Alfred Hitchcock est né en Angleterre, le 13 août 1899, au sein d’une famille de catholiques. Son père était un riche marchand de volailles. Il aimait le théâtre, mais se voulait rigoureux en matière de discipline et de religion. L’enfance heureuse d’Alfred fut marquée par un incident qu’il n’oubliera jamais. A six ans, il commit une bêtise qui fâcha fort ses parents. Ils l’envoyèrent porter une lettre au commissariat. Après avoir lu la missive, le planton enferma l’enfant dans une cellule. L’incarcération dura cinq minutes, mais Alfred Hitchcock s’en souviendra toute son existence. Il expliquera que c’était à l’origine de sa peur des policiers. Un an avant sa mort, le 7 mars 1979, il rappellera cet incident lors de son discours de remerciements à l’hommage que lui rendait l’American Film Institute. (Selon son amie Odette Ferry, Hitchcock aurait inventé cette anecdote.)

Après avoir étudié chez les jésuites, Hitchcock suivit les cours de l’école des Beaux-Arts. Il a quinze ans. La première guerre mondiale fait rage, mais l’adolescent ne se préoccupe pas de ces événements. Il fait des progrès en dessin, fréquente les théâtres et découvre le cinéma. Au moment de l’armistice, l’Empire britannique est une importante puissance qui domine 33 millions de kilomètres carrés, peuplés de 500 millions d’habitants. Cependant, l’Angleterre connaît de graves problèmes internes. La livre est faible, un million de chômeurs crient famine et le pouvoir conservateur se heurte aux luttes des syndicats. Au sein de cette crise, le jeune Hitchcock cherche un emploi. En 1920, il entre dans une compagnie cinématographique américaine qui vient d’ouvrir des studios à lslington. On le charge de rédiger et de dessiner les intertitres des films. Le métier lui plaît.

Ce ne sera qu’après avoir vu Dea mude tod (Les Trois lumières) de Fritz Lang, en 1922, qu’Hitchcock songe à devenir metteur en scène. Il tourne deux bobines d’un film qui restera inachevé : Number thirteen (Numéro 13). Son studio (Famous Players – Lasky) ferme ses bureaux britanniques au moment où Hitchcock achève la mise en scène d’un film, Always tell your wife, dont le réalisateur était tombé malade. Les locaux sont investis par une compagnie britannique indépendante que viennent de fonder Michael Balcon, Victor Saville et John Freedman. Hitchcock est engagé par cette nouvelle équipe. Son emploi s’augmente des fonctions de monteur, scénariste, décorateur et assistant-réalisateur.

Il résumera cette période en ces termes : «J’avais 23 ans et Je n’étais jamais sorti avec une fille. Je n’avais jamais bu un seul verre.» Le cinématographe attire les spectateurs britanniques, mais les films étrangers saturent le marché. Quelques réalisateurs réussissent à s’imposer : E.A. Colleby, M. Elvey, G. Pearson, D. Crisp, H. Wilcox… Sentant l’isolement de la production britannique, Michael Balcon signe des accords avec Erich Pommer, qui vient d’être nommé directeur de la puissante U.F.A. de Berlin. Des films seront tournés là-bas pour le compte de sa société. Hitchcock est l’assistant attitré de Graham Cutts et il accompagne celui-ci en Allemagne. Il apprendra beaucoup en observant les techniciens germaniques.

En 1925, Balcon lui confie sa première mise en scène : The Pleasure garden, un mélodrame adapté du roman d’Oliver Sandys. Le tournage a lieu à Munich. A son retour, Hitchcock épouse son assistante, Alma Réville, avec laquelle il partagera toute son existence. The Pleasure garden est un film passionnant. Le jeune réalisateur y prouve ses connaissances de la technique des films muets. Plusieurs thèmes annoncent les œuvres futures : fascination de la perversité, incitation au suicide, peur du vide, rôle de l’eau, dégradation par amour, itinéraire physique et moral, monde du spectacle et du jeu… Les poncifs du scénario sont habilement contournés et la presse rend hommage au réalisateur en le surnommant « le jeune homme au cerveau de maître ».

La « Gainsborough », que venait de créer Michael Balcon, produira quatre autres films d’Hitchcock : The Mountain eagle (1926), The Lodger (Les Cheveux d’or, 1926), qu’il considère comme son premier film d’auteur, Downhill (1927), et Easy virtue (1927), qui sont deux adaptations de pièces de théâtre.

