnu – Jean-Jacques Jelot-Blanc – Ed. Flammarion (2014)]

CLAUDE AUTANT-LARA : LE BOURGEOIS ANARCHISTE
Claude Autant-Lara a été un des grands cinéastes français de la période 1940-1960. Il en a donné maintes fois la preuve, c’est un artiste et il sait ensuite injecter une méchanceté toute personnelle à ce qu’il veut dénoncer et user du vitriol. Son œuvre est inégale et comporte une inévitable part de films sans intérêt. Mais on lui doit quelques chefs-d’œuvre et une bonne dizaine d’œuvres importantes qui suffisent à faire de lui le pair d’un Clouzot, d’un Becker ou d’un Grémillon.
Bande originale
C’est René Cloërec qui signa la musique d’En Cas de malheur. Il est né en 1911 et décéde en 1995, il est l’auteur de l’indicatif de la publicité Jean Mineur diffusé depuis 1952 dans les salles de cinéma. A l’école supérieure de Musique, il poursuit ses études sous la direction de Pierre Vidal et Albert Roussel. A quinze ans, il est embauché comme pianiste accompagnateur de films muets au cinéma Maillot-Palace. Claude Autant-Lara va le contacter pour son film Douce, ce sera le début d’une collaboration de 23 ans et 18 films. Il composa également la partition du film La Cage aux rossignols (1945) et Copie Conforme (1947) de Jean Dréville, Le Père tranquille (de René Clément en 1946) et Les Aristocrates (de Denys de La Patellière en 1955). Il se retire du cinéma en 1965, pour se consacrer entre autres à la scénographie des châteaux de la Loire.





Les extraits

JEAN GABIN
S’il est un acteur dont le nom est à jamais associé au cinéma de l’entre-deux-guerres, aux chefs-d’œuvre du réalisme poétique, c’est bien Jean Gabin. Après la guerre, il connait tout d’abord une période creuse en termes de succès, puis, à partir de 1954, il devient un « pacha » incarnant la plupart du temps des rôles de truands ou de policiers, toujours avec la même droiture jusqu’à la fin des années 1970.

EDWIGE FEUILLÈRE : LA GRANDE DAME DU SEPTIÈME ART
Avec son élégance naturelle, la comédienne a su conquérir aussi bien le milieu du théâtre que ceux du cinéma et de la télévision. De Lucrèce Borgia aux Dames de la côte, de L’aigle à deux têtes au Blé en herbe, retour sur un parcours d’exception.

SIMENON AU CINÉMA (période : 1932-1980)
Plus encore que Balzac, Dumas, Zola ou Maupassant, c’est Georges Simenon qui est l’écrivain le plus adapté par le cinéma français. Il est un peu pour les metteurs en scène l’équivalent de ce que le roman noir de Chandler ou d’Hammett fut pour ceux de l’Amérique : l’occasion d’un coup de projecteur sur telle ou telle couche de la société, par le biais de l’enquête policière, voire du simple fait divers.

LE MARIAGE DE CHIFFON – Claude Autant-Lara (1942)
Dans Le Mariage de Chiffon la musique de Jean Wiener donne le ton dès le déroulement du générique : elle développe, en arabesques, des variations à partir de la célèbre valse, « Fascination » que des éclats de fanfares militaires et des sonneries de clairons viennent perturber avec humour : « Je t’ai rencontrée simplement, et tu n’as rien fait pour chercher à me plaire… »

DOUCE – Claude Autant-Lara (1943)
Douce est d’emblée considéré comme un grand film, le meilleur réalisé à ce jour par Claude Autant-Lara. D’après les agendas de François Truffaut, le futur réalisateur des Quatre Cents Coups (1959) est allé le voir sept fois durant son adolescence. D’autres jeunes cinéphiles de l’époque m’ont dit l’impression forte qu’ils en ont reçue : Jean Douchet, Alain Cavalier. Aujourd’hui, il fait partie des quatre ou cinq meilleurs films du cinéaste.

LE DIABLE AU CORPS – Claude Autant-Lara (1947)
C’est en 1917 que les deux protagonistes. Marthe Grangier, infirmière aux faibles convictions est fiancé à un soldat sur le front. François Jaubert, 17 ans, est encore lycéen. Dès les premiers instants, il s’éprend d’elle. Tous deux vont sans retenues se lancer dans une liaison passionnelle… Au risque de tout perdre. Claude Autant-Lara, le réalisateur, dira de son film : «J’ai traité le problème de la jeunesse et de l’amour avec une franchise totale. J’ai voulu exprimer le réalisme du sentiment et non pas faire un film scandaleux… Je me suis attaqué de front à un problème social et sentimental difficile, délicat, mais en conservant le plus de santé possible.»

L’AUBERGE ROUGE – Claude Autant-Lara (1951)
Au XIXe siècle, un couple d’aubergistes assassine ses hôtes. Criminelle mais chrétienne pleine de foi, la patronne se confesse à un moine de passage. Ce dernier réussira-t-il à sauver les voyageurs d’une diligence ? Inspiré d’un fait divers, ce film truculent et sulfureux reste un pied de nez aux bienséances de l’époque et à son propre producteur, un marchand d’armes persuadé de financer une œuvre morale !

LA TRAVERSÉE DE PARIS – Claude Autant-Lara (1956)
En 1956, Claude Autant-Lara jette un pavé dans la mare avec une sombre comédie sur fond d’Occupation. L’occasion de diriger pour leur première rencontre deux monstres sacrés, Jean Gabin et Bourvil, qui vont s’en donner à cœur joie dans ce registre inédit.

LA JUMENT VERTE – Claude Autant-Lara (1959)
La Jument Verte, écrit par Marcel Aymé, parait en 1933, assurant sa renommée. En revenant à cet écrivain de la truculence et de l’ironie acide, Autant-Lara et son équipe sont moins heureux qu’avec La Traversée de Paris. La verve de la farce villageoise, chez eux, s’inscrit surtout au grès de plaisanteries accompagnées de jurons tout au long d’un dialogue qui vise le succès facile plutôt qu’une vérité psychologique profonde sous la gaillardise.

LE MAGOT DE JOSEFA – Claude Autant-Lara (1963)
Le Magot de Josefa n’est pas un « grand » film dans la carrière de Claude Autant-Lara mais il laisse tout de même une bonne impression dans la série des farces villageoises, spécialités du réalisateur, rassemblant une belle brochette d’acteurs.

LA VÉRITÉ – Henri-Georges Clouzot (1960)
Tourné en pleine « bardolâtrie », La Vérité défraya la chronique. L’ogre Clouzot allait-il dévorer la star, qu’on venait de voir rieuse dans Babette s’en va-t-en guerre ? Après En cas de malheur, d’Autant-Lara, c’était son deuxième grand rôle dramatique. Le succès fut à la hauteur du battage. Grand Prix du cinéma français, La Vérité décrocha un oscar à Hollywood.
- THE LONG NIGHT – Anatole Litvak (1947) / LE JOUR SE LÈVE « refait » et « trahi »
- EDWIGE FEUILLÈRE : LA GRANDE DAME DU SEPTIÈME ART
- LA POLITIQUE DU CINÉMA FRANÇAIS
- THE GARMENT JUNGLE (Racket dans la couture) – Vincent Sherman (1957)
- THE RACKET (Racket) – John Cromwell (1951)
Catégories :Le Film français
elle était belle quand elle était jeune BB … Merci Laurent et bonne année 2018 à toi ! – Juju roijoyeux
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