The Lodger sera le seul succès commercial de la série. Construit sur d’admirables trouvailles visuelles, ce film inaugure le jeu que l’auteur imposera au public en lui montrant un homme innocent accusé de meurtre : « Ce thème procure au spectateur une jouissance grave. Il se sent en danger et plus proche du héros.» Après l’échec d’Easy virtue, Hitchcock entre à la British International Pictures que dirige John Maxwell. De 1927 à 1932, il y réalisera onze films qui affirmeront l’originalité de son style.

The Ring (Le Masque de cuir) inaugure cette collaboration. Le scénario original est d’Hitchcock. Il se base sur la rivalité de deux boxeurs qui aiment la même femme. Au-delà du récit plein d’humour, c’est très riche en inventions stylistiques. Hitchcock expérimente une structure d’ensemble prise en tant que partition, comme en musique. Les variations nombreuses infiltrent les objets et les caractères pour mieux valoriser l’ambition esthétique du film. La critique salua l’audace, mais le public bouda. Hitchcock fut touché de cet échec. Maxwell, lui demanda de transposer une pièce de théâtre à l’écran, The Farmer’s wife (Laquelle des trois, 1928) qui avait été jouée 1.400 fois à Londres.

Hitchcock travailla le découpage et le montage du film pour en ôter la dimension théâtrale et lui donner un espace d’ordre cinématographique. Pour l’époque, l’initiative était originale. La même année, il réalise Champagne (A l’américaine). C’est une comédie alimentée de nombreux gags, mais assez faible sur la structure d’ensemble. Il signe ensuite Harmony heaven (1929), dont il est probable qu’il ne fut pas le véritable réalisateur.

A ce moment de sa vie, Hitchcock est très insatisfait. Depuis l’échec de The Ring, il s’éparpille sans trouver le bon véhicule pour que son style s’épanouisse. Il adapte un roman de Sir Hall Caine : The Manxman et réussit une œuvre parfaite. Pourtant, Hitchcock accordait peu d’importance à ce mélodrame spécifiquement britannique. Peut-être était-il inconscient de la force que son film possédait. Mais les thèmes les plus graves de l’auteur y sont énoncés avec une imparable rigueur.

A nouveau (cf : The Ring), c’est l’histoire de deux hommes qui aiment la même femme : « Pete est un pêcheur. Philip est un avocat. Pete est trop pauvre pour épouser Kate. Il part faire fortune. On le croit mort. Philip devient l’amant de Kate. Il lui fait un enfant. Pete revient et épouse Kate, croyant que l’enfant est de lui. Philip est nommé juge. Kate veut se suicider, mais elle échoue. La loi anglaise s’applique. Il lui faut répondre de son acte désespéré devant un tribunal. C’est Philip qui la juge. Kate dévoile leur secret en public. Philip abandonne sa fonction et part avec Kate sous les regards méprisants des gens du village.»

Pour la première fois Hitchcock aborde le double thème du secret et de l’enfant. Par la suite, ces deux éléments reviendront régulièrement dans son œuvre. Les couples y seront unis ou séparés par la présence ou l’absence de l’enfant, par son rapport à un secret. L’éducation catholique du réalisateur dut influencer cette constante thématique. Chez lui, l’idée de culpabilité s’associe à la sexualité. De plus, la psychanalyse l’intéressera toujours.

En 1929, le cinéma muet s’efface devant la parole. L’industrie du film connaîtra sa première grande mutation. Hitchcock s’adaptera aisément à cette nouvelle donnée. Expérimentateur avant tout il cherchera à innover sur ce terrain. Mais il restera très exigeant sur la force des images. Il savait que la parole pouvait être aussi un danger pour le Septième Art : « Avec l’avènement du parlant, le cinéma s’est brusquement figé dans une forme théâtrale. La mobilité de la caméra ne change rien à cela. Même si la caméra se promène tout au long du trottoir, c’est toujours du théâtre. Le résultat, c’est la perte du style cinématographique et la perte aussi de toute fantaisie.» [Noël Simsolo – Anthologie du cinéma n°110 – Alfred Hitchcock – L’Avant-Scène (1982)]


THE LODGER (Les Cheveux d’or) – Alfred Hitchcock (1927)
Une femme blonde est découverte morte dans une rue de Londres : le Vengeur a encore frappé. Peu après, un jeune homme prend une chambre dans une pension proche du quartier où ont eu lieu les crimes… Tout Hitchcock est déjà là, chaque plan de ce chef-d’œuvre du muet témoignant de la précision et du sens du récit du maître anglais. Lorsqu’ils découvrirent le film, le public et la presse unanimes reconnurent la naissance d’un génie.

Sur la piste du crime (période 1929-1939)
La première expérience parlante d’Hitchcock, ce sera Blackmail (Chantage, 1929). Aujourd’hui, cette œuvre conserve une authentique modernité. L’auteur y installe des personnages et des situations qui alimenteront ses films postérieurs : la femme coupable, le policier amoureux de la femme qu’il doit arrêter, l’union terrible par un secret encore plus terrible, l’itinéraire vécu par un couple et la traversée des apparences.

Hollywood et la guerre (période 1940 – 1944)
A la veille de la guerre, l’industrie cinématographique américaine domine le marché mondial. De nombreux cinéastes européens ont raillé Hollywood. la domination nazie accélérera cette migration, mais ce cosmopolitisme convient au public national. Ce peuple d’émigrants aime le cinéma. les images satisfont ses fantasmes et bercent ses espoirs. Il se retrouve culturellement devant des produits conçus par des réalisateurs européens.

Expérimentations (période 1945-1954)
Rentré aux U.S.A. après avoir réalisé Bon voyage et Aventure malgache (courts métrages à la gloire de la résistance française réalisés en Angleterre), Hitchcock tourne une production de Selznick : Spellbound (La Maison du docteur Edwards). Cette fois, la chasse à l’homme et la formation d’un couple s’inscrivent dans une structure plus complexe. La psychanalyse règne sur l’œuvre.

Le temps de la perfection (période 1954 -1966)
En 1954, Hitchcock entre à la Paramount. Il y restera de longues années et en deviendra l’une des plus fortes valeurs commerciales. Il commence par l’adaptation d’une nouvelle de Corneil Woolrich (William Irish) : Rear window (Fenêtre sur cour). C’est l’histoire d’un reporter photographe qui a la jambe dans le plâtre. Il passe son temps à observer ses voisins. de l’autre côté de la cour.

Les dernières œuvres (période 1966 – 1976)
Au cours de la période 1966-1976, Alfred Hitchcock ne tournera que quatre films. Deux se rattacheront au cycle des œuvres d’espionnage. Les autres exploiteront la veine du thriller. En 1966, Torn curtain (le Rideau déchiré) devait choquer les critiques de gauche. Ils accusèrent le film d’être une œuvre anticommuniste et suggérèrent que son auteur était en train de devenir gâteux.
Les films d’Hitchcock sur Mon Cinéma à Moi
THE LODGER (Les Cheveux d’or) 1927
THE 39 STEPS (Les 39 marches) 1935
SABOTAGE (Agent secret) 1936
THE LADY VANISHES (Une femme disparaît) 1938
JAMAICA INN (La Taverne de la Jamaïque) 1939
REBECCA 1940
SABOTEUR (Cinquième colonne) 1942
SHADOW OF A DOUBT (L’ombre d’un doute) 1943
LIFEBOAT 1944
SPELLBOUND (La Maison du docteur Edwardes) 1945
NOTORIOUS (Les Enchaînés) 1946
THE PARADINE CASE (Le Procès Paradine) 1947
ROPE (La Corde) 1948
STAGE FRIGHT (Le Grand Alibi) 1950
STRANGERS ON A TRAIN (L’Inconnu du Nord-Express) 1951
I CONFESS (La Loi du silence) 1953
DIAL M FOR MURDER (Le crime était presque parfait) 1954
REAR WINDOW (Fenêtre sur cour) 1954
TO CATCH A THIEF (La Main au collet) 1955
THE TROUBLE WITH HARRY (Mais qui a tué Harry ?) 1955
VERTIGO (Sueurs froides) 1958
NORTH BY NORTHWEST (La Mort aux trousses) 1959
TORN CURTAIN (Le Rideau déchiré) 1966
- THE LONG NIGHT – Anatole Litvak (1947) / LE JOUR SE LÈVE « refait » et « trahi »
- EDWIGE FEUILLÈRE : LA GRANDE DAME DU SEPTIÈME ART
- LA POLITIQUE DU CINÉMA FRANÇAIS
- THE GARMENT JUNGLE (Racket dans la couture) – Vincent Sherman (1957)
- THE RACKET (Racket) – John Cromwell (1951)
Publication mise en ligne le 30/09/2019 – Mise à jour le 19/09/2022
Catégories :Les Réalisateurs
Bonjour, permettez-moi de vous signaler l’erreur de date dans le titre. Merci beaucoup pour votre superbe billet sur ce grand génie… Très beau week-end
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Bonjour, merci pour votre message ! En fait la date indiquée dans le titre indique la période traitée dans la publication. Mais, c’est vrai, cela peut porter une certaine confusion. Je vais le modifier. Cordialement, Laurent
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